La petite voisine #1

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Les deux semaines sont passées à une vitesse hallucinante. Léa arrive aujourd'hui. Lors de nos appels téléphoniques hebdomadaires, ma mère m'a fait un sermon quand je lui ai dit que je l'attendrai à l'appartement.

J'imagine assez bien son regard se lever au plafond lorsqu'elle m'a entendue. Je ne vois pas ce qu'il y a de difficile à prendre un Uber... Léa était plutôt débrouillarde à l'époque. Peu importe, maman commande, j'obtempère. Bonne fille que je suis. Je lui ai promis de prendre soin d'elle et je compte bien tenir parole.

Je dois bien avouer qu'à mon arrivée à la capitale, je n'en menais pas large. Je peux comprendre que la vie parisienne effraie quand on n'y est pas habitué.

Ma playlist de soul défile et efface ce silence que je n'aime pas. Ben E. King fredonne Stand by me spécialement pour moi, mais même si j'apprécie l'effort, je vais devoir l'abandonner tôt ou tard. Je me rends dans la chambre d'amis pour vérifier que tout est prêt. Je coche mentalement un à un chaque élément. Quelque chose me dit que je n'ai pas intérêt à me louper.

Lit : ok ! Tiroir de commode vide : ok ! Lampe de chevet : ok ! Tout a l'air à sa place. J'ai même le temps d'avaler quelque chose. Il est quatorze heures. Léa débarque dans une heure. Je regagne la cuisine à grandes enjambées, ouvre les placards et en sors du pain de mie. Sandwich club, c'est parfait. Je me dépêche de l'ingurgiter pour me rendre à la gare à pied.

Je préfère traverser les jardins ensoleillés plutôt que les tunnels sombres du métro. La vie extérieure est bien plus attrayante. Entre les travailleurs pressés et les touristes heureux de visiter, Paris est un cœur qui bat, qui chante au rythme des mélanges de langues, des coups de Klaxon et des cris stridents des outils de chantier. Je me suis habituée à cette cacophonie ambiante, mais aussi au charme de la plus belle ville du monde.

Les bâtiments typiques de la capitale, aux larges trottoirs fissurés par les arbres centenaires, m'émerveillent tout autant que les façades tordues des ruelles pavées. Dans un sursaut de conscience, je jette un œil à ma montre. Léa arrive dans vingt minutes, je dois me dépêcher. J'enfile mes écouteurs pour ne plus être tentée de me laisser happer par tout ce qui m'entoure et presse le pas.

Dès que je pénètre dans le hall de la gare Montparnasse, je m'installe dans un coin tranquille. L'espace a été entièrement rénové et je dois avouer que c'est réussi. Je m'adosse contre le mur, les mains dans les poches, et attends Léa en suivant des yeux les gens aller et venir par les escalators.

Une fourmilière bien réglée s'agite devant moi. On pourrait croire qu'il s'agit d'un gros désordre, mais si l'on y regarde de plus près, chacun sait où il va et s'y rend sans s'arrêter. Ces centaines de fourmis en costume de travail transportent, dans leurs sacs d'ordinateurs, leur dur labeur. D'autres prennent le temps de faire du lèche-vitrine avant de succomber et de passer à la suivante. Chacun s'occupe de sa routine sans prêter attention à ce qui l'entoure.

Une jeune femme sur la droite met tellement d'énergie à agiter les bras qu'elle ressemble à un agent de piste d'aéroport sous amphétamines. Des cris me parviennent quand je retire mes écouteurs. Je découvre avec horreur qu'il s'agit de Léa et qu'elle continue de m'appeler par le surnom qu'elle me donnait petite.

— Fafa ! Fafa !

Putain... Elle me fout la honte... Je me détache du mur et m'avance vers elle en soupirant. Elle fonce entre les voyageurs sans ralentir et me fauche sans ménagement. Son assaut me coupe le souffle, puis son rire aigu me transperce les tympans. Je fais deux pas en arrière et nous empêche de tomber sous le choc de l'impact. J'aurais dû le prévoir et installer des barrières de sécurité autour de moi.

L'album photo -  Jordane LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant