La Rose Éternelle 1, Draggilys

Chapitre 1, Petits gâteaux sucrés

Le soleil passe discrètement ses rayons matinaux à travers les rideaux de ma fenêtre. Les mêmes murs avec les mêmes décorations enfantines accompagnent mes réveils depuis ma plus tendre enfance. Quelques livres ornent une étagère poussiéreuse que je n'ai pas touchée depuis des mois, peut-être même des années. Je préfère l'action du travail à la ferme plutôt que cette inaction qui consiste seulement à regarder des symboles tracés à l'encre noire sur un assemblage de pages jaunâtre et qui, en vieillissant, sent de plus en plus mauvais. C'est ma mère qui m'a interdit de m'en débarrasser. Elle a beaucoup de respect envers ces objets, tellement que lorsque je lui ai proposé de les lui donner pour sa collection personnelle, elle me les a rendu en me disant qu'elle n'avait plus d'espace disponible. Par conséquent qu'ils sont condamnés à périr sous épaisse une couche de poussière.

Un pic-pic discret se fait entendre sur le bois de ma porte. Je m'extrait difficilement des draps encore chauds et laisse entrer ma paonne, Bara. Elle se perche sur mon tabouret et m'offre une roue splendide, faisant ressortir ses éclats dorés sur le haut des plumes, en passant par de rose fuchsia jusqu'au violet à la racine. Ses petits yeux me fixent d'un air de dire « donne moi à manger ou je ne donne pas cher de ton bras après que mon bec soit passé dessus ! ».

Nous descendons tous deux les escaliers, toujours avec son magnifique plumage mis en valeur et moi toujours pas réveillé. Je lui ouvre la porte et elle se précipite dans le jardin à la recherche de petits insectes qu'elle déniche on ne sait où.

Dans la cuisine, l'odeur des biscuits à la cannelle vient me chatouiller les narines. Je dépose un baiser sur le crâne dégarni de mon père qui lit le journal, comme à son habitude, son thé miel-citron-gingembre à la main. Ma mère est penchée sur la table, affairée à disposer les pâtisseries dans une assiette :

- J'espère que tu as bien dormi, mon ange, aujourd'hui c'est le Grand Marché du Printemps. Nous allons passer la journée à Vradilleni. Je laisserai ton frère et ta sœur à une amie qui travaille avec moi au palais pour que tu puisses vagabonder à ton aise avant de rentrer ce soir.

Je lui embrasse la joue :

- Merci maman ! J'ai vraiment envie de le voir cette année, tout le monde dit qu'il va être plus majestueux que les années précédentes.

Elle attrape un des petits au vol et le met sur sa chaise. En moins de temps qu'il faut pour le dire, mon petit frère a une serviette autour du cou et deux gâteaux dans main. Le verre de lait ne se fait pas tarder pour parfaire le petit déjeuner.

Mon père me fait signe de le suivre dans l'étable. Nous allons préparer la charrette pour transporter les victuailles et autres objets ou bibelots que ma mère voudra ramener du marché. Senko attend sagement dans son box en mâchouillant mollement une touffe de foin. J'ai toujours connu ce vieux cheval gris. Attentif à tout ce qui l'entoure, il prend soin de tous les humains qu'il rencontre. Comme à mon habitude, je le brosse jusqu'à ses poils soient plus brillants que l'argenterie que l'on sort pour les grandes occasions. Il joue avec mes doigts du bout des lèvres lorsque je finis de l'harnacher. Nous sommes fin prêts pour l'assaut de cette capitale grandiose.

XXX

Vradilleni restera à jamais la ville la plus belle de notre monde. Ses maisons en pierres blanche disposées en petites ruelles où seuls les piétons peuvent passer, ses nombreuses fontaines en eau toute l'année, et surtout sa spécialité : les pâtisseries, les biscuits, les confiseries et autres gourmandises finissant par « ies ». Chaque place, chaque avenue et chaque boulevard a au moins deux boulangeries. Personne ne se fait concurrence puisque toutes sont différentes. Par exemple, celle de l'avenue principale est spécialisée dans les gâteaux avec du caramel, celle qui se trouve devant le palais est plus orientée vers des pâtisseries légères à base de meringue et de crème. Et la plus ancienne, ma préférée, ne fabrique que des statuettes de chocolat. Il y en a de toutes les couleurs, de toutes les formes, et de toutes les saveurs.