4.Règles : pas vraiment un code

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Elle se stoppa net juste devant la voiture.

Meven eut beau la pousser rien à faire, même son ricanement et ses remarques malicieuses ne la firent bouger. Le jeune homme et le cocher durent la porter pour enfin réussir à lui faire poser les fesses dans ce fichu moyen de transport moyenâgeux. 

La calèche progressait lentement au travers des rues pavées. Pour plus d'effet, elle n'avait pas subi d'ensorcèlement, les passagers devaient donc endurer tous les cahotements du véhicule, par les pattes griffues de Grisellor, cela secouait ! Par chance, un sort d'intimité les enveloppait, leur permettant de parler sans se soucier des oreilles indiscrètes.

Malgré tout, il était intéressant de traverser la ville de manière aussi improbable, la cité semblait métamorphosée, plus majestueuse. Le voile de la nuit dissimulait toutes ses imperfections. Mais Ellist se serait volontiers arrachée la langue que de le reconnaitre devant son bourreau. Meven l'observait une lueur d'intérêt dans les yeux, il s'interrogeait surement sur sa santé mentale. Vu qu'elle avait été tour à tour crispée leur moyen de locomotion, puis fascinée par le bruit régulier et le cahotement des pavés. Elle avait fermé les yeux et levé la tête vers la voute céleste. Gênée, elle se racla la gorge pour retrouver un peu de contenance.

« Tu ne te déplaces pas toujours de cette manière ? s'enquit-elle les dents serrées. Il prit son temps pour répondre, accaparé par ses pensées, accroissant son malaise.

— Non, bien sûr que non. Tous les convives de ce soir s'y rendent de cette façon. Notre hôte est un marginal, et un grand amateur de l'histoire terrienne.

— Bien sûr, fit-elle comme si c'était évidant. Elle hésita puis se lança. Écoute, je sais que je n'ai pas d'autre choix que te suivre, mais... je voudrais savoir ce qui m'attend avant de me jeter tout droit dans la gueule du chatrix. Même sa voix la trahissait, elle s'était exprimée sur un ton beaucoup plus angoissé qu'elle ne l'aurait voulu.

— J'imagine que je te dois bien ça. Que veux-tu savoir ? déclara-t-il, un brin résigné.

Elle se redressa, enfin elle avait une chance d'en savoir un peu plus sur cette affaire. La voiture continuait sa route, les rues faiblement éclairées furent remplacées par d'autres, de plus en plus lumineuses. Bientôt elles dissimuleraient la lueur des lunes et éclipseraient les étoiles.

— Qui est ton employeur ?

À son tour, il reporta son regard sur les rues plongées dans la pénombre diffuse, et répondit sans la regarder.

— Désolé, première règle si tu souhaites vivre vieux : pas de question sur le commanditaire. Tout ce que tu as à savoir est que nous récupérons deux petits bijoux de fabrication Elfe. Une dague et une chevalière exposées ensemble durant les trois premières heures de la réception. Nous agirons dès la fermeture des portes.

Frustrée, elle se laissa retomber sur le dossier. Meven se tourna vers elle, prenant note de son dépit. Il se pencha en avant et ajouta, sur un ton complice, les yeux pétillants de malice.

— Mais... si cela t'intrigue vraiment, il se nomme As'mmodé. Un homme qui se targue du titre de Duc. Un passionné, qui n'hésite pas à mettre le prix s'il ne peut se procurer ce qu'il convoite. Ce n'est pas la première fois que je travaille pour lui. Je ne l'ai jamais rencontré en personne. Je donne un coup de main à un ami, une dette en quelque sort. »

Elle ne put réprimée de lui lancer un regard noir. À ce moment-là, si ses yeux pouvaient lancer des éclairs, il aurait été rudement foudroyé. Ce voleur s'amusait autant à se jouer des hommes qu'avec les mots. Il venait à l'instant, devant elle, de briser sa parole de voleur. Si tant est qu'il en ait une. Pour réponse à cette attaque silencieuse, il leva un sourcil étonné.

« Ne pas poser de questions n'interdit pas de se renseigner par ses propres moyens, argua-t-il. J'ai mené une petite expédition chez lui, un soir.

Elle croisa les bras, nullement convaincue, cette nuance était tout à fait absurde et mesquine. Pourtant, cela portait un certain sens, mais elle n'en montra rien. Il haussa les épaules et poursuivit :

— Par exemple, avant de venir te trouver, j'ai fait des recherches. J'ai découvert ton nom, sans lequel je n'aurai pas pu t'aborder. Mais j'avoue avoir été agréablement surpris par le fait que tu sois une damoiselle.

Ellist reposa La tête sur sa paume. C'était en effet une idée dont elle n'était pas peu fière, et lui permettait notamment d'échapper au service secret elfique aux ordres de ces majestés d'Autremonde. Elle acquiesça :

— Normal, je tiens à garder mon identité secrète, les rumeurs font le reste. Cela me permet de bénéficier d'une certaine protection dans cette profession de macho. Il ne se formalisa même pas à la pique. Comment comptes-tu nous faire entrer dans ses appartements privés ? Ils doivent être très bien gardés.

— C'est effectivement le cas, mais il se trouve que j'ai un complice à l'intérieur. Il nous aidera à passer la sécurité, qui sera bien trop occupée à surveiller tout ce beau monde pour s'occuper de deux tourtereaux éméchés en manque d'affection, ajouta-t-il avec un clin d'œil.

— Quoi ? Mais je... »

Il s'amusait à jouer avec elle. Ellist l'aurait volontiers frappé au visage. Elle n'eut jamais le temps de savoir ce qu'elle aurait pu dire que la calèche s'arrêta en un heurt qui la propulsa subitement en avant, presque dans les bras du voleur, accentuant son malaise. 

Le cocher ouvrait déjà la porte et l'aida galamment à poser pied à terre ou elle atterrit lourdement du fait de sa robe trop étroite, puis, il retourna à son poste en trainant des pieds. Elle crut percevoir un soupir, mais ne savait pas de qui il émanait. Au vu de l'air blasé qu'il tirait, elle se douta intérieurement que s'il n'était pas payé pour ça, il ne l'aurait sans doute jamais fait.

Voltige - dans l'univers d'AutreMondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant