Chapitre 25, Amour maternel

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L'écurie est plongée dans le silence. Autour de moi, quatorze soldats se tiennent en embuscade devant la porte, attendant l'ordre de Nodi pour l'enfoncer. Il m'a lancé à la volée deux poignards, ce qui est une très mauvaise idée, étant donné que je me coupe avec un couteau de cuisine neuf fois sur dix. La reine n'ayant rien reçu, je lui tend l'une de mes deux armes, celle qui me fait le plus peur. La plus grande, la plus grosse, la plus aiguisée. Elle me remercie d'un signe de tête à peine perceptible tandis que le roi donne l'ordre.

La troupe se disperse. Un nouveau cri retentit. Comme possédée, la reine fonce tête baissée, m'obligeant à la suivre. Si Ilko est bien le chef des soldats de la Rose, l'accoutrement de la reine et notre armement ridicule amoindrissent nos chances de survie.

Au détour d'un couloir, la petite apparaît et fond dans les bras de sa mère, mais aussitôt, un soldat fonce sur elle et lui met le couteau sous la gorge. Un autre arrive avec le roi dans la même posture. Seulement 8 soldats de la garde sont là. Aucun soldat de la Rose ne se préoccupe de moi. C'est à la fois un avantage et un inconvénient, puisque cela me laisse le champs libre, mais je n'ai aucune idée de comment je peux procéder. Personne ne bouge.

Il y a une douzaine de centimètres entre la reine et le torse de son assaillant.

Deux pas nous séparent.

Je raffermis ma prise sur mon arme et glisse la lame dans l'interstice avec une force qui me surprend moi-même. Je l'ai à peine retirée que tout s'agite. Je suis projeté à l'écart pendant que les derniers ennemis son éliminés. Cependant, il en subsiste un. Ilko.

Un mur transparent s'élève entre le prince et les deux soldats de la garde qui tentaient de l'attraper. Assommés, ils tombent lourdement aux pieds de leur roi qui a sa fille dans les bras. La petite ne semble pas éprouver le moindre sentiment de peur. Elle observe la scène comme si elle voulait en garder tous les détails pour se souvenir des erreurs à ne pas faire.

- Alors, comme ça, dès que tu l'as entendue hurler comme un chaton qu'on égorge, tu as rappliqué avec ta garde ? Tu as eu peur pour ton petit bébé ? Si cela avait été moi, tu n'aurais pas levé un doigt. Tu aurais attendu le montant de la rançon et tu aurais payé, comme un lâche !

- Tu as trop de magie en toi, tu ne peux pas régner. C'est contre nos lois, tu le sais très bien ! La seule forme de magie autorisée pour une couronne est celle de la Rose, et c'est ta tante qui la détient !

Ilko s'avance un peu plus :

- Qui la détenait. Elle ne lui appartient plus. Tu devais l'ignorer, sinon mon plan n'aurait pas fonctionné.

- Tu as tué ta tante ?

Ilko éclate de rire :

- Moi ? Tuer ma tante ? Laisse moi rire ! Non je ne l'ai pas tuée, quelqu'un s'en est chargé pour moi.

- Tu es abominable.

- Tellement abominable que tu fais tout pour m'éloigner de ma famille et de mon propre peuple !

- Ton peuple ? Mais tout Kragona te déteste ! Tu pensais réellement que j'allais vous laisser diriger mon royaume, toi et ton idiote de mère ?

- Tu aurais dû m'exiler il y a bien des années au lieu d'essayer de m'éloigner d'elle. Et...

Il se fige. Le temps semble s'arrêter. Il bascule, face contre terre, le manche de la dague que j'avais donné à la reine enfoncé dans le dos. Elle reste quelques secondes figée elle aussi, une expression démoniaque lui barrant le visage, avant de prendre sa fille et de s'éloigner en courant.

XXX

- C'est pour la Rose que tu es ici.

La question de Nodi ne sonne pas comme une question. Il sait.

- C'est Chérégalki qui t'as envoyé la trouver. Elle savait qu'Ilko complotait contre elle.

- Pas exactement. Elle savait qu'elle allait bientôt mourir, mais elle n'a pas visé explicitement Ilko quand elle m'en a parlé.

Il s'enfonce dans son fauteuil de velours marron :

- Raconte moi. Tu as sauvé ma fille, je te dois bien ça en retour. De l'aide.

En un déclic, je lui dis tout. Ma première nuit seul, ma rencontre avec Tancah, la grotte, Mnoukh et ses chevaux, la capture, et la dispute qui a poussé Tancah à partir. Il m'écoute avec beaucoup d'attention, hochant parfois la tête, mais jamais il ne m'interrompt. C'est seulement après avoir laissé un petit moment de blanc qu'il reprend la parole :

- Ce qui est sûr, c'est que tu ne peux pas repartir avec Tancah dans cet état.

- Je ne suis pas sûr qu'elle veuille me suivre, après ce que je lui ai dis...

- Tu as tors de penser ça. Elle te réclame dans son sommeil.

Je souris légèrement, mais poursuis tout aussi sérieusement :

- Repartir, oui, mais pour aller où ? Je ne sais pas où se cache la Rose, Chérégalki ne m'a laissé aucune piste, aucun indice...

Il se penche en posant ses coudes sur ses genoux :

- Vous devriez aller voir Toctotepix, à Zichtén'Ichá. Il a une connexion telle avec les esprits de son peuple qu'il peut voir n'importe quoi.

Voyant que j'aimerai lui poser une question, mais que je n'ose pas, il se lève et pose une main sur mon épaule :

- Tu te demandes pourquoi tu as eu autant de puissance quand tu as tué le garde ?

- Comment vous... ?

- Ce que j'ai dis devant Ilko, que les rois ne pouvaient pas avoir de pouvoirs, c'est faux. On en a tous un peu, mais il ne se déclenche que pour servir le royaume. Comme je ne pouvais pas bouger, une partie de mon pouvoir s'est détachée de moi et s'est accrochée à la seule personne qui pouvait nous sauver. Toi.

J'ai eu des pouvoirs ? Même si ce n'était que pendant un court instant, c'est difficile à croire :

- Votre pouvoir est revenu à vous, au moins ?

- Non. Cela t'effraie de posséder de la magie ?

Oui ! Évidemment que cela m'effraie ! J'ai toujours été le petit garçon ordinaire que personne ne remarque, dont l'avenir est tout tracé, et du jour au lendemain, je me vois confier une mission qui a pour but de sauver le monde et des pouvoirs me donnant une force surhumaine ! Oui, c'est effrayant !

- Un peu. Je ne sais pas comment me servir de ça. Je ne savais même pas que c'était possible de transmettre de la magie aussi facilement.

- Le processus prend habituellement plusieurs heures, voire plusieurs jours. C'est ce qui m'a surpris. Mais cela veut surtout dire une chose. Tu es quelqu'un d'exceptionnel, Ilkka.

La Rose Éternelle 1, DraggilysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant