Chapitre 5

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Lou
Déposer de la pâte, attendre, retourner le pancake, attendre, le sortir de la poêle, le glisser sur le tas déjà présent sur le comptoir. Et recommencer.

Alors que le monde entier a tendance à fuir la routine, moi maintenant, je la cherche à tout prix. Parce que ça a quelque chose d'apaisant de répéter les mêmes gestes. Et surtout, parce que je n'ai pas besoin de mes souvenirs des quatre dernières années pour préparer un bon petit déjeuner. Alors tous les dimanches, que je sois chez Lucas ou chez Benjamin, je prépare des pancakes. Chaque semaine la même recette, la même vaisselle, la même disposition des myrtilles ou des bananes. Toujours pareil, et ça m'apaise.

Je suis levée depuis une bonne demie-heure, réveillée par la lumière extérieure suite à mon oubli de fermer les volets. Alors j'ai sauté dans mes chaussons, j'ai enfilé mon peignoir et je suis sortie silencieusement de "ma" chambre. Tout est calme dans ce grand appartement, le silence étant uniquement brisé par la petite radio posée sur le frigo dernier cri.

Enfin, quand je dis que tout est calme, c'est sans compter sur les jurons du proprio qui vient visiblement de s'emmêler les pieds dans ses béquilles. Je ne peux m'empêcher de sourire en entendant les noms d'oiseaux en espagnol qui sortent de la bouche de Lucas pendant qu'il s'avance dans le couloir tout en grommelant. Mon sourire s'élargit lorsqu'il pénètre dans la pièce de vie et il ne lui faut que quelques millièmes de secondes pour qu'il m'imite.

- Est-ce que t'es en train de te foutre de ma gueule là ? Je me contente d'acquiescer, le rictus toujours accroché aux lèvres. C'est bien ce que je me disais... Il s'installe sur un tabouret haut, posant sa jambe opérée sur celui d'à côté, comme d'habitude. Tu vas payer, tu sais pas encore quand, ni comment, mais tu vas payer.

Et ça me fait sourire un peu plus parce que c'est si facile avec Lucas, depuis le début. En tout cas depuis mon début. C'est comme s'il avait continué à être le même depuis le soir de la finale. Mêmes blagues, mêmes taquineries, mêmes sourires complices et pour une fois, pas d'inquiétude au fond des yeux. Tout le contraire de Benjamin.

Benjamin se fait du soucis, c'est flagrant. Et je sais que même s'il souhaite le montrer le moins possible, c'est aussi le cas d'Antoine. Alors dans tout ça, les semaines chez Lucas sont une bouffée d'air frais. Il n'hésite pas à me laisser seule lors de ses rendez-vous chez le kiné même s'il insiste toujours sur le fait qu'il garde son téléphone en sonnerie. Il me laisse un minimum d'intimité, et je l'adore encore plus pour ça.

- Comment tu peux être levée aussi tôt alors que je t'ai entendue papoter jusqu'à 2h du matin ? Le regard en coin de Lucas me fait monter le rouge aux joues, ce que je déteste et il le sait très bien. C'était l'appel de qui hier ? Hugo ? Kilian ? Théo ? Youss ?

Mes yeux roulent dans leur orbite pendant que je m'applique à vider le reste de pâte dans la poêle. Mon assiette ressemble plus à la tour de Pise qu'à autre chose, tant le tas est important.

- C'était Anto. Je n'ai réussi à le dire qu'en murmure, mais je suis certaine qu'il l'a entendu. Et pour preuve, le sourire d'imbécile qui orne son visage.

- Alalala, Griezmann, j'aurais du m'en douter. Son sourire devient plus grand lorsqu'il croise le regard soûlé que je lui lance. Bon après, c'est quoi, la troisième fois de la semaine que vous passez 4h en FaceTime ? C'est normal, t'as fais ça avec tous les joueurs de l'équipe...

Il prend un air innocent tout en attrapant l'assiette que je lui tend, sans oublier de répondre par un doigt d'honneur à mon tirage de langue.

Il est vrai que j'ai passé beaucoup de temps au téléphone avec les membres de l'équipe de France, aussi bien les joueurs que le staff. En général, pas un soir ne passe sans que j'ai eu quelqu'un en visio. Mais Antoine, c'est différent : on s'est appelés presque tous les soirs, sauf quand il avait match ou entrainement. Et à chaque fois, c'était la même chose : le message de l'un ou de l'autre pour savoir si on pouvait s'appeler, le stress lors de la sonnerie et l'envie de ne jamais raccrocher.

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