Chapitre 2

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Antoine

Rentrer à l'hôtel était une erreur. Une grosse erreur. Parce que je vois ce qu'elle avait préparé, et ça me brise le cœur une nouvelle fois. Des ballons en forme d'étoiles, qui devaient initialement flotter dans les airs et qui sont maintenant totalement dégonflés sur le matelas. Avec ça, déposé délicatement sur le lit, un petit body, floqué "Mon papa est un champion" sur l'avant et "Griezmann" sur l'arrière. Un putain de bout de tissu qui me rappelle encore une fois ma perte. J'aurai dû apprendre une bonne nouvelle, après avoir été sacré champion du monde. Après avoir ramené cette troisième étoile à la France avec mes frères. Cette soirée devait être une des plus belles de ma vie. Mais je suis là, seul, brisé, assis sur mon lit, le poing serré autour du vêtement, trempé de mes larmes.

Et soudain, la tristesse disparait. Uniquement pour être remplacée par la colère. Une colère qui me prends aux tripes, qui explose en moi comme un volcan. Je ne contrôle plus rien en pensant aux fils de putes qui ont posé leurs mains sur Lou et sur mon bébé. Les objets volent autour de moi, la lampe de chevet s'éclate contre le mur, les morceaux de verre jonchent le sol. Je pleure, je crie à m'en déchirer les cordes vocales. Mais rien n'y fait. Je ne parviens pas à combler le vide dans ma poitrine.

Épuisé, mentalement et physiquement, je me laisse glisser le long de la porte, entouré de débris. Ma chambre d'hôtel est dans un bordel sans nom, comme mon esprit. Je tente de me calmer en pensant à mes trois têtes blondes. Ces pensées m'aident en général. Mais pas cette fois. Maintenant, je ne pense qu'au fait qu'un de mes enfants manquera toujours à l'appel. Toujours. Ça parait fou. J'ai mal parce que j'ai perdu quelqu'un que j'aime. Quelqu'un que je n'ai jamais vu, dont j'ignorais l'existence, mais que j'aime pourtant de tout mon cœur.

Je me suis endormi ici, sur le sol, vidé de toute énergie. Et je me suis réveillé exactement pareil. Peut-être même encore plus fatigué. Il faut que j'y retourne, je ne sers à rien ici.

J'envoie rapidement un message à Maud, l'informant de l'état de Lou. Elle s'est proposée pour servir de relai dans la famille, et heureusement, je ne me sens pas prêt à affronter le regard inquiet de ma mère. Je ne lui ai pas encore parlé du bébé, ni à elle, ni à personne. Seul William est au courant. Tant que les mots n'ont pas franchit mes lèvres, c'est un peu comme si ça n'existait pas. Alors je n'en parle pas. Et lui non plus.

Je croise, sans le vouloir, mon regard dans le miroir et ce que je vois ne me plais pas du tout. Mais alors pas du tout. Mes yeux sont éteins, au-dessus de cernes bleutées qui ressortent beaucoup trop sur mon visage tellement plus pâle que d'habitude. Mes cheveux blonds paraissent presque gris. C'est comme si j'avais pris 10 ans en quatre jours. Elle ne peut pas me voir comme ça. Si elle se réveille, j'ai envie qu'elle soit immédiatement apaisée par ma présence et pas que ses premières paroles soient "tu sens le fennec, Antoine". Un sourire arrive enfin sur mon visage en imaginant sa voix dans ma tête. Alors, pour ne pas tendre le bâton pour me faire battre, je saute rapidement sous la douche. Tout en me frottant vigoureusement les cheveux sous le jet brûlant, j'espère que ce lavage sera salvateur.

Lou aurait adoré prendre cette douche avec moi, elle qui râle toujours en disant que je me lave avec de l'eau beaucoup trop froide. A l'entendre, on aurait déjà pu remplacer toutes les douches de la maison par un jet d'eau dans le jardin. Je repense à son sourire fier quand elle faisait mine de me serrer dans ses bras pour augmenter la température de l'eau jusqu'à rendre la température à la peine du supportable. Mais je continuais à prendre mes douches avec elle, quitte à être brûlé au troisième degré. Parce que c'était des moments rien qu'à nous : pas d'enfants, pas de patients, pas de coéquipiers. Juste Antoine et Lou. Un Antoine en fusion et une Lou heureuse.

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