La rentrée #2

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J'avais pressé le pas pour regagner le préau sous lequel plusieurs listes de classes et plans du lycée nous attendaient. L'établissement se divisait en cinq parties autour d'une cour goudronnée : l'administration, le pôle sciences avec les laboratoires, le gymnase, la restauration et les salles de cours. Un stade se situait à deux cents mètres de là pour les sports de plein air.

Derrière la cantine, un spot nous était destiné, un parc où beaucoup squattaient après manger ou pendant les pauses. Les bâtiments méritaient un bon coup de remise à neuf, mais tenaient, dans l'ensemble, encore debout. J'avais trouvé le numéro de ma salle et à l'aide des indications affichées à côté, j'avais pu m'y rendre sans trop de difficultés. Le sol des couloirs en vinyle brillant me rappelait ceux des hôpitaux, seule leur couleur rougeâtre les différenciait.

Les fenêtres ne s'ouvraient que par le haut, surement pour une question de sécurité. Je passais devant une série de pièces fermées qui attendaient l'arrivée des premières et des terminales le lendemain. Ma salle se situait au troisième étage et accueillait déjà la majorité des secondes de la classe 2B. Chaque table de deux était séparée de la suivante par une allée.

— À peine ai-je franchi le seuil que le prof m'a demandé mon nom de famille. Il avait fait un plan pour nous placer et impossible d'y couper.
— Le relou...
— J'avoue... D'après lui, c'était indispensable pour « éviter les bavardages intempestifs et créer du lien entre des élèves qui ne se connaissaient pas ». À mon avis, il cherchait à installer son autorité et garder le contrôle... Ceux dont le patronyme commençait par le début de l'alphabet se trouvaient au fond. Moi, le premier rang m'a accueillie les bras ouverts.
— Les boules !
— Carrément, j'étais dégoutée.

Au bout de quelques minutes, tout le monde s'était placé selon ses recommandations. C'était divertissant d'observer comment chacun agissait. La plupart étaient tendus et timides. Certains buvaient ses paroles alors que d'autres n'y prêtaient aucune attention. J'avais jeté un coup d'œil pour étudier la composition de ma classe. J'avais très vite repéré les élèves qui se démarquaient. Chaque année apportait son lot de spécimens, même s'ils pouvaient immanquablement être répertoriés sans grande originalité.

Le rigolo, sourire en coin, regard vif et brillant, toujours à la recherche d'une personne qui le suivrait dans l'une de ses conneries. Il trouvait systématiquement quelque chose de récréatif à dire, son cerveau était paramétré pour sauter sur chaque occasion comme un chat sur une souris. Il mâchait vulgairement son chewing-gum et avait fini par se prendre une réflexion, sans vraiment en avoir quelque chose à faire.

La timide se tenait en retrait et baissait la tête pour ne pas être interrogée, son visage caché derrière de longs cheveux. Croiser son regard relevait du défi. Quand, par malheur, elle devait s'exprimer, il fallait tendre l'oreille pour percevoir le son de sa voix anormalement bas. Même si elle connaissait les réponses, son manque de confiance en elle les empêchait de sortir distinctement.

À mon sens, c'était du gâchis, ces personnes méritaient souvent d'être connues.
J'avais poursuivi mon étude pour tomber sur le sportif, un classique. Le mec musclé qui ne portait que des pulls moulant ses biceps. Avec un sourire charmeur, ce genre de gars était toujours disponible pour aider les demoiselles en détresse et exposer au monde sa force surpuissante. En bon mâle alpha, sa bande de potes était prête à le suivre jusqu'au bout du globe. Il s'était extasié en entendant que deux heures de sport nous attendaient chaque mercredi.

Enfin, mes yeux s'étaient posés sur la miss beauty : blonde, lissée, serial shoppeuse avec ses vêtements tendances religieusement mariés à chaque accessoire porté et, le plus important, adepte de la manucure parfaite. Toujours en train de jouer avec ses cheveux, elle attirait les regards. Elle semblait gentille, mais je doutais que nous ayons beaucoup de sujets de conversation en commun.

L'album photo -  Jordane LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant