Le coming out #3

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— Pourquoi tu as fait ça ? Tu aimes le sport pourtant ? Qu'est-ce que tu faisais cachée dans les toilettes ? Ne me dis pas que tu fumes !
— Non.
— Tu te drogues ?
— Non !
— Alors quoi ? T'as intérêt à m'expliquer, Raph, et ne me mens pas !
— On s'embrassait. C'est tout ! avais-je lancée à la limite de l'insubordination.

Un mur de silence s'était érigé entre nous m'offrant une courte pause, vite interrompue, dans le flot incessant de ses questions.

— Avec Mathilde ?

J'avais baissé la tête, incapable d'affronter son regard sur moi, effrayée par ce que je pouvais y lire.

— Et t'avais besoin de faire ça pendant les cours ?! L'école c'est important et ton dossier scolaire aussi si tu veux faire des études plus tard. T'as plus intérêt à sécher et d'ailleurs tu es punie ! De... Je sais pas... Je trouverai bien.
— Je suis désolée...

En entendant mes excuses, ma mère avait poussé un soupir d'exaspération avant d'afficher un air résigné.

— Ça valait le coup au moins ?

Je m'étais pincée les lèvres, gênée, avant qu'elles ne s'étirent dans un sourire vainqueur, arrachant un petit rire à ma mère.

Je cligne des yeux et trouve le regard de Léa.

— Ma mère a été cool. Elle était seulement furax que j'ai séché les cours.
— Et Mathilde ?
— Nous sommes restées amies. On n'en a jamais reparlé, mais on a gardé une certaine tendresse l'une pour l'autre.
— T'as rien tenté de plus ?
— C'était pas comme ça entre nous. Au moins, cette histoire m'a permis de faire mon coming out. À aucun moment il n'y a eu de drame ou de réflexions sur le fait que ce soit une fille.

— C'est comme ça qu'ils devraient tous se dérouler. Ce n'est pas une affaire d'État, ajoute Léa.
— Exactement. C'était pareil pour toi, je suppose ?

Un sourire en coin étire ses lèvres. Je m'attends à tout...

— Le mien a été très spécial, je n'ai rien eu à dire...

Je l'interroge du regard.

— Je me suis fait griller au pieu, moi.

J'écarquille les yeux, n'en croyant pas mes oreilles.

— Maman était de nuit. J'ai invité Manon à dormir à la maison et au petit matin quand elle est rentrée, elle m'a surprise la tête entre ses jambes.

Léa rit devant mon air ahuri.

— C'est pas possible ! T'es grave toi.
— J'étais bien là, j'ai pas vu le temps passer.
— Elle a dit quoi ta mère ?
— Rien. Elle nous a fait un petit-déjeuner. Manon était en PLS et moi j'ai fait comme si de rien n'était. Pas de réflexions non plus de mon côté. Elles nous aiment telles que nous sommes. Toi, comme une kiss addict et moi, une déesse du cul.

— Je t'en foutrais des kiss addict ! la menacé-je en souriant.
Mon ton ne l'effraie aucunement et elle continue de glousser. Désirant lui faire passer son air fanfaron, j'attrape l'un des coussins sur le canapé et lui jette à la figure.
— Tiens, prends ça, déesse du cul. Ça t'apprendra à crâner !

Elle pouffe en réajustant ses cheveux et ses vêtements. Puis l'inquiétude se peint sur son visage.

— Comment l'a pris ton père ? me demande-t-elle d'une voix précipitée.

Dès qu'elle prononce ces mots, Léa se mord la lèvre inférieure. Mon sourire s'efface et mes épaules se raidissent. Mes points se ferment et je sens mes nerfs se tendre. Elle n'y est pour rien et je refuse qu'elle soit mal à l'aise à cause de lui. Elle a posé la question sans réfléchir, cette pensée l'a effleurée et elle l'a formulée à voix haute. Je lis du regret dans ses yeux.

— Désolée, je n'aurais pas dû te demander ça, s'excuse-t-elle d'une voix blanche.

Je pose une main sur son genou, mais évite son regard contrit.

— Tu n'as pas à t'en vouloir, c'est logique que tu t'interroges. Pour te répondre, on ne lui a jamais dit pour moi. Je n'ai jamais eu besoin de savoir ce qu'il en pensait. De toute façon, ça ne le regarde pas. Il n'a pas vraiment tenu son rôle de père. Il n'était pour moi que mon géniteur et, en passant, un sale con. Toi comme moi savons qu'il ne présentait aucune once de tolérance.

L'album photo -  Jordane LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant