Chapitre 6

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Je fais face à un homme au physique peu avantageux, avec ses cheveux blancs soigneusement coiffés en arrière et un visage marqué par des rides prononcées, témoignant de son très vieux âge. Ses gros sourcils, son froncé et ses lèvres fines forment un petit sourire qui m'a déjà dégouté autrefois.
Toujours aussi écœurant.
Ce fils de pute ose se pointer devant moi, dans la baraque de l'ennemi de mon père ?
Qu'est-ce que c'est que ce bordel, je n'y comprends rien.
 
- Que fais-tu là ? Demandais-je les dents serrées.
 
- Oh, tu n'es pas au courant ? Bref, je n'ai aucune explication à donner à quelqu'un comme toi. Dit-il avec un petit sourire diabolique et en se barrant sans me donner la moindre explication.
 
Je vois bien que ce connard essaye de m'éviter un maximum.
Helena et le petit nous regardent à tour de rôle en ne comprenant sûrement pas ce qu'il se passe et comment ce connard et moi nous nous connaissions.
Mais tout ça n'a rien avoir. Si les dizaines de gardes de l'autre connard l'ont laissé passer, cela veut dire qu'il n'est plus en territoire ennemi contrairement à son ancien meilleur ami. Il décampe vite du couloir, me laissant seule avec Helena et le petit. Ce connard veut éviter la confrontation au maximum.
 
- Comment ose-tu, que fais-tu dans un endroit pareil ? Cris-je en espérant qu'il m'entende.
 
- Heu, Seyna, il travaille pour Kayron. Me coupe timidement la voix d'Helena.
 
Il travaille ici ? Comment ça ? Putain. 
Tout le puzzle recommence à se reconstituer dans ma tête. Il y a dix ans, il a quitté mon père et toute sa famille prétextant prendre sa retraite, et là, je découvre que ce fils de putain travaille ici ? Ce n'est rien qu'un traître. Comme moi, j'ai envie de dire. Il a quitté la famille pour travailler avec un autre connard. À l'époque, j'étais bien contente de ne plus l'avoir dans mes pattes. Mais maintenant, je regrette. Alors, c'est à cause de lui que la famille Domoto, dont Kayron fait partie, nous a de nombreuses fois attaqués, ayant toujours des coups d'avance sur mon père. Parce que oui, il y a dix ans, c'était le père de Kayron qui était le boss. Depuis, personne ne sait où est passé leur père. Il a complètement disparu. Bien sûr, de nombreuses rumeurs se sont fondées.
Un des trois fils Domoto, qui est Kayron, est de nouveau leur chef à cause de celui qui se tient devant moi.
C'est à cause de lui que mon père et mon frère ont complètement déraillé ! 
Avant qu'il ne devienne le bras droit de mon père, tout se passait pour le mieux. Mais une fois qu'il était devenu son bras droit et qu'il a eu ce qu'il voulait, il a prétexté vouloir prendre sa retraite. Mais non, maintenant, je découvre qu'il travaille ici et qu'il travaillait encore probablement ici il y a dix ans. Ce n'est rien de plus qu'un infiltré qui a bousillé ma famille entière. Cette fois j'en suis sûr, j'ai vraiment la haine contre cette famille.
Ils ont tout gâché. Plus précisément le père de Kayron.
Plus je me remémore les souvenirs, plus je sens mes yeux s'inonder d'eau peu à peu. Je sens une petite main m'attraper par la manche alors que ce fils de pute s'éloigne de moi en descendant les marches. Ma haine envers eux ne fait qu'accroître. Et après, ils prétendent qu'ils doivent me protéger prétextant que ce soit les dernières volontés de mon oncle ? C'est ça, mon œil, oui. Mes yeux commencent à sécher. Cette fois-ci, ma priorité n'est plus de sortir de cette foutue baraque pour l'instant. Mais c'est de tuer cette enfoiré qui s'éloigne de ma vision. Je ne laisserai pas passer cette occasion. Le fait qu'il travaille ici me facilite la tâche. Je n'ai pas remarqué que j'ai serré mon poing qui commence à devenir blanc.
 
- Ça vas ? Me demande timidement le petit garçon dont je ne connais toujours pas le nom.
 
Au moins un peu d'innocence ici.
Je sais que c'est mal, mais je me servirai de lui et d'Helena s'il le faut.
 
- Oui. Comment t'appelles-tu, mon garçon ? Demandais-je avec un léger sourire.
 
Si je suis obligé de rester ici pour un temps indéfini, alors je ferai ce qu'il faut.
 
- Liam Et toi, tu n'as même pas besoin de te présenter, tu es populaire ici. Dit-il avec un sourire presque inquiet ?
 
Voyant ma mine surprise et étonnée, le dénommé Liam s'empresse de me donner plus d'explications.
 
- Et bien dans la salle où tous les hommes ont l'habitude de se regrouper, ils ne parlent presque que de toi. Enfin je crois. Dit-il avec un certain doute.
 
- Et que disent-ils de moi ? Demandais-je même si je suis déjà presque sûr de quoi ils parlent sur moi.
 
- Heu…
 
- Je ne suis pas sûre que certains propos soient adaptés pour toi, mon bébé. Dit Elena en posant ses mains sur les épaules de son petit frère, si j'ai bien compris. Et Seyna, ne t'en fais pas, personne ne pourra te faire du mal à l'intérieur, tu es ici chez toi. Dit-elle avec un sourire qui se veut rassurant.
 
C'est ce que je pensais, je ne suis qu'un jouet où ils s'amusent à parler de moi de façon obscène. Je ne pourrais jamais me sentir en sécurité ici, avec tous ces hommes malhonnêtes dans cette baraque. D'ailleurs, où est cette salle, où tous les hommes se regroupent comme le dit Liam, la maison est si immense, je n'ai pas eu le temps de tout visiter. Et d'ailleurs, je ne veux pas le savoir. Je ne veux presque plus m'aventurer dans le salon, je ne veux pas voir ce requin. 
Helena veut se montrer gentille avec moi, mais je n'arrive pas à faire de même. 
C'est sûrement la seule qui peut m'aider dans cette baraque.
 
- Merci Hélène, mais ne t'en fais pas pour moi. Je peux me débrouiller toute seule, c'est ce que j'ai toujours fait.
 
Dis-je en rentrant dans ma chambre et réfléchissant à un plan pour tuer le fils de pute de Ruben. Si j'avais su qu'il travaillait pour la famille Domoto depuis toujours, je l'aurai déjà tué il y a longtemps. Le problème est qu'il y a trop d'hommes ici, ce sera difficile de ne pas me faire remarquer.
D'un coup, j'entends une lointaine porte s'ouvrir dans un grand fracas et une paire de pieds courir. 
Je sors de ma chambre pour voir d'où provenaient ces bruits.
Je descends les escaliers quand je remarque qu'il y a du monde dans le salon. Je balaye la pièce et remarque que les deux enfoirés ne sont pas là. Heureusement, sinon j'aurais sauté sur l'enfoiré qui attise le plus ma haine.
Plein d'hommes qui semblent se diriger vers un sous-sol. Mais ce qu'il y a de plus bizarre sont les grands sacs qu'ils tiennent à deux. Tous les sacs sont fermés d'une fermeture éclair. Ils ont l'air plutôt lourds. Je crois que je sais déjà ce qu'il y a dedans. Mes doutes se confirment quand je m'approche de l'un des nombreux sacs. Mais pas n'importe lequel. Des sacs de congélation.
La fermeture mal fermée, une main sort du sac. La main se balance au rythme des marches de celui qui le transporte. Il ne faut pas être intelligent pour voir que la personne dans le sac est décédée. Comme dans tous les sacs d'ailleurs. Mais ce n'est pas ce qui me dérange le plus, non. J'avais l'habitude de voir les hommes de mon père transporter des cadavres dans des sacs poubelles et les jeter dehors. Mais là, c'est différent. Non seulement les sacs sont emportés dans la baraque, mais en plus, ce sont des sacs de congélation, autrement dit, qui gardent les cadavres aux frais. Je sens mon corps frissonner de dégoût en imaginant qu'ils gardent les corps aux frais pour pouvoir les manger. Me dites pas que j'ai atterri dans un repère de cannibales ? Non. Il doit y avoir une explication. Je viens de me souvenir qu'il existe un requin à l'air d'appartenir au connard. C'est ça. Les corps sont pour le requin. Juste de la nourriture pour le requin, c'est tout. J'essaie de me convaincre et de me dire que c'est logique. Ce qui l'est. Mais il y a quelque chose qui me dérange. Je ne saurais dire quoi. J'entends la voix de Liam prendre la parole.
 
- Où est Kayron ? Demande-t-il à un des hommes qui transporte un cadavre.
 
- Il n'est pas encore rentré, petit. Dit la voix grave d'un homme.
 
- Oh, et qu'est-ce que vous transportez dans les sacs ? Je peux vous aider ? Demande la voix implorant du petit garçon qui se dirige vers le sous-sol pressé de les rejoindre et les aider.
 
- Liam ! Je t'ai déjà dit de rester en haut quand les hommes de Kayron rentrent ! Tu as l'interdiction de rentrer dans le sous-sol. Kayron sera fâché et déçu si tu lui désobéis ! Intervient Elena, protègeant son petit frère de ces hommes et ces cadavres.
 
Il s'arrête tout de suite et monte en haut avec sa sœur. On dirait qu'il a peur de le décevoir. Il veut rendre Kayron fière. Je laisse échapper un petit sourire puis reprend mon sérieux en s'approchant du sous-sol. Je remarque que tous les hommes sont déjà partis de la pièce.
Je me trouve devant une porte. J'ai vu plusieurs hommes emmener les cadavres ici. Je suppose qu'ils sont tous là. Je pose la main sur la poignée et me retourne pour vérifier si personne ne me voit. Voyant personne pour m'épier, j'abaisse la poignée et ouvre la porte.
J'entre dans la pièce et referme la porte derrière moi. Le froid se fait immédiatement ressentir. Je me demande comment cette pièce peut être aussi froide alors que le reste de la maison est chaud. Le sol et les murs sont propres. Il n'y a pas de lumière, la pièce est sombre. Seules quelques lumières bleues passent entre les ouvertures de grands tiroirs devant moi. Chaque tiroir doit faire au moins deux mètres de long. Je me demande ce qu'il y a à l'intérieur, même si au fond je connais déjà la réponse. J'ai déjà vu ces mêmes tiroirs dans les films. Je tourne la tête et vois tous les sacs de congélation entassés dans un coin. Il n'y a plus d'humains à l'intérieur, les sacs sont trop pressés pour qu'il y ait encore des humains à l'intérieur. Aucune odeur de cadavres ou d'étranges ne se fait sentir. Seul le froid me fit frissonner. Je m'approche doucement d'un des nombreux tiroirs et pose la main sur celui-ci. Je souffle un bon coup, me préparant au pire, parce que je sais que tous les cadavres dans les sacs de congélation sont sûrement dans ces tiroirs, bien au froid. Je tire un coup et mes soupçons se confirment. Je recule en voyant le cadavre devant moi. Le problème n'est pas le cadavre en lui-même. Non, ça, j'envoie tous les jours des cadavres. Ce qui me choque le plus, c'est que le mort est quasiment congelé, gardé bien au frais dans une sorte de grand congélateur. C'est comme si du pain ou de la viande était congelé, ça n'a aucun sens. Un requin n'a pas besoin de manger des humains congelés ou des humains eux-mêmes. Alors pourquoi ?
J'ouvre les autres tiroirs et constate que c'est toujours la même chose, des corps morts congelés. La plupart sont des hommes qui ont la trentaine ou quarantaine, bien qu'il y ait quelques femmes. Je n'ai pas vu d'enfants pour l'instant, c'est déjà ça.
Soudain, je referme maladroitement un des tiroirs en entendant la porte d'entrée s'ouvrir tout doucement, puis se fermer tout doucement. Comme si la personne essayait de ne pas se faire entendre, mais en voulant se faire entendre en même temps. Le nouvel arrivant lâcha un petit rire avant de prendre en premier la parole après quelques secondes.
 
- Tu es trop curieuse, Trésor. Je me demande comment ma satisfaction augmenterait si tu rejoignais un de ces tiroirs. 
 
Je lâche à mon tour un petit rire.
 
- Pourquoi ? Tu penses me manger ? Je t'assure que je n'ai pas bon goût. Dis-je en me tournant vers lui. 
 
Je suis désormais face à lui, ce qui me laisse apercevoir une bouteille de limonade à moitié bue sur sa main droite.
 
- Oh, ça ? Tu n'as pas besoin de me l'assurer, je le savais déjà. Dit-il en buvant une grosse gorgée de sa bouteille.
 
Ça fait bizarre de le voir boire une limonade, j'avais l'habitude de voir ma famille et les hommes de la mafia de mon père boire de la bière ou de l'alcool. Je les voyais rarement boire autre chose, même de l'eau. 
Ce n'est qu'un pur connard prétentieux, parce que j'ai très bon goût. Je n'arrive pas à croire que j'ai atterri dans un milieu de cannibales. En même temps, quand tu vois qu'il a un requin comme animal de compagnie, tu sais tout de suite qu'il n'est pas normal.
 
- Donc mon oncle a engagé des cannibales pour me protéger de mon père ? Constatais-je et riais-je nerveusement. 
 
Hors de question que je reste une seconde de plus avec des humains qui mangent leurs semblables. Les tiroirs ne trompent pas. Sinon, pourquoi y aurait-il des corps tout frais prêts à être dévorés ? Cela me donne une raison de plus de le tuer. Helena et Liam faisaient-ils partie de ces gens-là ?
 
- Dis-moi, Trésor, j'ai une geule à être cannibale peut-être ? Dit-il en reprenant son sérieux et en haussant ses sourcils. Ici, notre principal business est le meurtre, plus de la moitié de mes hommes sont tueurs à gage, pas cannibales. 
 
- Mmh, bien-sûr, c'est pour ça que vous gardez ces corps au frais. Concluais-je avec un grand sourire, juste pour l'énerver encore plus.
Ce qui a l'air de marcher, mais il reprend tout de suite son air arrogant.
 
- Bon, et bien, comme je vais devoir supporter ta gueule ici, je vais t'expliquer le fonctionnement ici. Fit-il une pause en me donnant toujours son petit rictus. Nous mettons les cadavres de nos victimes aux frais pour que leurs corps ne pourrissent pas. Nous ne sommes pas des cannibales, en tout cas, pas nous.
 
- Nous ? Dis-je dans l'incompréhension, en attendant qu'il en développe plus. Si ce n'est pas eux les cannibales, alors qui est-ce ?
 
- Oui, nous Tu dois sûrement avoir entendu parler des cannibales de l'île de Maurice. C'est à eux que nous vendons les cadavres, ils peuvent en faire ce qu'ils veulent. 
 
Est-je bien entendu ? Ils vendent des cadavres aux cannibales de l'île de Maurice J'en ai déjà entendu parler, ils sont coupés de la civilisation humaine et vivent comme en meute. Tous les humains s'aventurant sur leurs territoires finissent dévorés par les préoccupants du territoire. C'est-à-dire eux. Donc ce serait bien vrai ? Ils sont vraiment des Cannibales ? Il faut dire que je n'ai pas l'habitude de croire ce que les gens racontent sur Internet.
Mais ces victimes ne méritent pas ça, je suis sûr que la plupart ne méritent même pas de mourir, alors d'être dévorées…
 
- Et qu'est-ce que vous gagnez dans tout ça ? Ils n'ont pas d'argent, ils sont coupés de la civilisation humaine.
 
- Peut-être, mais leur Île est remplie d'or. Je vends tous les cadavres contre un kilo d'or chacun. Ce qui fait près de soixante mille euros par cadavre. Dit-il en poussant un soupir presque exaspéré.
 
- Dis-donc Kayron, tu n'as pas fini de faire peur aux filles avec tes histoires ? Dit-une voix enjouée d'un inconnu.
 
 



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