Chapitre 8

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  Tic tac tic tac.

  Le silence de la salle se brisait par intermittence à cause de mon quatre couleurs que je m'amusais à faire cliqueter. Mon contrôle était posé face retournée à un coin de ma table depuis un moment déjà, et j'attendais impatiemment la fin de l'heure. Lorsque j'étais arrivée, l'évaluation avait commencé depuis déjà 10 bonnes minutes. Et pourtant, je me retrouvais à être la première à avoir terminé. Très ennuyeux. Pour moi, les heures de contrôle étaient la pire chose créée au sein de l'école. Le silence y était pesant, entrecoupé parfois de chuchotements vite repris par le prof, du léger bruit des stylos grattant sur les feuilles, des respirations hachées, comme si les élèves jouaient leur vie... Tout y était oppressant, et lorsque je finissais en avance, le temps qu'il me restait me laissait me rendre compte de l'atmosphère tendue de la salle, si insupportable que j'avais envie de me jeter par la fenêtre.

Tic tac tic tac.

  Les élèves commencèrent à râler suite à ce dérangement répétitif. Le prof, d'un coup d'œil, me défendit de recommencer une nouvelle fois, et il me parut plus sage de reposer mon stylo dans ma trousse. Je soupirai et appuyai mon menton contre la paume de ma main, le regard tourné vers la fenêtre. Inconsciemment, je me mis à taper du pied. J'étais incapable de rester en place. Les minutes s'allongèrent, jusqu'à ce qu'elles me semblent se transformer en heures et, petit à petit, la pièce devint étouffante encore plus étouffante. Alors que je commençais à m'agiter un peu trop pour une salle de classe, la sonnerie retentit. Le prof ordonna à toute la classe de lâcher son stylo et ramassa les copies. Un à un, les élèves se levèrent et sortirent de la salle. Je suivis leur chemin mais me stoppai quand j'entendis monsieur Mason m'interpeller :

- Lucky, reste ici, j'ai à te parler.

  Je m'adossai à la porte, m'attendant à ce qu'il me passe un savon pour mon énième retard. Contre toute attente, il ne me le reprocha que très brièvement, et m'informa que l'avis des autres professeurs commençait doucement à changer. Un poids que je ne soupçonnais pas jusque-là s'envola de mes épaules. Sur un petit nuage, je me surpris même à participer au cours suivant, chose que je ne faisais jamais car le niveau était trop bas pour être intéressant. La prof d'anglais, madame Fleury, en fut si heureuse qu'elle ne me lâcha pas du cours, ce qui me dit regretter ma précédente effusion de joie. Aussi vite retombée qu'elle était apparue, je me réfugiai dans les toilettes à la pause de midi pour souffler loin de cet environnement perturbant.

  Nous n'en étions qu'à la moitié de la journée, et j'étais déjà épuisée. Je ne savais même pas si j'aurais la force d'aller à la cantine en sachant que j'allais devoir y supporter le capharnaüm de tous les insectes qui y grouillaient. Au moment où je pris mon courage à deux mains pour aller affronter cet endroit surpeuplé, la fille que j'avais croisée en train de pleurer le mois dernier entra. Nous sursautâmes à cette brusque rencontre. Nous nous observâmes quelques minutes, dansant d'un pied sur l'autre. Comme la dernière fois, sa mine était triste et des cernes creusaient son visage. Et j'avais la désagréable impression que si j'étais tombée sur elle dans les toilettes, c'est parce qu'elle avait envie de s'y enfermer une nouvelle fois. Elle finit par s'écarter du passage pour me laisser passer. Mais pour une raison que j'ignorais, je ressentais de la sympathie à son égard, et je fus incapable de quitter les toilettes sans faire quelque chose pour elle.

- Julie ? l'interpellai-je, moi-même surprise de me souvenir de son nom.

- Oui ?

  Sa voix était toute faible et son regard fuyait le mien. Elle semblait si perdue que je ne pus me résoudre à la laisser seule.

- Tu veux manger avec moi ?

  Je regrettai presque ce que je venais de dire, parce que je ne savais absolument pas comment Julie allait réagir, et je n'avais pas vraiment envie de me faire envoyer balader alors que c'était la première fois que je proposais ce genre de choses à qui que ce soit. Face à son regard intrigué, je finis même par me trouver stupide. Puis un sourire qui illumina son visage triste me convainquit que je ne devais pas avoir l'air si idiote que ça.

Lucky MurphyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant