« Quand on enferme la vérité sous terre, elle s'y amasse, elle y prend une force telle d'explosion, que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle » - Émile Zola
Radley, me revoilà.
Radley Sanitarium est l'institut psychiatrique de Philadelphie, non loin de Rosewood. Elena a déjà fréquenté cet endroit durant les huit années précédentes. Cet endroit sinistre... Elle n'aurait jamais cru y retourner un jour. Et pourtant, le journal avait finalement atterri entre les mains de la police. Lucy, Amanda et Morgane l'ont accusée du meurtre d'Emma, Anna et Toby sans se compromettre elles-mêmes de manière grave. Après interrogatoire et tests, la voilà de nouveau ici.
Elle n'était venue ici que pour consulter le Dr. Pierce pour son diagnostic et l'administration de ses Antipsychotiques. Elle n'y était jamais restée sur plusieurs jours comme tous ces patients enfermés, pour certains, depuis des années. Et voilà que, cette fois, elle allait être exactement comme eux... enfermée.
« RadleySanitarium, fondé en 1931 » était-il indiqué sur une grosse plaque en pierre. Le grand portail noir laissait entrevoir à travers ses barreaux la petite cour qui séparait celui-ci des escaliers menant à l'entrée de l'immense bâtiment. Si on ignorait le fait que ce soit un institut psychiatrique, on dirait que c'était un endroit magnifique. Mais l'apparence extérieure contrastait totalement avec ce qui se passait à l'intérieur... Bien évidemment, les gens qui n'y ont jamais mis les pieds ne peuvent pas en témoigner. Mais ceux qui ont fait l'expérience de franchir le seuil de la porte d'entrée de l'établissement vous en diraient long sur ce que dégage cet endroit. Et les patients vous en diraient encore plus.
Elena Porter a passé une entrevue psychiatrique de soixante-douze heures. Etape déterminative de l'état du patient avant son admission officielle à l'institut. Il n'y a aucun doute : les résultats clament qu'Elena souffrait de Psychose qui porterait à une Schizophrénie Paranoïde. Maladie assez grave pour décrocher une chambre à Radley.
La chambre. Parlons-en. Depuis le début de son internement, Elena restait le plus clair de son temps dans sa chambre. Pièce aux murs de couleur pâle, elle abritait seuls un lit, un minuscule lavabo ainsi qu'un petit bureau et sa chaise. Une unique fenêtre bien évidement munie de barreaux donnait une vue sur l'arrière du bâtiment. C'était ici qu'elle prenait ses repas trois fois par jour. Elena se sentait plus ou moins en sécurité ici, à l'abri de toute autre personne.
La seule autre pièce où Elena allait des fois s'asseoir était la salle commune. Une grande pièce dans laquelle les patients peuvent se reposer, regarder la télévision, ou même recevoir des visites. Pour Elena, c'était la pièce qui affichait le plus de mélancolie que n'importe quelle autre dans cet Institut. Car quand les patients n'éraient pas dans les couloirs ou restaient enfermés dans leurs chambres, ils venaient là et affichaient leur désespoir. Plusieurs malades choisissaient un coin, s'asseyaient et se recroquevillaient sur eux-mêmes en se balançant d'avant en arrière. Certains ne faisaient rien et avaient le regard dans le vide. D'autres essayaient de se distraire avec la télévision, ou avec les jeux qu'on leur procurait, mais semblaient bien ennuyés et fatigués. Un silence de mort y planait, hormis les fois où l'on entendait certains patients – souvent les plus dangereux qui étaient enfermés de façon permanente – hurler depuis leurs chambres. Pas l'ombre d'un sourire sur les visages. Ou alors ils étaient rares. Tout cela constituait un tableau non seulement triste, mais d'une certaine manière sinistre.
Elena ne recevait que les visites de ses parents et de sa sœur. C'étaient les seules personnes qui prenaient le temps de venir la voir régulièrement. Ils prenaient de ses nouvelles, voyaient si elle allait bien, posaient des questions sur son état et son traitement à son psychiatre – le même psychiatre qu'elle avait consulté auparavant, le Dr. Pierce. Ce dernier est l'un des meilleurs, et il connaissait bien le cas d'Elena.
À part sa famille, personne ne venait la voir. Amanda et Lucy n'étaient venues qu'une unique fois, et n'étaient plus jamais revenues, sous prétexte que leurs parents refusaient qu'elles continuent à la fréquenter. Morgane ne s'est jamais montrée. Toutes les personnes qu'elle croyait être ses amis encore moins.
C'est dans des moments comme ceux-là qu'on reconnait ses vrais amis. Et Elena constatait au fur et à mesure que le temps passait qu'elle n'en avait plus aucun. Oh, non : qu'elle n'en avait jamais vraiment eu. Toutes ces personnes qui disaient l'aimer, qui la saluaient tous les matins, qui lui souriaient avec sympathie, qui disaient être ses amis et qu'ils seraient toujours là pour elle... Où étaient-ils tous à présent ? Où étaient-ils tous passés ? Avaient-ils seulement été là ne serait-ce qu'une fois ?
Elena aura au moins compris une certaine chose grâce à cet institut : elle avait toujours été terriblement seule. Et elle le restera. Même ses parents qui étaient tout le temps fiers d'elle avant, ne l'étaient plus à présent. Quoi de plus normal, leur fille était une meurtrière. Et même s'ils venaient la voir chaque semaine, prétendant que tout était resté normal, leurs regards ne trompaient pas : ils étaient profondément déçus. Déçus de son attitude, déçus de ce qu'elle était devenue, déçus de ce qu'elle était et de ce qu'elle avait en elle. Ils ne tarderaient sûrement pas à l'abandonner là. Après tout, ils avaient une autre fille, Lisa, qui marchait sur les traces de sa grande sœur pour ce qui est de la perfection. Et surtout, elle était complètement saine d'esprit, contrairement à Elena.
- Nous te souhaitons la bienvenue, Elena. (La thérapeute se tourna vers le cercle de patients) Dites bonjour à Elena.
- Bonjour, Elena, dirent-ils tous en chœur sans réelle joie.
Oh, oui, car en plus de tout le reste, être en institut psychiatrique impliquait aussi le fait de participer à ce qu'on appelle « thérapie de groupe ». Une thérapie qui réunissait un groupe de patients, et qui vont plus ou moins partager ce qu'ils ont vécu – notamment la raison de leur internement et comment ils vivent au quotidien à présent. Il y a une thérapie de groupe une fois par semaine.
C'était la première fois qu'Elena y participait, et elle détestait déjà ça. Ces visages grimaçants et antipathiques qui l'entouraient... Tout ce qu'elle voulait faire, c'était aller se réfugier dans son lit au lieu d'entendre sans cesse les plaintes des autres patients.
Quand enfin la thérapie s'était achevée, Elena se dépêcha de retourner dans sa chambre. L'absence d'échappatoire l'exaspérait : elle qui voulait tellement quitter cet endroit et retrouver son ancienne vie, il lui était impossible même d'imaginer sa liberté lui revenir. Mais en même temps, ce petit espace qu'était sa chambre lui procurait une sorte de sécurité. Elle avait le sentiment que personne ne pouvait l'atteindre, que personne ne lui ferait du mal.
Car avec Katherine, qui sait ce qui se passerait en ce moment si Elena était en liberté. Serait-elle morte à cette heure-ci ? Après tout, Katherine était folle de rage contre elle et rien ne l'empêcherait de la tuer. Ou alors, c'est Katherine qui serait morte... Elena regrettait amèrement de ne pas l'avoir tuée quand elle en avait eu l'occasion, juste après le meurtre de Toby. Mais cela l'amusait tellement de la voir pleurer... Et puis, tuer Katherine n'était pas son objectif. Elle voulait que Katherine vive, afin qu'elle puisse lui faire mordre la poussière pour ce qu'elle lui avait fait. Grossière erreur qu'était de lui laisser la vie sauve, car si elle Katherine était morte à ce moment-là, Elena ne se trouverait pas à Radley en ce moment. Elle aurait récupéré son journal, détruit les preuves, et gardé ses amies sous contrôle pour qu'elles ne disent rien. Elle se serait arrangée pour que quelqu'un d'autre soit soupçonné... Pourquoi pas Morgane ? Après tout, l'arme qui lui avait servi à assassiner Toby appartenait à son père – qu'il gardait par mesure de sécurité, et qu'Elena a réussi à voler. Morgane ou n'importe qui d'autre, cela importait peu tant qu'Elena serait sortie d'affaire.
Elena soupira et appuya sa tête contre la fenêtre en essayant de se concentrer sur le piètre paysage qui s'offrait à elle à travers les barreaux.
Mais une seule phrase lui revenait sans cesse en tête.
Si seulement j'avais tué Katherine.
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Smell of Insane
Mystery / Thriller"The scariest monsters are the ones that lurk within our souls" - Edgar Allan Poe. Une jeune fille de 18 ans sombre peu à peu dans la folie. Elle l'ignore, jusqu'au moment où elle commet l'irréparable. Elle culpabilise. Mais alors qu'un maître chant...