Chapitre 4, Le pétale qui fait déborder le vase

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Le cabinet de la reine est l'une des seules pièces que je n'ai jamais visité. Les murs sont d'un rose pale doublé de blanc qui reflète la lumière du soleil. Les meubles en bois massifs me toisent, m'imposant le respect. Mais tout cela ne serait rien sans le regard de la vieille dame. Son violet profond sublime le lieu et parfait son éclairage.

Et puis Elle est là. Posée sur un meuble lui étant dédié. La Rose Éternelle observe la scène, et semble même la comprendre. Comment puis-je m'imaginer une seule seconde que la Rose comprend quelque chose ? Non, évidemment, c'est sans doute mon intimidation qui dérègle mon sens de la réalité. Chérégalki remet une longue mèche grise derrière son oreille :

- Tu sais que ta mère est une excellente pâtissière ? Elle doit sublimer vos palais lorsque vous goûtez ses merveilles.

Je suis estomaqué. Je n'arrive pas à détacher mon regard du sien :

- Je suis admirative de son talent. Tout comme de celui de ton père. Il a un don avec les chevaux que, j'espère, il t'a transmis.

Je bafouille un semblant de réponse :

- Je suppose, mais je n'ai pas eu l'occasion de faire mes preuves.

Elle pose nonchalamment sa main sur l'accoudoir de velours brodé de quartz rose :

- Tu en auras l'occasion. Tu as encore tout le temps que tu veux pour profiter de la vie, même si elle sera semée d'embûches.

Au risque de paraître incorrect, je brise la glace qui nous sépare :

- Pourquoi m'avez vous fait venir, ma reine ?

Elle se tourne vers le meuble où est la Rose et tend sa main pour qu'elle vienne se poser dessus :

- C'est pour elle que je t'ai fais venir.

En y pensant, « faire venir » n'est pas l'expression exacte. « emmené de force » serait plus adéquat. Devant mon air dubitatif, elle précise :

- Je sais ce que prépare notre cher ministre. Tout le monde le sait.

- Que prépare-t-il, au juste ?

Les mots franchissent mes lèvres avant même que je leur en ai donné l'ordre. Je regrette aussitôt cette phrase qui aurait dû rester à l'état de pensée, mais cela n'a l'air de gêner que moi :

- Il complote. Si tout se passe comme il l'a prévu, demain, au coucher du soleil, j'aurais rejoins mes parents à Ahwlalal.

L'évocation de ce royaume de malheur me donne un frisson. J'arrive tout de même à rester lucide :

- Pourquoi vous ne faites rien pour l'empêcher d'agir ?

- Mon temps est venu de passer le relai, Ilkka. Je n'ai pas eu la chance d'avoir des enfants. Mon corps ne me l'a pas permis. Tu n'es pas sans savoir que le pouvoir de la Rose se transmet unique à l'héritier de son détenteur ?

J'acquiesce :

- Bien. Tu n'es pas sans savoir non plus que son pouvoir est à double tranchant ? Il peut aussi bien donner une paix éternelle à un royaume comme le détruire par une simple pensée.

- Pourquoi vous me dites tout ça ?

- Tu poses trop de questions, Ilkka. Attends au moins d'entrevoir la réponse avant de te jeter dessus.

Elle me cloue le bec. Un air malicieux passe furtivement sur son visage avant qu'elle m'explique :

- Si, comme dans mon cas, elle n'a pas d'héritier sur lequel accrocher ses pouvoirs, la Rose disparaît et se cache dans un endroit où elle est sûre de se faire trouver par une seule personne. Une personne qu'elle choisit.

La Rose Éternelle 1, DraggilysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant