La rentrée #3

44 3 0
                                    

Une fois mon analyse terminée, je restais adossée contre le mur en écoutant distraitement le discours censé nous motiver pour les études. Être à part ne me dérangeait pas. Je pouvais très bien n'appartenir à aucun groupe et m'entendre avec tout le monde.

— Tu t'es retrouvée avec qui ?
— Au début, seule. Jusqu'à ce que Lucie fasse une entrée fracassante, dis-je en tapotant son portrait pour lui indiquer de qui je parle. Alors qu'elle était en retard, elle a frappé deux coups forts à la porte et a déboulé sans attendre de réponse. Elle s'est rapidement excusée et a voulu filer au fond, mais elle a vite déchanté quand le prof l'a placée au premier rang à côté de moi.
— Lucie... Intéressant... Continue !
— Dès son arrivée, elle m'a subjuguée. Sa façon de parler, de se tenir, elle n'entrait dans aucune case.

Je me souviens de chaque instant de cette scène comme si c'était hier. Son apparition était comme un cadeau du ciel et il m'était impossible de détacher mon regard d'elle. Je l'avais détaillée avec soin pour être certaine de la graver à jamais dans ma mémoire. Elle était un peu plus petite que moi, d'environ cinq centimètres. Ses longs cheveux blonds ondulaient sur ses épaules et dans son dos. Elle portait un gilet en laine bleu foncé, à grosses mailles, ouvert sur une marinière, un slim et des Converses blanches. Son sac de cours n'était pas du tout étudié pour transporter des livres. J'allais très vite apprendre que les ramener ne faisait pas partie de ses plans.

— Où comptez-vous aller, mademoiselle Varet ? l'avait stoppée net dans son élan monsieur Fito.
— M'assoir... avait-elle répondu dans un murmure circonspect.
— Votre place se trouve devant, à côté de mademoiselle Vydal, l'avait-il avertie en montrant la table libre à mes côtés.

J'avais enlevé illico mon sac de la chaise et m'étais de nouveau adossée contre le mur. Elle m'avait jeté un regard rapide et un sourire éblouissant avait élu domicile sur son doux visage clair. Une fois qu'elle s'était installée, je n'étais pas parvenue à me désintéresser de ses taches de rousseur. Elle avait dû sentir mes yeux la parcourir car elle s'était tournée vers moi et le bleu de ses iris m'avait emprisonnée, impossible d'y résister.

L'intensité avec laquelle elle m'avait observée m'avait complètement mise à découvert. J'avais l'impression qu'elle pouvait lire en moi. Des frissons m'avaient traversée de part en part. C'était comme si elle et moi avions été propulsées dans un monde parallèle, incapable de se détourner l'une de l'autre. Il avait fallu que le professeur éclate notre bulle pour nous ramener à lui.

— Mademoiselle Vydal, c'est ici que ça se passe ! m'avait-il sommée comme si son speech pouvait m'importer plus que la jeune femme à mes côtés.

Je n'avais pas eu le temps de dire quoi que ce soit que Lucie avait déjà rétorqué.

— Je suis beaucoup plus intéressante qu'un tableau.

Sa réponse m'avait coupé le souffle. Elle n'avait pas cru si bien dire. Toute la classe avait ri à l'entente de sa réplique et ça nous avait valu une demande expresse de rester à la fin des cours.

— Ce jour-là, je crois que j'ai rencontré ma flamme jumelle, avoué-je à Léa. Quelque chose s'est passé en moi. Sa présence, son aplomb, sa façon de me regarder, tout me plaisait chez elle. Un courant électrique m'a parcourue des pieds à la tête. Je ne sais pas trop comment l'expliquer. Mes jambes se sont tendues et sont devenues toutes molles. Ensuite, j'ai ressenti des picotements au niveau des bras et des doigts. Mon cœur s'est mis à battre à un rythme fou. Je n'ai pas compris ce qui m'arrivait. Je me suis retrouvée complètement paralysée, incapable d'aligner deux mots. J'avais chaud et les mains moites. Mon corps ne me répondait plus du tout. Je ne pouvais que la regarder.

— Putain... C'est le coup de foudre ! La chance, Raph !

L'album photo -  Jordane LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant