Chapitre 17, Prend de la hauteur

3 0 0
                                    

Asgard est immense. Elle réussit à m'émerveiller alors que Vradilleni est tout aussi belle. Différente, certes, mais aussi belle. Le mur d'enceinte est haut, traduisant clairement les prouesses militaires du pays. Les colonnes de fumée qui s'échappent des forges parsèment le ciel.

Les douze bâtiments principaux de la place centrale, tous en pierres brune, reflètent les rayons du soleil et transmettent leur chaleur. Le premier est un temple surplombé d'une statue portant un arc, en position de tir vers le deuxième, plus lumineux que tous les autres. À sa droite, le temple principal est recouvert d'un toit d'argent en l'honneur de la famille royale. Le quatrième est le plus foncé de tous. De larges colonnes d'onyx soutiennent une terrasse sur laquelle repose une sphère blanche représentant la Lune.

Le cinquième est le mieux construit de tous. Il a vu depuis son érection toutes les décisions gouvernementales qui ont fait le succès du pays. À ses côtés, une grande salle servant à toutes les cérémonies politiques et aux grandes fêtes étonne par sa forme de rune ancienne. La traduction littérale du « bruit » ce qui, d'après la légende, lui correspond très bien. La résidence du gouverneur de la ville est à quelques mètres de là, se faisant remarquer par sa pureté architecturale. L'armurerie royale lui fait face, aussi imposante que l'armée elle-même, jumelée à la direction des mers et des océans, un tout petit bâtiment dans des tons de bleu et blanc au dessus duquel l'emblème magique du royaume trône, sculpté dans de la pierre noire ornée de dorures. Enfin, le dernier bâtiment est le seul accessible aux asgarziens. Il s'agit d'une serre où sont cultivées toutes sortes de potions destinées à la conquête.

Je ne connais pas grand-chose sur cette ville et ses mystères, si ce n'est la légende que j'ai toujours entendue depuis que je suis enfant, et que Mnoukh nous a remémoré.

La foule me presse tellement que je peine à suivre Tancah. Tous ses sens sont en alerte, comme si le flux incessant de passants la comprimait. En un clignement de cils, je ne la vois plus. La retrouver dans cette foule est impossible. Je ne connais personne, je n'arrive pas à me repérer sans elle !

Quelqu'un siffle au dessus de moi. C'est elle. Elle est monté sur un toit sans que personne ne la remarque ! Elle me fait signe de la rejoindre. Mais comment ? Elle passe en un saut sur le toit d'en face et avance sans se soucier du vide et du danger jusqu'à une maison plus basse et surtout avec plus de prises.

J'ai à ma disposition la porte, la fenêtre, et le rebord du toit. Les prises sont accessibles, ont l'air solides, et laissent de la place pour y glisser mes pieds et mes mains. Le volet m'offre ma première prise. J'accroche ma main du mieux possible au rebord de la fenêtre, et me voilà déjà à mi-parcours. Je ne peux pas encore saisir la main de Tancah, mais une fois monté sur les barreaux du balcon, mes doigts rencontrent les siens et je me sens soulevé jusqu'au toit comme un vulgaire sac de pommes de terre :

- C'est pas mieux de regarder la ville d'ici ? Personne ne peut nous voir et nous, nous voyons tout le monde.

Je m'assois à côté d'elle. Je pose ma main sur la sienne qui recouvre son entaille :

- Tu l'as rouverte ?

- Cela ne me serait pas arrivé, si tu étais un as de l'escalade...

Pour la première fois depuis bien longtemps, j'ai vu une tentative de sourire sur ses lèvres.

XXX

Tancah pousse la porte d'un bar très luxueux. Étrange, puisque nous n'avons pas la moindre pièce de monnaie. Elle va s'accouder au comptoir pendant que je me perds dans la contemplation de cet endroit inconnu. Je n'ai jamais mis les pieds dans un établissement aussi sophistiqué. Nos vêtements détonnent avec ceux des asgarziens présents.

Des hommes portant de hautes bottes de cuir noir, une tunique pourvue de manchettes en cuir brun, et une cuirasse, toujours en cuir, ornée de pierres plus ou moins précieuses. Pratiquement toutes les personnes présentes ont les yeux bleus. Les femmes sont habillées de robes longues couvertes sur les épaules par une cape de fourrures courte, agrémentées de bottes plus basses que celles des hommes. À la différence des vradilenniens, j'ai l'impression que l'entièreté du royaume est armée en permanence.

Tancah me tire le bras et m'entraîne vers un escalier, une clé à la main :

- Comment tu as fais pour avoir la clé ?

- J'ai payé, abrutit va !

- Avec quel argent ?

Elle s'immobilise devant une porte :

- Ne t'occupes pas de ça, tu vas nous porter malheur.

À peine entrée, elle disparaît dans la salle de bain. Les vêtements que je vois tomber au sol sont couverts de crasses et de sang. Il lui faut de quoi se soigner. Je me permets de fouiller dans sa besace. Je sais qu'elle a une bourse pleine à craquer d'or dont j'ignore tout, avec laquelle je pourrais prendre en ville de quoi refermer sa blessure, mais économiser cet argent si mystérieux me paraît plus judicieux.

J'ouvre les portes des placards et tombe enfin sur ce que je cherche. Du linge propre, du fil et une aiguille. Rien que je penser que cette chose va entrer et sortir de sa chair me révulse.

Le rideau de la baignoire la laisse passer, enroulée dans une serviette, ses cheveux tombant en cascade jusqu'à ses fesses, son corps ondulant vers la fenêtre telle une déesse. Ses muscles bougent en harmonie, même si chaque mouvement de son épaule meurtrie lui tend le dos.

Je suis incapable de bouger la moindre partie de mon corps devant elle. Mon attitude lui paraîtra suspecte lorsqu'elle se retournera, mais qu'importe. Je découvre, malgré moi, son corps lorsque sa serviette vient s'échouer au sol.

- Tu comptes me reluquer longtemps avec ton air de merlan fris ?

Comment a-t-elle fait pour... ? Elle ne s'est même pas retournée ! Elle contemple toujours le ciel, alors que je contemple sans arriver à m'en détacher la courbure de ses hanches !

- Vous avez tous cette réaction quand vous me voyez à poils, c'est quand même fort comme la nature ne vous a pas gâté sur ce point...

- Comment ça, "vous" ?

Elle se retourne enfin, me faisant pas la même occasion détourner les yeux :

- Vous les hommes. Plutôt garçon dans ton cas, mais c'est un détail.

- Tu es obligé d'être toujours méchante avec moi ? Ça te procure du plaisir ?

- Et toi ? Tu es obligé de me regarder à poils ? Tu es frustré ? Ça te fait du bien à l'entre-jambes ?

- Tu me fatigue.

J'entre dans la baignoire et tourne le robinet :

- Si tu veux recoudre ta plaie, il y a le nécessaire sur la table. Si tu fouilles, tu devrais trouver des plantes pour atténuer la douleur dans les placards.

Je l'entends pouffer avant de m'immerger complètement sous l'eau et de fermer les yeux.

La Rose Éternelle 1, DraggilysOù les histoires vivent. Découvrez maintenant