Min Ho ne sent pas cette soirée. Il ne sait pas pourquoi, mais il a un mauvais pressentiment, qu'il met sur le dos du fait qu'il n'est pas à l'aise à l'idée de se retrouver au milieu d'hommes politiques. Le stress ne cesse de monter en puissance et amène avec lui une irritation palpable qui en ferait fuir plus d'un. Parce que Min Ho est comme ça, il est entier et lorsque quelque chose ne lui plaît pas il a du mal à le cacher. La vie ne l'a pas épargné alors il est devenu un peu aigri, un peu sarcastique. Il ne mâche pas ses mots et c'est peut-être pour ça qu'à part ses meilleurs amis, personne n'arrive à l'approcher. Son humour est un peu décalé, et son visage souvent figé dans une expression indéchiffrable, presque pince-sans-rire, il a parfois du mal à se faire comprendre.
- Tu sais vraiment pas faire de noeud de cravate, Hyung.
Min Ho grommelle quelque chose d'incompréhensible alors que Jeong In s'emploie à lui donner une meilleure apparence.
- ça me saoule d'être là, lâche-t-il en fronçant les sourcils.
- Oh allez, arrête ton cinéma, ricane Hyun Jin, depuis quand tu craches sur 1 million de Won pour quatre heures de travail ?
- Depuis que c'est de l'argent sale. On devrait même pas avoir à travailler pour avoir ce fric, c'est celui du peuple de base.
Hyun Jin soupire en secouant la tête, exaspéré par le discours de son ami qui tourne en boucle depuis la veille au soir.
- J'ai entendu les gardes discuter entre eux, intervient Jeong In à voix basse, il y a une foule de manifestants à l'entrée, faudra quand même être prudent...
- Je préfèrerai me joindre à eux, râle une dernière fois Min Ho alors qu'un homme en livrée fait signe à tous les employés de s'approcher.
La cuisine dans laquelle ils ont été réunis est immense, d'un blanc immaculé avec des meubles en inox éteincellant et un sol de marbre. Les trois amis n'ont pas eu l'occasion de découvrir la salle de réception et encore moins le reste de l'immense bâtisse mais ils sont d'accord pour dire que ça sent l'argent à plein nez. Ils ne se sentent absolument pas à leur place ici et Min Ho meurt d'envie de partir en courant avant qu'on les accuse d'avoir volé une petite cuillère, il est clair que même le couteau à beurre doit valoir son loyer mensuel.
Rien à faire, même après avoir écouté attentivement les consignes de leur responsable, Min Ho ne parvient pas à se défaire de ce mauvais pressentiment. Il n'est pas à sa place ici et il est persuadé que sa présence ne passera pas aussi inaperçue qu'il ne le souhaiterait. Pourtant, il n'a rien à se reprocher, c'est un honnête jeune homme de vingt-deux ans, qui travaille pour un traiteur le temps d'une soirée afin de gagner un peu d'argent. Son casier judiciaire est vierge, comme l'a vérifié son employeur, il n'est pas kleptomane et, bien qu'il ne supporte pas le gouvernement actuel, il ne compte pas faire un Coup d'Etat ce soir, ni jamais. Simplement, il a l'impression que l'inscription "pauvre" est marquée en rouge en plein milieu de son front. Lui qui n'est déjà pas friand des relations humaines, se trouver dans une salle, entouré de centaines de personnes qui mangent du caviar au petit-déjeuner et qui achètent des immeubles comme des enfants achètent des bonbons, le stresse au plus haut point. Il déteste être jugé, encore plus sur sa condition, et il est persuadé que tous s'en donneront à coeur joie ce soir.
- Allez, Hyung, il faut y aller.
Retenant un soupir, il suit Hyun Jin et récupère un plateau rempli de coupes de champagnes avant de passer les portes battantes. Il est aussitôt agressé par l'opulence de la pièce. Haute de plafond, habillée de grands lustres en cristal, de gros pilliers et d'une moquette rouge, les murs sont d'un blanc trop lisse et le plafond ressemble à un damier en bois où sont incrustés des dizaines de spots trop lumineux. D'immenses tables nappées ont été dressées tout autour de la salle pour accueillir le buffet tandis que d'autres, rondes et plus petites, sont disposées dans une deuxième pièce pour le repas qui sera servi par un grand chef étoilé d'origine française. Un tapis rouge courre sur les marches de l'impressionnant escalier à double entrée, faisant face à l'estrade où vient de se terminer le discours de campagne du Président Han Yong Jin. La foule est nombreuse et acclame ce dernier comme un seul homme, applaudissant de manière sophistiquée alors que l'homme s'incline avec un sourire figé. Min Ho se sent pris de vertige face à tant de luxe et d'hypocrisie combiné. Il capte le regard de Hyun Jin et s'oblige à prendre une grande inspiration avant de naviguer entre les convives. Si Jeong In et Hyun Jin semblent dans leur élément, Min Ho tente de ne pas laisser son malaise paraître bien qu'il refuse d'arborer le même sourire courtois. Les yeux baissé pour ne croiser le regard de personne, comme le veut le protocole, il slalome, laissant les invités se servir une coupe de champagne, allant jusqu'au buffet pour récupérer des flûtes vides et repars en sens inverses jusqu'aux cuisines. Il fait le même chemin sans arrêt pendant un temps interminable. Ses pieds sont en feu, son dos commence à signaler sa fatigue et il à mal aux bras à force de porter les plateaux. Pourtant, il ne montre rien, ne se plaint pas, et se contente de prier pour que cette mascarade se termine rapidement afin qu'il puisse retrouver ses trois petits chats et son canapé. Il n'est même pas sûr d'avoir envie d'accompagner ses deux amis boire un verre pour fêter leur salaire.
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My insufferable little Prince [MinSung]
FanfictionDans un contexte politique et social difficile, alors que le peuple se bat contre son gouvernement, Min Ho, ancien champion de Taekwondo, enchaîne les emplois pour survivre et aider sa famille. Toute sa vie se retrouve bouleversée lorsqu'il fait l...