Chapitre 5.2

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Je me fige, écarquille les yeux. Cette fois, si les battements de mon cœur s'accélèrent, le Maubolf n'y est pour rien.

Des Héros.

Cinq. Ils sont cinq !

Ici.

Là, devant moi ! Juste devant moi !

— Bonne sève de Groschk ! soufflé-je malgré moi, fasciné.

Ma cervelle s'embrouille brièvement. Pêle-mêle, elle me jette un fatras de souvenirs, de rêves et de questions, avant de se focaliser sur l'écho précis d'un moment de mon passé.

— Maman... tu crois que je pourrais être un Héros, quand je serai grand ?

— Un Héros ? Elle est bonne ! Finis ton slupf au lieu de dire des bêtises.

— J'ai entendu les enfants du forgeron dire qu'ils allaient passer des tests dans une Forteresse pour devenir des Héros. Je pourrais le faire, moi aussi ?

— On en reparlera quand tu auras dix ans. Tais-toi et finis ton bol maintenant.

Sauf qu'elle ne l'a jamais fait. Elle n'a jamais tenu cette promesse. Elle n'en a jamais tenu aucune, d'ailleurs. Ma gorge se noue aux souvenirs des échos moqueurs de la voix de ma mère, de ses gestes toujours nerveux et brusques. Elle n'avait pas compris à l'époque combien mon désir de devenir Héros était sérieux.

Elle n'a jamais rien compris me concernant, de toute manière. Je repousse le mélange d'amertume et de douleur qui tente de s'installer en moi. Inutile de ressasser un passé qui ne peut être changé.

Ces Héros...

Qu'est-ce qu'ils font là ? À Grenzadiel ?!

Je m'approche d'un pas machinal, jusqu'à entendre leur échange avec les gardes. Voir ces héros ici ravive une flamme en moi, que je croyais éteinte à jamais. Devenir un Héros... Un rêve que je pensais définitivement rangé dans le placard des choses irréalisables. Un rêve de gosse.

Et je me sens aussi émerveillé qu'un gosse ! Que le gosse que j'ai été autrefois. Ce gosse qui rêvait de devenir Héros. Ce gosse qui, des années plus tard, a pu goûter à cette vie Héroïque le temps d'une mission avant de malheureusement retourner à la vie Druidique.

Ce gosse qui, à la place d'être présenté aux tests de la Forteresse, a dû fuir et devenir un paria. Ce gosse dont l'enfance s'est achevée beaucoup trop tôt. Ce gosse qui a cessé de rêver.

À cause du Maubolf.

—... nous laisser entrer au moins pour prendre un rendez-vous, non ? semble insister une Héroïne humaine (à son accent, elle est clairement Terremondienne).

— Non,je suis désolé, je peux pas vous laisser entrer comme ça, se désole le Garde avec une grimace gênée. Les prises de rendez-vous royaux doivent impérativement passer par les Magitaires du Dômairie Central. C'est là-bas !

L'Héroïne se tourne vers la direction pointée par le garde. Dans le mouvement, son regard accroche le mien pendant une seconde. Forcément, avec ma peau verte, je suis toujours celui qui attire l'attention dans une foule. Elle sourit, me lance un « bonjour ! » puis ses yeux se plissent amicalement avant de se porter au-delà de moi. Sa bouche se pince brièvement tandis qu'elle reporte son attention sur le garde. Sans réfléchir, je me rapproche de quelques pas. J'ai envie de leur parler, à ces Héros, de leur dire combien je les admire, combien je les envie... même si je ne suis pas certain d'oser ouvrir la bouche quand je serais devant eux ! Alors que je me triture la cervelle pour préparer une phrase qui ne sonnera pas trop stupide, la Terremondienne lance au garde :

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant