Chapitre 4

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[PDV Arthur]

Tout en donnant des conseils à mes élèves, les aidant à progresser tant que possible, j'observe Alice du coin de l'œil. Cette jeune fille m'impressionne. Elle doit avoir 17 ou 18 ans à peine et pourtant elle semble bien plus mature et autonome que son âge pourrait laisser penser et semble préférer la solitude à la collaboration que quiconque pourrait lui apporter _bien qu'elle soit venu ici en quête d'aide.

Son attitude ne me laisse pas indifférent. Elle possède peut-être plus de pouvoir que nous tous réunis et pourtant je ne trouve pas une once d'orgueil face à sa supériorité.

Je détourne le regard. Il faut que je me concentre sur les élèves qui ont besoin de moi. Je focalise mon attention sur une petite fille, Célia, qui tente de soulever un petit objet. Après son n-ième essai, elle lâche un soupire de frustration. Je comprends tout à fait ce sentiment d'échec face à un exercice si simple. Exercice que n'importe qui était capable de faire il y a encore quelques années. Aujourd'hui, j'ai l'impression que nous sommes pieds et poings liés, incapable d'utiliser un don qui nous a pourtant été offert à notre naissance. Je me rappelle de ces années ou j'étais capable de faire bien plus que de soulever une chaise. Certes, c'était toujours moins que ce qu'arrive à faire Alice, mais c'était bien plus que ce que nous sommes aujourd'hui capable de faire.

Au bout de quelques temps, je sors de mes pensées lugubres et prends la parole, incitant les jeunes à se rapprocher

- Vous avez tous fait du bon travail aujourd'hui. Maintenant nous allons faire un tour dans la forêt. Partez devant. Viens Alice, je vais t'expliquer.

Elle s'approche de moi, semblait indécise. Je lui explique :

- Je ne sais pas si tu as déjà fait ça. Si ce n'est pas le cas, ça va être l'occasion pour toi de le découvrir. Par contre ne t'affole pas si c'est difficile au début, c'est normal.

Je lui adresse un clin d'œil puis continue :

- En fait, ce que nous faisons c'est visualiser, les yeux fermés, l'environnement qui nous entoure par la seule force qu'il dégage. Ça se fait par étape : au début tu n'arrives qu'à récolter des « impressions », c'est-à-dire que tu ne vois pas vraiment ce qui t'entoure mais, par exemple, tu sais qu'à une centaine de mètre il y a de l'eau, bien que tu ne sois pas capable de dire si c'est une flaque ou un étang. Ensuite tu arrives à visualiser ce qui t'entoure, tu vois tous les détails, jusqu'aux feuilles des arbres qui bougent, ou une pierre située derrière toi. Pour cela il faut déjà avoir un bon niveau. Ensuite, le plus difficile, c'est visualiser toutes les énergies qui circulent autours de toi, même celles qui circulent dans les végétaux.

- Et eux, qu'arrivent-ils à faire ?

- Parfois ils arrivent à faire la première étape...

Elle hoche la tête _cela semble être sa réponse favorite. Elle ne dit rien sur ses capacités dans ce domaine, s'inquiétant seulement pour nous. Nous continuons à suivre le groupe, tous deux silencieux pendant quelques secondes. Puis finalement elle me demande :

- Et toi ?

- J'arrive presque toujours à faire la première étape, et parfois la deuxième. Mais la troisième est pareille à un mythe pour moi.

Nous arrivons finalement dans une petite clairière au milieu du bois que nous venons de traverser. Nous nous asseyons en cercle et je lui demande de m'asseoir à ses côtés. Je commence à parler, incitant chacun d'entre nous à se plonger dans une sorte de méditation. J'observe mes élèves fermer les yeux, entrant dans une méditation qui, si elle ne leur permet pas d'obtenir le résultat attendu, leur permet au moins de se détendre.

Je ne participe pas à cette méditation lorsque je suis avec eux, préférant vérifier que tout se passe bien et être attentif à chacun. Je continue donc à parler, les transportant ailleurs simplement avec mes mots. J'observe Alice, à la dérobade. Je suis irrévocablement attiré par cette jeune fille. Assise ainsi, en tailleur, les yeux fermés, ses cheveux s'envolant dans tous les sens sans qu'elle ne les retienne, elle semble apaisée. Comme si pendant quelques instants elle avait oublié tous ses soucis. Cela ajoute plus encore de beauté à son visage.

Les minutes passent, je parle de moins en moins, laissant chacun porter son esprit où il le souhaite. Certains, toujours les mêmes, ont déjà ré-ouvert les yeux et se sont allongés, profitant simplement du calme qui leur est offert. Je souris en les voyant si détendus.

Alors que je jette un nouveau regard à Alice, à mes côtés, je vois son visage se crisper. Elle semble paniquée. Lorsqu'elle ouvre les yeux, je peux y lire la terreur.

[PDV Alice]

Nous nous asseyons tous en cercle et Arthur se met à nous parler. Je n'écoute pas vraiment ce qu'il dit, mais sa voix me berce. Je regarde quelques secondes les autres fermer les yeux et prendre un air concentré ou détendu, puis je ferme les yeux à mon tours. Je m'ouvre alors à ce que je perçois avec mes sens : j'entends une branche craquer, je sens le vent frais fouetter mon visage et m'apporter l'odeur de la menthe sauvage, j'entends quelques gouttes d'eau tomber et le bruit que font des animaux au loin.

Peu à peu j'arrive à visualiser ce qui m'entoure, jusqu'à quelques centaines de mètres. Je constate qu'il y a bien un animal de passage, non loin.

La voix d'Arthur résonne toujours dans ma tête, comme si elle venait d'un autre monde, m'apaisant. Je profite pendant plusieurs minutes de ce que j'arrive à voir simplement avec mon esprit. Je n'ai jamais essayée de le faire jusqu'à aujourd'hui alors qu'il m'est arrivé à plusieurs reprises de voir les flux de Pouvoir _bien que ce ne fut jamais consciemment. Cela ne devrait donc pas être très difficile. Et en effet, il me suffit de le vouloir et je me retrouve à observer les alentours avec mon Esprit.

J'observe les détails, tels qu'un scarabée se faufilant dans les hautes herbes ou le reflet du soleil sur l'eau. Je m'attache à chaque détail, profitant simplement de ce que je vois. Puis je pousse un peu plus loin ma recherche, essayant de visualiser les énergies. Je me focalise sur le groupe que nous formons, car c'est ici que je devrais en trouver le plus.

Je commence à désespérer d'y arriver après ce qui me semble être une éternité.

Pourtant, c'est quand je songe à abandonner que j'y arrive enfin. Et ce que je vois me terrifie : comme tout à l'heure, l'énergie de chacun semble aspirée. Elle reste dans le cercle que nous formons et monte tout droit vers le ciel. Mais cette fois-ci, j'arrive à discerner une ombre menaçante qui nous surplombe. Elle est immense, plus noir que le noir. La lumière semble disparaître dès qu'elle s'en approche. Tout comme le Pouvoir de ceux qui m'entoure. Je vois comme des tentacules _pareil à ceux que nous formons lorsque nous utilisons notre Esprit_ aspirer notre pouvoir. Cela suffit à me faire paniquer.

Dans un sursaut, je tente d'échapper à cette vision d'horreur. Une larme d'effroi coule sur ma joue. J'essaie de reprendre contenance avant de crier :

- Arrêtez !

Beaucoup sursautent. Tous ouvrent les yeux. Arthur m'interroge du regard. Je lui réponds seulement :

- Il faut qu'on parle.

Il doit remarquer la panique dans ma voix. Beaucoup de ceux qui m'entourent me lancent des regards exaspérés. Ils doivent me prendre pour une folle.

- Il faut qu'on aille voir Sylvie. C'est vraiment très important.

Arthur réfléchit quelques instants avant de prendre une décision :

- Très bien, vous avez quartiers libres. Il est, de toute façon, presque l'heure de la pause de midi.

Les autres s'éparpillent avec des regards surpris tandis qu'Arthur me fait signe de le suivre. Nous retrouvons le groupe de Sylvie sur la carrière.

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En quête du PouvoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant