La petite voisine #5

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— Hé... Tu vas y arriver. Viens là.

Je l'attire contre moi et la serre dans mes bras. Je sens sa respiration ralentir, mais aucun son ne traverse la barrière de ses lèvres.

— J'ai confiance en toi, tu vas tout déchirer. Jouer la comédie est une seconde nature chez toi. Je peux t'aider à répéter ton audition, tu dois préparer quelque chose ? Je pourrais te donner la réplique. Je suis une belle parleuse, tu sais ? Et je t'accompagnerai, tout va bien se passer.

Elle acquiesce sans pour autant s'éloigner de moi. Pressentant que ni mon humour ni mes encouragements ne suffisent, je sors l'artillerie lourde.

— Tu as raison de prendre des risques et de te battre pour réaliser tes rêves. Tu es là où tu dois être.

Je me détache d'elle et noue nos doigts alors que son regard me sonde comme si elle cherchait à deviner ce que je m'apprête à lui dire. Je ne suis pas très loquace habituellement, j'évite les conversations profondes, mais il s'agit de Léa, ma petite sœur d'infortune, et elle a besoin de moi.

— J'ai perdu beaucoup trop de temps par manque de courage, et le temps, c'est précieux. Je m'en veux encore aujourd'hui. Ne commets pas la même erreur. Tu as la chance de pouvoir faire ce que tu aimes. Je ne souhaite pas que tu aies des regrets. Nous avons tous peur, Léa. Le courage, c'est justement de se battre malgré la frousse. C'est se dépasser et je sais que tu peux le faire. Fonce. Donne tout ! Le meilleur de toi. Travaille et gagne ta place dans cette école. Je veux que tu brilles, tu comprends ?

Léa se détend aussitôt. Un sourire timide s'invite sur son visage puis ses yeux pétillent d'une nouvelle étincelle. Good job, Raphaëlle... Je reprends le contrôle de la discussion avant que la gêne ne me gagne. Quelque chose d'autre la tracasse... Je suis bien placée pour savoir que tout quitter n'est pas facile.

— Biarritz, ce n'est pas très loin, tu sais. Tu pourras toujours voir ta mère et tes amis. Et comme tu le dis si bien, on est à Paris, tu pourras organiser des week-ends sympas. J'imagine assez bien Claire te trainer dans les musées.
— On a longtemps été deux... mais elle m'encourage. C'est une personne en particulier que je ne veux pas quitter...

— Oh... Un petit ami ? m'étonné-je.
— Pas vraiment... souffle-t-elle avant de poursuivre. Manon. Nous sommes ensemble depuis un an maintenant. Pour tout te dire, ce qui compte pour moi c'est la personne, pas son genre.
— Je comprends. Notre petite Léa est amoureuse, la taquiné-je en la bousculant doucement de l'épaule.
— Ouais... On s'est rencontrées à l'association. On devait préparer un exercice en duo puis de fil en aiguille, à force de nous voir pour les répétitions, nous avons commencé à nous rapprocher... Elle est gentille, toujours souriante et carrément à tomber. C'est magique avec elle, même au lit. Elle me fait ressentir tellement de choses.

Ses joues rosissent et cette image m'attendrit.

— Alors de quoi as-tu peur ? Si elle t'aime, vous trouverez une solution.

Ses yeux s'égarent dans le vide.

— Je lui ai demandé d'emménager avec moi ici si je suis prise. Elle veut du temps pour réfléchir, je ne sais pas comment je dois le prendre...
— C'est normal, ce n'est pas une décision à prendre à la légère. Ça ne veut pas dire qu'elle va refuser, la rassuré-je en glissant mes doigts sur sa joue pour la caresser. Concentre-toi déjà sur cette audition et vous aviserez après.

Son visage retrouve un peu de gaieté et son grand sourire ne m'inspire pas.

— Tu as raison ! Bon, et toi ? Les meufs, ça donne quoi ? Ne crois pas que tu vas te défiler !

L'album photo -  Jordane LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant