Le coming out #2

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Au son de la porte qui avait claqué, un soupir de soulagement s'était libéré de sa bouche, me caressant le visage d'un air chaud. L'espace exigu m'avait contrainte à maintenir ce contact qui me perturbait bien plus qu'il ne l'aurait dû. Le temps s'était suspendu dans l'air comme moi je l'étais à ses lèvres attirantes et immobiles. Suivant mon regard du sien, elle avait deviné sans mal les pensées embarrassantes qui m'avaient traversé l'esprit.

— Je préférerais mille fois t'embrasser toi, pour ma première fois, que ce gros porc de Ludovic Bourg... m'avait-elle avoué après quelques secondes d'hésitation.

Lorsque mon cerveau avait assimilé l'information, tous mes sens s'étaient agités et m'avaient submergée, provoquant un véritable cataclysme en moi. Elle avait profité du chaos qui régnait dans ma tête pour placer sa main sur mon ventre.

— Tu voudrais qu'on essaye ? m'avait-elle alors murmuré à l'oreille.

Sa proposition était tentante. J'avais bien remarqué que je passais plus de temps à regarder les filles qu'à m'intéresser aux mecs. Je les avais toujours trouvées plus jolies, beaucoup plus attirantes et sans conteste, plus intéressantes. J'avais acquiescé maladroitement. Bien sûr que j'en avais envie.

Aussitôt, Mathilde avait posé ses lèvres sur les miennes. D'abord une première fois, rapide, pour s'assurer de mon accord. Accord qu'elle avait obtenu officieusement en suivant mon regard, rivé sur sa bouche. Nos souffles s'étaient de nouveau mélangés, toujours timidement, mais très vite j'avais davantage appuyé ce baiser jusqu'à entrouvrir mes lèvres. J'avais chaud, les idées embrouillées, mais j'aimais ça.

J'aimais cette sensation de douceur qui me réchauffait l'âme. Poussée par l'excitation, j'y avais glissé ma langue qu'elle avait, en retour, caressée de la sienne.

Ses doigts s'étaient accrochés à mon sweat pendant que sa jambe s'était faufilée entre les miennes. Je brulais. À cet instant, je comprenais mieux l'intérêt porté par tous à ces plaisirs charnels. Aucune de nous n'avait osé passer au niveau supérieur. Nous nous étions contentées de nous embrasser pendant de longues minutes, sans interruption, découvrant avec patience les délices de cette nouvelle expérience. J'aurais pu continuer pendant des heures si la voix stridente de la pionne ne nous avait pas coupées de façon abrupte.

— Mais qu'est-ce que vous foutez ? Vos carnets !

Après avoir obtempéré en fixant honteusement nos chaussures, nous l'avions suivie jusqu'au gymnase où elle nous avait consciencieusement amenées au prof.

— J'appelle vos parents. Ils viendront vous récupérer à la fin des cours.

Assise sur les gradins, Mathilde n'avait toujours pas décoloré. Elle avait aimé autant que moi, j'en étais certaine. Au souvenir des réactions de son corps, je souriais bêtement sans vraiment réussir à me concentrer sur le match de basket que mon équipe perdait. Quand il m'arrivait de trouver son regard, elle camouflait un petit rire tout à fait adorable dans les manches de son sweat. Même l'idée que mon père puisse l'apprendre n'avait pas suffi à me faire éprouver le moindre regret.

Après le cours, nous avions dû nous rendre au bureau des surveillants comme deux condamnées. La mère de Mathilde, qui ne travaillait pas grâce au boulot de médecin de son mari, était déjà arrivée. Elle m'avait fusillée du regard, ce qui m'avait poussée à baisser la tête. Tout en tirant sa fille gênée vers la sortie, elle lui avait rebattu les oreilles avec un sermon moralisateur sur le respect des horaires. Maintenant seule face à l'unique témoin de notre échange, j'avais tenté de me faire toute petite.

— Ta mère ne devrait plus tarder. Elle viendra directement du travail.
— Ok...
— Tu veux en parler ?

J'avais gardé le silence.

— Ça n'a pas d'importance que ce soit une fille, tu sais ? Ça ne me regarde pas. En revanche, vous n'êtes pas un peu jeunes pour faire ça dans les toilettes ?
— On n'a pas fait grand-chose...
— Peu importe, que je ne te revoie plus sécher les cours, c'est compris ?
— Oui.
— Allez, en attendant que ta mère arrive, va me faire des photocopies.

J'étais reconnaissante qu'elle ne mentionne pas l'épisode du baiser devant ma mère. Seulement, dès qu'elle était arrivée, j'avais pu lire l'inquiétude et la surprise sur son visage. Ce comportement ne me ressemblait pas.

L'album photo -  Jordane LuceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant