Chapitre 11.2

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— Godricor ! Soyez le bienvenu, s'exclame le Prince sans répondre à son demi-frère.

La bile s'invite à nouveau dans ma gorge tandis qu'Enguerran s'empresse autour du Centaure. Ce dernier lui jette à peine un coup d'œil avant de secouer ses poignets comme pour repousser un insecte, puis s'avance dans le jardin. Le Centaure est couvert de tant de pierreries et d'or que je me demande comment il peut se mouvoir sans s'écrouler sous leur poids. Paré des tissus les plus luxueux qui chatoient à chacun de ses gestes, le demi-baudenet marque une brève pause dramatique face à nous, avant de laisser son regard hautain planer sur l'assemblée.

S'il souhaitait prouver l'infatuation propre à son engeance, c'est gagné !

La pensée me fait grimacer avant que je me fige, lorsque son regard arrogant se pose sur notre petit groupe. Le bref sursaut qui soulève son énorme corps ne m'échappe pas. Pas plus que la lueur interdite qui s'allume dans ses prunelles équines. Quant à la brève grimace qui lui tord la bouche, elle éradique les doutes : il ne s'attendait pas à trouver une troupe de Héros avec le Roi, et cette découverte lui déplaît. Est-ce que je suis le seul à l'avoir remarqué ? Mon bref coup d'œil vers les autres Membres me porte à croire que oui. Peut-être parce que j'ai croisé trop de ses pairs par le passé pour me laisser berner par le sourire fier qu'il arbore désormais ? Peut-être parce que je suis à fleur de plumet d'être si proche d'un Centaure, et que je suis plus sensible à ses moindres mimiques ? Ou peut-être parce que l'animal en question est juste trop surpris pour la masquer complètement ?

Quant à la manière dont son regard se trouble puis se durcit lorsqu'il me voit... je comprends, avec un frisson glacé, qu'il m'a reconnu. Qu'il sait qui je suis. Une idée qui me perturbe tant que je finis par me détourner, la gorge nouée, pour reporter mon attention sur notre Souverain.

Notre Roi, visiblement pris de court par l'arrivée du Centaure, hésite à peine avant de recouvrer son assurance royale.

— Oui, soyez le bienvenu au palais, que...

— Eh ! Je le reconnais ! s'exclame Waane. C'est pas lui qui était à la taverne et qui a planté Zyn en plein milieu de...

Un regard de Zyn le coupe en pleine phrase. L'Humnain déglutit, tente de se rapetisser avant de se glisser derrière Kheog.

— J'étais en effet à cette taverne, énonce le Centaure d'un ton hautain, où j'ai honteusement subi une tentative d'embovinement de la part du Prince Zyniarold !

— Je suis pas Prince, réfute l'intéressé en croisant les bras. Je suis Audacieux.

— Embovinement ? Ça existe ? chuchote Waane derrière nous. C'est un vrai mot, ça ?

Je me retourne brièvement pour le dévisager. À son air à la fois perplexe et impressionné, je comprends que c'est sa première rencontre avec un Centaure. Quoi d'étonnant, en fait ? Les Centaures ne vont jamais dans les îles de Pierre ! Les paysages des territoires Nains sont trop escarpés pour leurs sabots. Je pourrais lui expliquer que l'arrogance des Centaures est telle, qu'ils se plaisent à réinventer la langue sans complexe. Ils jugent même la qualité d'un pair à sa facilité à créer les termes les plus alambiqués ; personnellement, je trouve juste cela stupide et pédant.

Après une brève seconde de réflexion, je reporte mon attention sur la scène devant moi. Si Waane n'est pas bête, il prendra vite la mesure des Centaures et comprendra donc tout seul les raisons de leurs errances sémantiques.

Le visage du Roi se chiffonne brièvement avant que son regard ennuyé aille de son fils rebelle au Centaure.

— Godricor, croyez que j'en suis désolé. Il est évident que notre Cour vous doit dédommagement pour...

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant