Chapitre 1 - Mort inévitable / CORRIGE

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Bon voyage à tous...

Point de vu de Joyce :


Quelques notes de No woman no cry de Bob Marley en fond,une vue sur la plage et son ciel bleu, une bonne tasse de chocolat chaud alias mon breuvage préféré. Que réclamer de plus ? Tout. J'ai envie de l'échanger contre une autre, de réécrire mon histoire. J'aimerais vivre.

Aujourd'hui demeure qu'une journée de plus dans ma vie. Un jour similaire aux 364 autres de l'année. Une vie simple,banale au bord de la mer sans devoir se soucier d'aller en cours.Existe-t-il un étudiant ne souhaitant pas de ça ? En-tout-cas, pas moi. Pour moi, cette vie rime avec ennuis, solitude en sommes,barbante.

Depuis le jour de mes 16 ans, soit quatre ans déjà,ma vie à une fois de plus basculé. Perdre ses deux parents ne demeurait pas suffisant. Ce jour-là, alors que ma grand-mère s'apprêtait à chanter mon joyeux anniversaire, j'ai perdu mon ouïe. Au début, elle et moi pensions qu'il ne s'agissait que d'une sorte d'otite. Examens sur examens, les médecins ont fini par poser leur fameux diagnostic. Je suis sourde sans aucune explication.

Entamer ma scolarité au lycée avec un handicap fut un calvaire. Les premiers temps,je recevais de petites moqueries auxquelles je survivais. Mais ce n'était que les préliminaires d'un long cauchemar. Petit à petit,ma confiance en moi dégringolait. Tous les matins, une boule au ventre se logeait en moi. Mes amis disparaissaient les uns après les autres par honte. Le comble pour une pauvre fille comme moi effrayer par la solitude.

Le 16 avril 2020, dire adieu à cet enfer devint ma seule solution. Persuader qu'avaler une plaquette complète de Xanax m'aiderais à accomplir mon souhait, je l'ai fait. Mourir fut un échec. L'école à la maison est alors mon dernier recours jusqu'à ce que j'abandonne mes études.

Enfin voilà ma vie, 20 ans, handicapée vivant seule avec sa grand-mère, Jeanne. Une hippie qui perd la tête. J'occupe mes journées à faire des mots croisés avec elle. Je pratique le tir à l'arc, une passion qui me vient de ma grand-mère. Néanmoins,jamais je retirais la vie d'un animal à la différence d'elle.Jeanne aimait autrefois chasser. Mes principes me l'empêchent. Déjà que je refuse de manger de la viande, alors les tuer, n'en parlons pas.

À la place, je vise des cibles peintes de mes mains.Je cible des balles de tennis lancé par ma grand-mère. Il m'arrive parfois d'attendre durant des heures que tombe d'une branche une pomme espérant la transpercer d'une flèche.


_Coucou ma petite fleur des îles, me signe Jeanne en s'installant en face de moi sur la terrasse. Tu as oublié de les mettre. Continue t-elle avant d'agiter mon boîtier de mes appareils auditifs.


Je lui souris tout en les enfilant. Je continue de les porter même s'ils ne me servent plus à rien. Dorénavant, aucun appareil ne me permettra d'entendre. Il est vrai qu'ils m'aidaient au début, mais avec le temps, je ne percevais plus le moindre son. Mais ça, elle ne le sait pas. Je ne lui ai jamais confié. À travers les années, j'ai acquis la capacité à lire sur les lèvres gardant pour moi mon secret. Il lui causerait bien trop de chagrin.

Une fois fini de déjeuner, je ne perds pas de temps et file m'entraîner. Mes sessions de tire représentent pour moi, les seuls moments où je prends du plaisir à vivre.Dans ces instants, je me sens à ma place, moi-même. Depuis la perte de l'un de mes sens, mon acuité visuelle ne cesse de s'améliorer. Ce nouvel atout m'accorde la possibilité de viser de plus loin.

Deux bonnes heures plus tard, je décide de m'octroyer une pause. Je pose alors mes fesses et mon arc dans le sable chaud puis ferme les yeux. J'accueille avec joie la caresse du vent sur mes joues. Mes cheveux volent dans les airs pour finir leur course en batailles sur mon front en sueur.

Un bruit de faible respiration me paralyse sur place. Je perçois des sons inventés par mon cerveau. Les médecins m'avaient prévenu. Ils s'appellent ça des hallucinations auditives.Mon cerveau les créées de toute pièce. Cette mascarade équivaudrait à la douleur d'un membre fantôme après une amputation. Ce que je m'imagine entendre résulte en réalité d'un mensonge élaboré par mes soins rien que pour moi. L'espoir à pitié de moi. Rien qu'un instant, je me persuade de croire en ma supercherie.

Mon cœur se réchauffe par le bonheur que cela me procure. Un demi-sourire naît sur mes lèvres. Pour la première fois en 4 ans, un bruit me parvient.

Le rythme cardiaque s'accélère. De manière progressive, elle augmente, a t-elle point qu'elle en devient pesante. Elle me pousse à inspirer et à expirer de la même sorte.Mon cœur se serre, comme essoufflé. Les sourcils froncés, j'essaye de réduire le rythme en vain.


_Vous êtes en danger, MHORACHT ENFUYEZ-VOUS ! Cri à bout de souffle une voix féminine lointaine.


Mes yeux s'ouvrent brusquement à la recherche d'une explication. Je ne vois personne. Seule la mer s'élève devant moi.J'attrape mes appareils auditifs puis les jette de toutes mes forces dans le sable, loin de moi. Il ne s'agissait que d'une hallucination.Mais en était-ce réellement une ? Comment l'expliquer autrement ?

Je frictionne mes bras, puis mes cuisses dans l'espoir de m'apporter du réconfort. Que vient-il de se passer ? Cette femme, s'adressait-elle à moi ? Je suis presque sûr de connaître ce timbre de voix.Pourquoi dit-elle que je cours un danger ? L'hystérie m'empêche de réfléchir avec lucidité. Respire Joyce, tu as juste eu une hallucination, calme toi, tout vas bien. Je me frotte avec énergie mes mains sur mon visage comme pour me débarrasser de ce mal-être.

Je regarde l'heure sur mon téléphone. Mince, j'ai promis à ma grand-mère que je me chargerais de ses courses. Avec cette histoire, je me retrouve en retard. À la campagne, les magasins ferment bien plus tôt.

Je me lève, enlève le sable collé à mon leggings et attache mes longs cheveux bruns en une queue-de-cheval. Une fois plus convenable, je m'élance vers l'épicerie du village.

Une fois à l'intérieur, cela ne me prend guère de temps. Je connais les rayons de ce magasin comme ma poche. Ça ne me prend donc qu'une dizaine de minutes pour trouver tous les articles.En revanche, la queue à la caisse me ralentit. À croire que tout le monde attend la même heure pour réaliser leurs emplettes.

Finalement, je ressort de la boutique après une demi-heure. En rentrant, mon sac de course à la main, je repense à mes appareils laissés dans le sable devant la terrasse. J'espère que ma grand-mère ne tombera pas dessus. S'il elle venait à se douter de leur efficacité, je n'ose imaginer son chagrin.

Je relève le nez lorsque j'arrive à hauteur de la porte d'entrée. Une fois à l'intérieur, je reste sans voix face à ce que je vois, le salon est sens dessus dessous. Comme si une tornade avait déboulé entre le canapé le meuble télévision et la bibliothèque. Tout en douceur, je pose le sac à mes pieds avant d'avancer davantage dans la pièce.

Un long frisson me parcours la colonne vertébrale. Des gouttelettes rouges parsèment le parquet en direction de la cuisine. D'un pas hésitant, je les suis ne sachant pas à quoi m'attendre. Ma respiration, douloureuse, se coupe en découvrant le corps sans vie de ma grand-mère. Elle gît dans une mare de sang, de son sang. Un cri sourd résonne dans tout mon être face à cette horreur. D'une main tremblante, je me couvre la bouche.

Tandis que des larmes s'échouent sur le dos de ma main, je remarque une silhouette que je n'avais pas encore remarquée.Un homme, agenouillé observant son épée encore taché. Je voudrais m'enfuir, faire demi-tour et partir. Mais mon corps ne me répond plus. Je suis paralysée face à la terreur.

Ma bouche est sèche, mes mains sont moites. Je lutte pour ne pas me mettre à crier tout en pleurant toutes les larmes de mon corps. Les yeux noisettes de l'inconnu se posent sur moi. Tous enchaînent dans une rapidité affolante. Son corps fonce sur le mien au moment où je reçois un violent coup sur la tête.


Elzengarde TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant