Les violentes bourrasques s'étaient tus, remplacées par la senteur fraiche et humide des sous-bois. Menthe et chèvrefeuille. Engourdi par le sommeil, quelque chose de râpeux et tiède lui chatouillait la main par intervalle régulier. Elle se sentait voler, ponctuer par un rythme lent. Sa tête rebondissait contre un oreiller doux et dur à la fois. Elle s'y blottit, profitant de cette chaleur bienvenue. En ouvrant les yeux, elle reconnut la crinière fauve de leur nouvel ami. Et les rayures si caractéristiques du pelage de Gwynford. Elle lui gratta légèrement l'oreille.
« Ailill que fais-tu là ? Tu n'es pas censé être chez ces horribles vampyrs ? murmura-t-elle.
— Non, plus maintenant. Tu m'as appelé à l'aide.
— Quoi ? Je n'ai rien fait ! Sa voix était si faible qu'elle en avait presque honte. Comme si ses poumons n'avaient plus que la capacité de lui fournir l'équivalant d'un chuchotement.
— Ailill nous conduit dans son antre, tu pourras l'interrogé tout ton sou,l'intervention de Meven se voulait ironique, mais son ton portait tout son ressentiment pour l'Elfe.
— Nous sommes arrivés, » lui apprit Ailill.
En effet, ils se trouvaient devant une petite chaumière digne de celle des trois fées d'Aurore. Avec plus de vert, plus elfique. Ellist se sentait trop faible rien que pour lui demander de la poser à terre, elle reposa sa tête contre son épaule et ferma les yeux. Un troupeau de brrrmm était passé par erreur sur elle, et avait exécuté un demi-tour très propre, repassant sur son corps endolori.
Assise sur le lit de l'unique pièce, la jeune fille considérait d'un œil hagard les deux personnes qui s'affrontaient à coup de sarcasme des plus cuisants, le tout sans jamais hausser un ton qui frôlait le zéro absolu. La dispute la concernait plus ou moins, mais elle ne souhaitait pas prendre part.
Meven accusait Ailill de leur cacher trop de choses, ce qui avait conduit à leur situation actuelle, en désignant Ellist d'un geste de la main. À quoi Ailill répondit que cela ne les concernait pas jusqu'à maintenant, et cela recommençait en boucle.
Au bout de deux heures, elle commençait à avoir la migraine à cause de leurs bêtises dignes de mâles dominants attendant le bon moment pour en venir aux poings. Elle se passa les mains sur le visage, se frottant les yeux.
« J'en ai ma claque de vos disputes ! Écoutez-vous, ça ne mène à rien. Sagement, ils se turent, ou bien ils étaient trop estomaqués qu'une femme, pale comme la mort les remette à leur place pour prononcer un mot. Après un soupir, elle ajouta :
— Pour changer,est-ce que l'un de vous pourrait avoir l'amabilité de m'expliquer ce qui m'est arrivé dans cette forêt ? C'était étrange, même pour Autre-Monde ». Le souvenir du vent l'acérant sa peau avec la volonté de la déchiqueter de l'intérieur la fit frissonner.
Ailill s'approcha d'elle et s'agenouilla à ses pieds. Ça, c'était mauvais signe.
Il ne dit rien, ses yeux s'exprimaient pour lui, une ombre triste voilait leur éclat. Le jeune Elfe glissa sa main dans le dos d'Ellist, elle frémit au contact de ses doigts. C'était connu, les Elfes ne sont pas réputés pour leur pudeur. Il souleva son corset, dévoilant des cicatrices, la réminiscence du fil d'un gros couteau de chasse mal aiguisé sur sa peau.
« Tu n'aurais pas dû ouvrir cette boite ! »
Elle se raidit lorsque la voix de Meven claqua comme un fouet dans la pièce réduite. Plein d'amertume contenue. Il prenait soin de ne pas la regarder, fixant obstinément un coin de la chaumière.
« C'est un peu tard pour me le reprocher ! Tu ne crois pas. »
Ailill répondit avant que Meven n'ait pu répliquer, ce qui semblait être outrageant à son regard, il se contentât de marmonner quelques blasphèmes dans sa barbe. Ellist ne préférait pas connaitre. Un grognement résonna non loin des pieds de Meven. Une tache blanche et rouge sur les dalles irrégulières. Gwynford, le traitre. Il soutenait le patenté, maintenant.
« Ellist, commença prudemment le demi-Elfe. Quand je vous ai dit, à toi et Meven de ne plus vous emmêler. Je voulais vous protéger de ce que tu as ouvert près du sanctuaire.
— L'écrin? Mais il était vide !
— Non. »
Encore une fois. Meven, de plus en plus énervé, suivit d'un grognement assourdi, mais approbateur du chatrix. Mais que pouvait-elle y faire. Elle l'ignora et reporta toute son attention sur Ailill. Celui-ci ferma les yeux et secoua la tête, soudain très vieux.
« Je ne m'explique pas que tu sembles en savoir autant, Meven.
— Chacun ses secrets, dit le jeune patenté en se frottant le menton. Ellist, lorsque tu as descellé cet écrin, tu as libéré un esprit des éléments.
— Un élémentaire tu veux dire ?
Ce fut l'Elfe qui répondit :
— Un titan, un être bien supérieur aux élémentaires. Envisage-le comme, disons, leur roi.
Elle le dévisagea perplexe. L'idée d'un roi des éléments lui paraissait à la fois stupide et effrayante.
— Il y a longtemps, avant que les hommes n'arrivent. Les Elfes vivaient en lutte constante avec la nature. Nous la respections autant qu'aujourd'hui, mais la craignions tout autant. Les éléments étaient sauvages et brutaux. Nous avons alors conclu un pacte avec des titans, l'eau, la terre, le feu, l'air. Ils nous permettaient de dompter la nature en échange de quatre vies pour qu'ils puissent se matérialiser. Ailill marqua une pause le temps qu'elle assimile l'information, puis continua. Contrairement à ce que tu crois, aucun autre sang que celui des Elfes ne coule dans mes veines.
La jeune fille ouvrit de grands yeux étonnés. Dans le dos de l'Elfe, la même expression se refléta sur le visage de Meven.
— J'abrite en moi l'esprit du feu. Tu dois t'en douter à présent, ajouta-t-il avec un sourire en coin bien loin d'atteindre ses iris argentés. Et tu portes celui du vent, à en croire tes cicatrices. Il désigna sa taille où des marques argentées griffaient sa peau. Comme je l'ai expliqué, les esprits sont de nature violente. Elles s'estomperont avec le temps.
Ellist se sentit perdue pour la première fois de sa vie. Elle chercha les yeux de Meven en quête de soutien. Pour qu'il réfute les dires de l'Elfe et toute son histoire délirante, sans doute. Mais le jeune homme était très loin d'elle. Elle avala sa salive avec difficulté.
— Qu'est-ce que cela implique, d'avoir cette chose en moi ?
— Tu ne vas plus pouvoir exercer ta profession. Mais tu seras blanchie à vie chez les Elfes. Ce n'est pas si mal. Meven était sorti de sa torpeur, elle ne savait que penser du ton de sa voix, amère ou simple plaisanterie. Ce qui me préoccupe, c'est ce le lien entre Magister et les esprits.
— Personne ne peut contrôler plus d'un esprit à la fois. Il en mourrait, et ce même avec l'aide de pouvoirs démoniaques, c'est impossible.
— Les libérer dans ce cas, proposa Ellist.
Les deux garçons se tournèrent de concert vers elle. Leur visage trop figé pour être naturel.
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Voltige - dans l'univers d'AutreMonde
FanficEllist Ill'or, voleuse sans ordre ni allégeance, éprise de liberté et amatrice de sensations, commet le vol de trop. Simple, comme d'habitude, sauf que sa route croise celle d'un voleur patenté, qui n'hésitera pas l'attirer là où elle ne voulait sur...