Chapitre 18, Capture

0 0 0
                                    

Quelqu'un me pousse doucement l'épaule. Le sommeil léger que je commence à acquérir me permet de me réveiller instantanément. Le visage de Tancah est penché sur moi, pour une fois souriant, les lèvres barrées d'un doigt, m'intimant le silence.

Elle se glisse à travers la porte et s'arrête, constatant que je suis toujours assis sur le lit, enroulé dans les draps.

- Aller, viens ! me chuchote-t-elle.

Tancah semble flotter sur les pavés de la rue que ses pieds effleurent avec délicatesse. J'essaie de l'imiter, mais je ne parviens qu'à me ralentir. Arrivés aux pieds de la muraille après avoir traversé des rues désertes, elle se hisse au dessus d'une porte en fer :

- Tu veux que je me tue, ou quoi ?

- Tu as réussis à le faire un arbre, ce sera un jeu d'enfant avec une paroi pourvue d'autant de prises !

À contre cœur, je suis ses traces le mieux possible et d'un petit saut, j'atterris non sans mal de l'autre côté. Autours de nous, seulement deux choses : un escalier, et de la pierre. Beaucoup de pierre. Grise, sans âme ni couleur, fade. Sans hésiter, Tancah s'élance à l'assaut des marches.

Elles mènent au chemin de ronde, visiblement pas accessible au public comme l'est celle de Vradilleni.

- Quand Kragona n'est pas en guerre, m'explique-t-elle, le chemin est inoccupé. C'est un havre de paix. Personne ne venait me déranger, à l'époque.

Elle tapote le sol à sa droite :

- Viens. Regarde le ciel.

La voûte céleste est pure ce soir, sans nuage, remplie d'étoiles et de constellations. Je me souviens que, quelques fois, avec mes parents, nous nous amusions à trouver des formes toutes plus biscornues les unes que les autres. Surtout, nous voulions trouver la constellation du cygne et de la Rose. Elle est permanente dans le ciel. Ses étoiles sont les seules qui suivent la terre dans son mouvement. Mais d'Asgard, je ne suis pas sûr de pouvoir les apercevoir.

Sa main se pose doucement sur la mienne. Je frissonne. À son contact, certes, mais aussi parce qu'elle a bougé. Infiniment peu, mais assez pour que je le remarque. Mais non, elle a toujours les yeux rivés vers le ciel. C'est derrière elle que quelque chose nous observe.

Tancah se retourne à son tour, mais trop tard. Deux hommes courent vers nous. Un détail m'interpelle avant que je n'ai le temps d'éviter le plus proche de moi. Une rose noire brodée sur le cœur. Notre seule solution de fuite serait de sauter, mais la chute d'une quinzaine de mètres nous tuerait avant d'atteindre le sol.

J'ai cessé de me débattre dès l'instant où l'épaule de mon ravisseur me coupait la respiration à chaque pas mais Tancah se tord comme une diablesse. Elle pousse soudainement un cri déchirant. Son colosse a dû appuyer sur sa plaie ou lui en créer une autre. Le décor cesse de tourner en rond lorsque nous atteignons la rue.

Je n'ai pas le temps de profiter d'une quelconque accalmie ; nous sommes balancés dans une carriole qui part à une vitesse hallucinante qui nous plaque contre les portes. Mon esprit me quitte, mon âme s'écorche en mille morceaux qui fuient mon corps aussitôt emportés par le vent nocturne.

La Rose Éternelle 1, DraggilysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant