Chapitre 6.1

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Ashog

— De base, je suis des Îles de Pierre. Mon père est un des Ambassadeurs du Cercle. Il vient souvent à Grenzadia, mais n'a jamais voulu m'emmener avec lui. Soi-disant que ce sont des voyages diplomatiques, et pas des séjours touristiques... Du coup, c'est la première fois que je visite la ville, et j'adore !

Waane est intarissable depuis que tout le groupe s'est éloigné de la Grande Porte en direction du Domairie Central. Même si ce n'est pas très loin à vol de dragonnet, traverser à pied les trois ponts de la vieille ville en pleine heure de pointe crépusculaire risque de prendre un peu de temps.

— Du coup, ça m'est arrivé plus d'une fois de voir les Anges Blancs à l'œuvre là-bas, pendant la crise de Roches Fendues. J'ai même dîné deux fois avec les 7CarrO, quand ils sont venus aider les Anges à combattre le Draconnet Farouche ! Tu imagines !?

Je réponds d'un sourire poli en lui coulant un regard en coin : Waane est mon opposé. Non seulement il parle sans cesse (il doit respirer par les oreilles, je ne l'ai pas vu reprendre son souffle une seule fois depuis plus de quinze minutes), mais il le fait d'une voix si enthousiaste qu'elle résonne au moins à vingt mètres autour de nous. Encore que je ne suis pas sûr que ce soit le volume, le ton énergique ou même le sujet de ses mots, qui soient la cause des regards curieux que les autres passants collent sur nous.

Il gesticule. Tout le temps. Chaque mot ou presque lui est bon pour un mouvement du bras, une petite danse amusée ou un geste des mains. Il ne tient pas en place. Il y a quelque chose d'attendrissant dans son exubérance.

— Crois-le ou non, ils sont super sympas, les 7CarrO, mais un peu réservés. Bon, je suis facilement intimidé moi aussi, du coup, on n'a pas vraiment discuté, mais c'est comme ça que j'ai su que je voulais devenir Héros, moi aussi. Logiquement, tu dois te demander pourquoi je ne suis pas entré à la Forteresse quand j'avais dix ans.

Non, pas vraiment. Enfin, pas autant qu'il doit se l'imaginer. Mais je le laisse parler, ça semble lui faire plaisir.

Notre petit groupe se déplace en une sorte de grappe étrange au fil des rues sinueuses de la vieille ville, fendant la foule avec la majesté bancale d'un vieux Sage claudicant. L'heure est au chassé-croisé habituel des jourmeils : les créatures diurnes dépeuplent les allées tandis que les nocturnales commencent à montrer leurs groins, museaux ou crocs. J'ai toujours été sensible à ces moments où la lumière chaude du soleil bascule doucement vers la fraîche opalescence jade de la Déesse Éternelle, où se croisent ceux qui rentrent se reposer, et ceux qui sortent pour exister.

Kim ouvre la voie d'un pas calme et assuré, chacun de ses mouvements exsudant une force tranquille.

Viennent ensuite Célener et Erval. La première laisse son regard enjoué courir sur les gens que nous croisons, sur les bâtiments et les étals, elle a des sourires pour tous, quelques mots et plaisanteries pour les plus jeunes. Le second reste timidement coi malgré les coups d'œil curieux qu'il glisse vers moi, le coin de ses lèvres relevé, mais le regard fuyant.

J'arrive ensuite sans bien savoir pourquoi je suis placé là... avec Waane qui gravite autour de moi comme une lunule exaltée et bruyante aux manières décomplexées et chaleureusement amicales. Enfin, Tatialine ferme la marche, trois pas derrière nous, nous enveloppant tous de sa présence silencieuse, mais bienveillante.

Plusieurs fois, je me suis tourné vers elle, étonné qu'elle ne se porte pas à notre niveau. J'ai même instinctivement ralenti à deux reprises pour me rapprocher d'elle, imaginant qu'elle aurait des questions à me poser, peut-être. Mais elle a ralenti pour rester en retrait, à chaque fois. J'aurais pourtant aimé discuter avec elle plus longuement que nous ne l'avons fait devant la Grande Porte.

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant