Chapitre 8

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Antoine

La cuisine est encore calme, plongée dans la semi-éclaircie de début de matinée. Les rayons du soleil levant traversent la baie vitrée. C'est surement mon moment préféré de la journée depuis que j'habite dans cette maison, dans le quartier de la Finca. Ici, le temps semble suspendu par rapport à l'agitation de Madrid. C'est comme si le monde entier disparaissait quand je passais la barrière de sécurité puis la porte de la maison.

En regardant autour de moi, je n'arrive à me remémorer que de doux moments : Amaro, attablé autour de la table ronde à quelques mètres de moi, qui mange des céréales avec les mains tout en regardant les images de ma BD. Mia qui s'entraine tous les matins à faire des roues entre le mur et l'ilot central. Ou Alba, qui dessine consciencieusement sur le mur, alors que les feuilles reposent sagement sur la table, encore vierges. Ce dernier souvenir m'arrache un rire, qui résonne contre les murs de la cuisine.

J'étais vert de rage ce jour-là, de la voir avec sa petite main refermée autour de plusieurs gros feutres. Mais ma colère s'est stoppée aussi vite qu'elle est arrivée, quand j'ai vu le dessin dans son intégralité. Trois petits bonhommes, et trois grands. Mia, Amaro, Alba, Erika, moi et Lou. Sans oublier Nieve, son doudou en forme d'ours polaire. Sa famille.

Alors j'ai fais tout ce qu'un père aurait fait. Je l'ai serrée dans mes bras et j'ai encadré la partie du mur sur laquelle reposait son œuvre. Lou a ensuite passé une bonne partie de l'après-midi à peindre un pan de mur entier avec une peinture ardoise, qui permet maintenant  à ma cadette de dessiner sur les murs à sa guise.

- Tu souris comme un abruti, t'en es conscient au moins ?

Mon sourire s'agrandit d'avantage lorsque Lou entre dans la pièce, l'air encore un peu endormie. Avant tout ça, c'était un peu notre rendez-vous à tous les deux, une fois qu'on arrivait à sortir de la bulle réconfortante de notre chambre. Les gestes étaient de ceux qui rassurent de part leur habitude. Elle faisait chauffer la cafetière, je faisais chauffer la bouilloire. Elle sortait ma calebasse, je sortait son mug. Elle se déhanchait sur une musique qu'elle chantait dans sa tête, je me disais que j'avais une chance folle d'avoir une fille comme ça dans ma vie.

Pendant que son café coulait, elle se hissait toujours sur le comptoir, laissant ses longues jambes pendre dans le vide. Elle ne prenait jamais le temps de s'habiller avant de filer dans les escaliers, elle se contentait d'enfiler un kimono par dessus sa nuisette ou l'un de mes maillots qu'elle avait décidé de porter pour dormir.

Je me souviens de la façon dont elle traçait le contour de mes tatouages sur mes phalanges, du bout des ongles, la trace de l'oreiller encore sur la joue. Elle fermait toujours les yeux à ce moment-là, laissant les premiers rayons du soleil réchauffer sa peau à travers la baie-vitrée, savourant le contact de nos deux peaux. Et quand le bruit de la machine à café s'estompait, pour retomber dans le silence et que l'odeur du grain torréfié emplissait l'air, ses grands yeux verts s'ouvraient de nouveau et je retombais amoureux à chaque fois. Et aujourd'hui ne fait pas exception.

- Je le sais Mme Martin. Mais vous l'avez déjà dit vous-même, je suis assez intelligent pour un footballeur sans diplôme. Un sourire mutin apparait sur ses lèvres alors qu'elle se glisse sur un tabouret haut. Assez intelligent pour avoir déjà fait couler la seule façon que j'ai pour que tu sois un minimum agréable aujourd'hui.

Je glisse la tasse jusqu'à elle sur le plan de travail, fier de moi.

- Il est comme tu l'aimes, noir, avec une pointe de sirop de caramel. Même si en général tu gardes ça que pour les jours de fête.

Un léger "oh" sors de ses lèvres pendant qu'elle entoure ses mains autour du mug pour profiter du contraste de chaleur. Et je me perds à nouveau dans mes pensées en la détaillant. Lou s'est habillée avant de descendre, un simple jean droit avec un pull bleu clair, qui met en valeur sa silhouette et qui accentue la blondeur de ses cheveux. Une légère touche de gloss habille ses lèvres et une couche de mascara appuie son regard. Ses cheveux sont relevés dans un chignon flou sur le dessus de sa tête, montrant la finesse de son cou. Il n'est même pas 8h et elle est magnifique.

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