Chapitre 10

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  La journée avait été étrangement amusante. Malgré la petite altercation entre ce mec à l'air idiot et Félix, jamais je n'avais autant ri. En rentrant chez moi, j'avais le cœur léger, et toutes mes inquiétudes sur ce putain de karma qui me collait à la peau s'étaient envolées. Même les remontrances de madame Pelletier avaient échoué à ternir ma bonne humeur.

  Plus tard, après avoir jeté mes vêtements à la poubelle (impossible de les réutiliser à l'avenir), et après m'être lavée dans une douche toujours sans porte, alors que je me brossais les dents, mon portable sonna deux fois d'affilée. Un message de Félix, et l'autre de ma mère. Je cliquai sur le premier et faillit m'étouffer avec mon dentifrice. Une photo de moi endormie sur l'épaule de ce crétin, la bouche grande ouverte, en train de baver.

Je ne sais pas si l'espace entre nous est plus grand que l'univers, Murphy, mais on est assez proches l'un de l'autre pour que la bave qui sort en torrent de ta bouche inonde mon pull.

  Quel con ! J'étais rouge de honte et balbutiai toutes sortes d'insultes à voix basse, seule dans ma salle de bains. Trop gênée, et aussi un peu vexée qu'il me le fasse remarquer de cette manière, je passai au message de ma mère sans lui répondre.

Coucou ma chérie ! J'ai deux nouvelles à t'annoncer. Il y en a une qui te plaira sûrement plus que l'autre. Tu veux apprendre laquelle en première ?

La pire.

  J'attendis impatiemment quelques minutes qu'elle me réponde. Enfin, mon portable sonna.

Ton père arrive en ville ce week-end. J'aimerais que tu ailles le voir. Je ne te demande pas de rester avec lui pendant des heures, mais simplement de lui parler un peu. Prends le temps d'y réfléchir, je ne te forcerai pas à le voir si tu n'en as pas envie.

  Si cette nouvelle ne me plaisait pas avant de rencontrer Félix, elle fit chuter mon moral encore plus bas maintenant que j'avais appris à m'amuser.

Et la meilleure ?

Je rentre dans deux semaines, j'ai réussi à placer quelques jours de congé !

C'est vrai ?

Oui.

Merci, maman !

  J'étais si heureuse qu'elle se soit libérée pour passer du temps avec moi que je consentis à y mettre un peu plus du mien.

J'irai voir papa, c'est promis.

Merci, ma chérie.

  Cette nuit-là, lorsque j'allai me coucher, je fus tiraillée entre l'envie de hurler dans mon oreiller et de le frapper pour évacuer toute ma tension ou bien de sourire avec béatitude de la chance qui prenait peu à peu le pas sur mon karma. Finalement, je m'endormis en me disant que c'était un mal pour un bien, et que ma journée et les jours à venir compensaient largement les dix petites minutes que je passerai en compagnie de mon père.

***

- Murphy, tu peux rester concentrée plus de trente secondes, s'il te plaît ? C'est fatiguant.

  Félix agita une énième fois sa main devant mes yeux, une mine exaspérée et, je crois, aussi un peu inquiète.

- Continue, tu parlais du carpe diem, c'est ça ?

- Murphy, ça fait des lustres qu'on a fini de parler de ça.

- Ah.

  Je n'écoutais qu'à moitié, gribouillant sur une feuille, distraite. Félix souffla et laissa tomber les affaires qu'il tenait sur la table.

Lucky MurphyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant