Chapitre 11

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Antoine

Contrôle. Frappe. Cours.

Je me répète ces trois mots en boucle depuis le début de l'entrainement et j'essaye de les appliquer du mieux possible. Mais sachant que j'ai dormi tout au plus trois heures, ça rend la tâche vachement plus compliquée. Et Simeone s'est pas privé de critiquer ma tête fatiguée quand je suis arrivé, ce qui a encore rajouté un peu de poids sur mes épaules. Même Yu, notre Community Manager a perdu quelques millimètres de sourire quand elle m'a vue approcher.

Vers minuit, j'ai été réveillé par les cris de Lou, qui dormait paisiblement sur mon épaule comme chaque nuit depuis une semaine. Des cris déchirants, qui filtraient une douleur immense et qui ont arraché une partie de mon cœur avec eux. Je sens ma gorge qui se serre rien qu'en y repensant.

Elle a déjà fait des cauchemar, mais jamais comme ça. Cette fois, c'était différent. En général, il suffit qu'elle me sente contre elle pour qu'elle se calme. Elle me serre juste un peu plus dans ses bras, se cale contre mon cou et se rendors aussi sec. Mais pour la première fois, un cauchemar lui a déclenché un souvenir : celui du décès de son père. Le souvenir qui d'après les médecins, allait être le plus compliqué à revenir, car son subconscient allait vouloir la protéger. Mais son subconscient en a visiblement rien eu à foutre des conseils des toubibs, parce que ses souvenirs sont revenus en force.

Elle a su m'expliquer les grandes lignes à demi-mot, chaque phrase étant entrecoupée d'une bonne dizaine de sanglots : ceux qui bloquent la respiration, ceux qui accentuent encore la douleur interne. Quand je ferme les yeux, je revois encore son visage baigné de larmes et son corps secoué par des tremblements.

Alors je contrôle. Je frappe. Et je cours. Sans m'arrêter.

Lou a bien tenté de retourner dans sa chambre pour me laisser tranquille pour la nuit, mettant en avant mon entrainement de jour. Comme si j'allais pouvoir dormir en la sachant dans cet état à quelques mètres de moi. J'ai refusé catégoriquement, l'attirant doucement contre moi, déterminé à lui offrir tout le réconfort possible. J'aurais tant aimé pouvoir la décharger de toute sa douleur et qu'elle accueille le sommeil comme elle avait l'habitude de le faire quand elle est avec moi. Parce que je ne peux que comprendre ce qu'elle ressent : j'en ai détruit une chambre d'hôtel dans son intégralité quand j'ai subis le même genre de perte. Ce sentiment de creux au niveau du ventre, cette douleur qu'on imagine ressentir pour le reste de notre vie, cette sensation de vide. Comme si rien ne pouvait plus jamais nous rendre heureux désormais.

Nous avons passé le reste de la nuit à parler, à murmurer des souvenirs heureux et des espoirs pour l'avenir, tout pour éloigner l'ombre de la tristesse qui pesait sur nous. Petit à petit, ses sanglots se sont apaisés, remplacés par une respiration plus régulière alors qu'elle finissait par s'endormir d'épuisement dans mes bras. Mais moi, je n'ai plus pu fermer l'œil, alors je me suis contenté de la tenir tout contre moi, comme si une simple brise pouvait me l'arracher. J'ai passé plusieurs heures, à l'observer pendant son sommeil, à admirer sa douceur qui transparait d'autant plus lorsqu'elle s'abandonne. Cette douceur qui me tue.

Sa main agrippait faiblement mon t-shirt, comme si elle cherchait à s'assurer que je ne disparaîtrais pas. Le matin est arrivé bien trop vite, la lumière du jour perçant à travers les rideaux, marquant la fin de notre répit nocturne. Elle a bougé légèrement, ses yeux s'ouvrant doucement. Un instant de confusion a traversé son regard avant qu'elle ne se souvienne où elle était et ce qui s'était passé. Ses beaux yeux verts se sont couverts d'un voile de tristesse. Et mon cœur a fait pareil.

J'ai pas pu la laisser seule à la maison. J'ai vraiment pas pu.

Alors je l'ai tirée hors du lit, je l'ai aidée à enfiler un jogging et un de mes pulls, et je l'ai emmenée avec moi. Depuis le début de la séance, je me force à ne pas tourner le regard vers elle. Pourtant, je sais exactement où elle est. Assise sur le banc au bord du terrain, emmitouflée dans mon pull qui est bien trop grand pour elle, elle observe l'entraînement avec une expression calme mais fatiguée.

Au sommet du monde ⭐⭐⭐Où les histoires vivent. Découvrez maintenant