RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)

Chapitre 16.2

Un brouhaha bruyant valide la proposition de la Cheffe. Avec un nouveau sourire content, Tatialine attrape son strékidus pour l'éteindre et le ranger dans sa poche. Je crois que je commence à m'habituer au volettement silencieux de la mécanique, et à être capt'imagé en quasi-permanence.

— Maintenant que nous sommes seuls, tous les neuf, reprend-elle alors d'un ton plus doux en se plantant au milieu de la cuisine, j'aimerais vous remercier. Du fond du cœur. Merci d'avoir accepté de me suivre dans cette aventure.

Les échos des dernières plaisanteries et discussions s'estompent, chacun des membres se tourne vers elle. L'attention que je lis sur les visages détonne avec l'ambiance bon enfant et bruyante d'il y a quelques instants. Moi-même, je suis saisi par la gravité qui vibre dans la voix de Tatialine, à ses mots et aux émotions que j'y sens frémir.

Mes yeux se portent machinalement vers le Maubolf, juste à temps pour le voir ravaler une dénégation. Nul doute qu'il voulait rappeler ne pas avoir choisi d'être là, au lieu d'être happé comme nous autres par la nervosité croissante de notre Cheffe. Elle semble hésiter, chercher ses mots. Son visage se chiffonne une fois, deux fois avant qu'elle ne prenne une profonde inspiration en redressant les épaules. Puis, d'un ton qui manque de fermeté, elle reprend :

— J'ai... passé de très longues années à m'entraîner, à étudier, et à espérer le jour où je ferais partie d'une Team. Et chaque année, je voyais certains de mes amis de l'Académie être choisis ou au contraire rejetés. Eux partaient, et moi, je restais. Après quelque temps, j'étais juste... toute seule. Je suis seule... non : j'ai été seule pendant très longtemps, et c'était difficile de ne pas baisser les bras à mon tour. D'abandonner mon rêve, de rentrer chez moi. C'est dur de garder un cœur vaillant, quand ce cœur bat sans écho.

Elle pince les lèvres, le regard soudain humide et fuyant. Le silence qui écrase la pièce est étrange : plus complice qu'inconfortable, il me donne la sensation de nous lier les uns aux autres... et à elle, Tatialine. Ma gorge se noue, je lutte contre une envie de bouger, de briser l'inertie qui flotte et contre mon réflexe étrange d'aller rassurer la TerreMondienne. D'où me vient cette subite envie de lui prendre la main ?

Je suis étonné quand Célener traverse la cuisine pour presser gentiment les doigts de Tatialine. Voir la guerrière exprimer naturellement combien elle est émue par les mots de notre Cheffe me surprend. Voir la façon dont cette dernière s'illumine à ce contact me touche d'une manière qui me prend aux tripes.

— Pour être franche, en me donnant la possibilité de choisir ma Team, Jony Pello n'a pas seulement réalisé mon rêve le plus fou... il a donné à mon cœur huit nouvelles raisons de battre. Ça a été une telle joie de parcourir ce monde à votre recherche, de vous rencontrer un à un, de vous découvrir. Vous n'avez pas idée du bonheur que vous m'avez tous donné, en rejoignant la Team. Je sens, au fond de moi, que vous avez tous votre place ici, à mes côtés, aux côtés les uns des autres. Comme... une famille de cœur et... grâce à vous, je me sens... accomplie et complète !

Tatialine renifle assez peu élégamment. Malgré ses yeux de plus en plus humides, elle sourit largement, et serre plus fort la main de Célener, avant de prendre celle que lui tend Aelya. Le raclement des semelles de Waane est le seul bruit à déchirer le silence suspendu aux lèvres de Tatialine. L'Humnain se sert un verre de jus de citrutes, ses traits tirés par une tentative peu concluante de paraître indifférent, puis rejoint Kheog. Le second de Tatialine, quant à lui, semble hésiter entre une certaine exaltation et une réserve que je comprends.

— Vous avez tous tellement de potentiel ! s'exclame soudain la TerreMondienne d'une voix enrouée.

— Tellement d'imperfections, murmure Waane dans une tentative d'humour touchante.