Chapitre 7 : Partie 1 : Les dualités de la Valeur

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TW : Meurtre

19 Mars 2020, 7h15

Les paysages défilaient à toute allure, et pourtant, la jeune fille assise sur son fauteuil, elle, ne bougeait pas.

Il s'agissait d'un paradoxe que des milliers d'individus à travers le monde vivaient de façon quotidienne, et ce, sans même plus y faire attention.

Les yeux rivés sur leur écran ou déchiffrant les caractères imprimés dans leurs journaux ou leurs romans. Rares étaient ceux qui admiraient la vue.

Et en un sens, Lily pouvait les comprendre.

Le train fonçait, trop vite pour que l'extérieur soit discernable. Il n'y avait dehors qu'un mélange de couleurs, un brouillon de traits sans finissions. Si l'on voulait s'attarder sur un décors en particulier, il fallait savoir mettre sa vie sur pause car, autrement, c'était impossible.

Comme une gomme qu'on passerait sur une phrase crayonnée, effaçant une partie qui rendait l'autre illisible.

Ce qui n'empêchait pas l'adolescente d'accrocher son regard à la vitre, pour profiter de la vue aussi longtemps que possible ; qu'importe que cela ne soit que durant une microseconde.

Parce que chacun de ces moments, aussi minime soient-ils, symbolisait un instant de paix, de confort et de beauté.

Elle pouvait oublier ses tourments et se perdre dans sa contemplation...

Le train accéléra.

Un contrôleur passa dans son wagon, hâtif, et sans un mot ni un regard.

Lily cligna des yeux puis haussa ses épaules. Elle s'imaginait des choses, qu'un train aille vite, c'était normal.

Aller vite était le propre d'un train.

L'adolescente parcourut son compartiment du regard, et elle vit bien que personne ne s'inquiétait.

Entre une jeune femme qui négociait avec un deuxième contrôleur, comme quoi son téléphone chargeait un ticket qu'elle venait de payer et qu'elle n'avait donc pas besoin d'en payer un auprès de lui - sauf que si, Madame, ce n'est pas quand un contrôleur arrive que d'un coup vous devez prendre un ticket - mais vous voyez bien, mon téléphone charge, ce serait trop bête de devoir acheter un deuxième ticket alors que j'en ai déjà acheté un ! - Madame, vous jouez le jeu ou vous sortez à la prochaine gare - Mais je dois me rendre à mon boulot, moi ! Je joue le jeu, j'ai acheté mon ticket, je ne vais pas en acheter un deuxième ! ; l'ado qui s'acharnait sur son téléphone ; la fillette qui se roulait par terre car sa mère refusait de lui passer sa tablette ; l'homme aux longs cheveux écarlates dont le regard était tourné vers la fenêtre et le vieux qui renversait son café sur son journal ; rien ne semblait plus préoccupant pour eux que leurs problèmes de l'instant.

Lily dirigea à nouveau son regard vers la vitre. Et sa mâchoire faillit se décrocher.

Elle ne discernait plus rien, plus rien.

Le seul élément qu'elle remarquait, et ce clairement, tenait en cinq mots ; des braises sur les rails.

Alors qu'elle s'apprêtait à se lever afin de prévenir le contrôleur, une voix jaillit dans les hauts parleurs, à l'intonation aiguë de vieille horloge ;
- L'Enfers vous adresse ses salutations, et vous conseil vivement de rester confortablement sur vos fauteuils ! Celui qui ne suivra pas les règles, eh bien...shhhhh... Il le regrettera amèrement ?

La jeune femme qui négociait auparavant gémissait à présent, l'ado cessa de martyriser son téléphone et perdit toutes ses couleurs, la fillette continuait de se rouler par terre alors que sa mère la suppliait de revenir auprès d'elle en lui promettant la tablette - mais par pitié, mon bébé, reviens t'asseoir et cesse de crier -, l'homme à la chevelure rouge sang qui souriait à présent et le vieux qui pestait qu'il allait être en retard à son rendez-vous galant - et que déjà qu'il avait salit son veston, quand même ! - alors bon, ce gamin pouvait arrêter sa farce - les jeunes de nos jours, vraiment - mais la voix, au lieu de se taire, reprit de plus belle ;
- Oh mais quelle malpolitesse de ma part, j'ai omis de me présenter ! Je suis... Ssssh... Balthazar !

Des cris s'élevaient à présent dans le train et résonnaient partout.

La terreur était omniprésente.

Même le vieux cessa de râler auprès de la jeune génération, comprenant que cette fois-ci, c'était plus, bien plus, qu'une simple farce.

La mère, elle, tira la main de sa fille pour la serrer tout contre elle. Entre ses bras qui se voulaient protecteurs.

En ce qui concernait Lily, une terreur ancienne et primale l'enserra et la paralysa.

Et cette voix, sortit des engrenages des pendules d'antan, continuait de hanter l'esprit de chaque voyageur ;
- Voici les règles. Vous restez à votre place, et quand mes Pions viendront à vous, vous leur donnerez, eh bien... Ssssssh... Tout ! Sans aucune résistance... Tous vos objets de valeurs, vos richesses, votre argent... Et si vous respectez cela... Ssssssh... Il ne vous sera fait aucun mal ?

Alors même qu'il terminait sa phrase, des hommes aux capes rouges et aux masques de serpents jaillirent dans le wagon où se trouvait Lily. Pistolets et couteaux en mains.

L'un d'eux s'approcha de la mère, dont la fillette s'était mise à pleurer, et plaqua sa lame sous la gorge de la petite. Et si son masque cachait son visage, son sourire cruel se devinait à sa voix ;
- Allez, passes-nous ton fric ou la chieuse y passe !

Fébrile, la femme fouilla son sac-à-main, les mains moites, et elle ne réussissait à sortir son portefeuille tant elle tremblait de la tête aux pieds. Les larmes s'agglutinaient dès lors aux bords de ses yeux, ce qui fit prodigieusement chier l'homme masqué.

Ce dernier arracha donc le sac des doigts de la mère pour fouiller lui-même. Et celle-ci en profita pour ramener sa fille vers elle, la couvrir de bisous rassurants, surtout au niveau du cou.

Un sourire sardonique étira les lèvres du voleur en apercevant un contenu fort alléchant ; téléphone, portefeuille avec des liasses de billets et deux cartes de banques, un collier dont le pendentif représentait un homme blond au sourire chaleureux et un roman collector.
- Voilà que de bonnes trouvailles, siffla-t-il avant de brandir l'édition limitée et tant convoitée ; voilà qui plaira à notre Seigneur !

La femme, tremblante, supplia ;
- Je vous en prie... Je vous en prie, rendez-moi au moins le collier... C'était un cadeau de mon mari... C'est tout ce qu'il me reste de lui...

L'homme braqua son regard brun sur elle, avant d'éclater d'un rire gras.

Toujours dans son fou rire, il braqua son pistolet sur sa tempe.

Et tira.

Entre les Ailes du ChaosOù les histoires vivent. Découvrez maintenant