𝑻𝑶𝑴𝑬 𝑰 : 𝑼𝑵𝑻𝑰𝑳 𝑻𝑯𝑬 𝑺𝑼𝑵 𝑺𝑯𝑰𝑵𝑬

𝟐𝟎. 𝐊𝐄𝐋𝐋𝐘

"𝐁𝐀𝐃 𝐓𝐇𝐈𝐍𝐆𝐒 𝐀𝐏𝐏𝐄𝐀𝐑"

À moitié endormie, j'ai du mal à percevoir le monde qui m'entoure. Des brouhahas incessants parviennent à mes oreilles sensibles et pourtant ils me semblent insignifiants.

Ma peau me brûle affreusement sous le poids des paires d'yeux qui s'y posent. Plus j'avance, plus j'ai l'impression d'être suivie et jugée. Que chacune de mes pensées sont exposées au grand jour.

— C'est elle...entends-je venant du groupe de personnes devant lequel je passe.

Depuis que mon identité a fuité dans les médias, révélant que je suis la soeur de Saturn, on me pointe constamment du doigt. La majeure partie du temps, les messes basses sur moi s'accroissent. D'autres font l'effort d'être un tantinet respectueux à mon égard tandis qu'il y a ceux qui m'insultent ouvertement.

Cet acharnement qu'ils ont à rejeter leur haine sur moi me déçoit plus qu'autre chose. Quand est-ce qu'ils vont comprendre que je ne suis pas responsable des choix de ma soeur ?  Et plus grave encore, quand est-ce qu'ils vont saisir qu'harceler une gamine de quinze ans n'est pas un comportement à adopter ?

Parmi tous ceux qui ont craché sur mon honneur, il y avait cet homme qui m'a agressé verbalement et physiquement. En l'espace de quelques jours, je recevais sans arrêt des menaces, des messages de haine. Une fois, pendant que je rentrais chez moi, il m'a balancé une brique sur la tête. J'ai fini à l'hôpital.

À bout de nerfs, je me suis rendue une fois au poste de police dans le but de porter plainte contre lui. C'est ainsi que le peu de confiance que j'avais en ce monde, et l'infime espoir que je persévérais à garder se sont définitivement estompés. On n'a pas pris en compte mon accusation sous prétexte que c'est infondé et, je cite, ce n'était pas la peine de monter un dossier pour une chose aussi futile.

Une violente poussée qu'on exerce dans mon dos me fait basculer en avant. J'atterris douloureusement sur le sol. Une humidité que je n'ai pas senti plus tôt se propage sur mes vêtements.

— C'est là qu'est ta place, fait une voix au-dessus de moi en écrasant sa semelle sur mon ventre. Sous nos pieds. Ta soeur et toi ne méritaient que ça. Qu'on vous marche dessus.

Mon image est terni à jamais, dorénavant on ne me voyait que comme la soeur et la complice d'une criminelle. 

•*•*•

Je décolle prudemment mes paupières, laissant mes yeux s'adapter aux faisceaux qui agressent mes pauvres pupilles. Cette nuit a été plus ou moins mouvementée. Mes cauchemars se font plus fréquents. Chacun d'entre eux me ramène à une époque de ma vie qui m'a marqué d'une manière ou d'une autre.

Parcourue de frissons glacées au rappel de mes traumatismes, je détale du lit pour me rendre dans la salle de bain. Face à mon reflet, j'examine mes traits tirés par le manque de sommeil.

Je plonge ma tête entre mes mains moites avant de m'asperger le visage d'eau extrêmement glacée.

En bas, des voix s'élèvent, brisant le silence qui demeurait un instant plus tôt.

Je me rappelle soudainement que nous n'étions pas seuls. Grayson discute probablement avec Stella. Avec la plus grande lenteur possible, je descends les escaliers tout en tendant l'oreille dans la tentative de discerner le sujet de cette discussion animée par leurs rires.