Crazy for love

Dix

Je me redressai en sursaut. Le cauchemar avait encore frappé. Cependant il semblait avoir entendu mes prières et était moins violent que d'habitude, si bien que je n'avais pas hurlé. Je fixai la pièce autour de moi. Thaïs et Eline dormaient paisiblement. A ce moment-là, je les enviais. Elles avaient la chance de dormir calmement en faisant de beaux rêves et ne s'en rendaient même pas compte. Je pris Chuck et regardai l'heure. Il était deux heures du matin. Je soupirai bruyamment et m'extirpai de mon lit. J'avais trop chaud, j'avais besoin d'air.

Je me rendis donc sur le balcon et m'accoudai à la rambarde. J'observai Washington. La vue était juste à couper le souffle. Etant au dernier étage de l'hôtel, je dominais la ville. Je voyais les toits des bâtiments se dessiner à perte de vue. J'en étais estomaquée. Malgré l'heure tardive, des lumières brillaient encore aux quatre coins de la ville. La ville de Washington était décidément plus belle de nuit que de jour.

« -Belle vue, pas vrai ? »

La voix me fit sursauter. Je m'attendais à être seule à une heure si tardive. David se tenait sur le balcon voisin, assis sur une des chaises, une cigarette au coin des lèvres. C'était son plus gros défaut, et celui qui m'exaspérait le plus. Il fumait. Je ne comprenais pas comment des gens pouvaient payer pour mourir. Car oui, la cigarette, ça tue, quoi qu'on en dise. Ça vous détruit à petit feu. Parfois, certains trainent des cancers une dizaine d'années. Je les admire, certes, pour leur courage, mais je les méprise d'avoir payé pour ça.

J'hochai la tête en réponse à la question de David. Ce dernier jeta son mégot par-dessus le balcon. Je lui lançai un regard réprobateur. Les poubelles, ça existe ... Je me reconcentrai alors sur la vue. David se leva de sa chaise et vint s'accouder à la balustrade, près de la mienne. Son regard braqué sur moi me mettait mal à l'aise.

« -T'arrives pas à dormir ? me demanda-t-il. »

J'hochai la tête, gardant mon regard dans le vague. Il ne demanda pas plus de précisions sur la raison de mon insomnie et je l'en remerciai intérieurement. David sortit une nouvelle cigarette de son paquet et l'alluma. La fumée ne m'arrivait pas dans la figure donc ça ne me dérangeait qu'à moitié. Nous restâmes un long moment en silence. Une légère brise souffla et je frissonnai.

« -Ça te dit d'aller faire un tour en ville ? proposa-t-il. »

Je me tournai vers lui, pensant qu'il rigolait, mais il était on ne peut plus sérieux.

« -Maintenant ? demandai-je incrédule.

-Maintenant.

-Mais ...

-Je passe te prendre dans cinq minutes. »

Il ne me laissa pas le temps de répondre et retourna dans sa chambre, voisine à la nôtre. Il la partageait avec Roméo et William. Je restai encore quelques secondes sur le balcon avant de rentrer à mon tour. J'enfilai un jeans et un sweat ainsi que mes converses et sortis discrètement dans le couloir. David m'attendait, adossé à sa porte. Il sourit en me voyant et nous nous dirigeâmes vers l'ascenseur. Il n'y avait personne dans l'hôtel. Normal, à une heure pareille ... Nous arrivâmes au rez-de-chaussée et quittâmes l'hôtel. Personne ne nous remarqua.

« -Et on va où maintenant ? demandai-je. »

Il haussa nonchalamment les épaules, me montrant qu'il n'en savait rien et surtout qu'il s'en fichait. Tout ce qu'il voulait, c'était prendre l'air. Nous marchions en silence dans les rues de la capitale, nous laissant guider par nos pas. Au bout d'un moment, nous arrivâmes devant un parc dont la grille était fermée. David s'arrêta devant celle-ci, un sourire espiègle sur le visage.