RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)

Chapitre 14.2

— Ne le répète surtout pas, mais je trouve qu'ils vont bien ensemble, moi : Danthéa est aussi ennuyeuse que lui.

Le rire d'Ulanéa me réchauffe le cœur et me donne le courage de continuer à avancer vers mon destin. Si je peux la garder près de moi, j'arriverai à surmonter cette incorporation forcée... jusqu'à m'enfuir. Je n'ai pas abandonné mes envies d'évasion, je les ai juste remises à plus tard. Avant de retenter quoi que ce soit, je dois résoudre le problème épineux que me pose la présence de la vampire.

— Moi aussi, je veux quelqu'un qui me soit assorti ! Je souhaite épouser une personne aventureuse, courageuse et qui n'a pas froid aux yeux !

— Je croyais que le mariage te rebutait.

L'étincelle d'Ulanéa vacille, et avec elle le peu de motivation que j'avais retrouvé. Nous nous arrêtons encore, ce qui fait rouspéter les valets derrière nous. Je crois même entendre celui de gauche marmonner un « à ce rythme, on y sera encore demain ! ».

— Et il me rebute toujours, seulement, je ne peux pas tenir tête à Mère indéfiniment. Tu la connais... « Ulanéa, tu as vingt-trois ans, tu es une princesse, il est grand temps de te fiancer ! Si tu tardes trop, il ne te restera que la voie diplomatique, ce serait fort triste pour une aussi belle jeune femme que toi. »

— Il y a tout de même une chose merveilleuse à avoir eu une enfance aussi nulle que la mienne, c'est que j'ai lu. Beaucoup. Énormément, et pas toujours les livres que j'aurais voulus. Et au fil de mes lectures, j'ai lu les recueils de lois Kobolds. Savais-tu qu'un parent ne peut forcer un de ses descendants à se marier si un de leur aîné ne l'est pas ?

Les yeux de ma sœur s'écarquillent tandis que la joie pare ses traits.

— Et comme tu n'as pas l'intention de te lier à qui que ce soit un jour et que Mère ne te forcera jamais puisque tu as déjà une âme-coeur... poursuit-elle pour moi. Je suis tranquille ! Oh, Zyn, je suis si heureuse de l'apprendre !! Ça me laisse bien plus de temps pour mes projets de voyage ! Tu vois qu'Ashog est utile à quelque chose !

Je me renfrogne et me crispe. C'est là le seul mérite que je lui concéderai jamais. Pour le reste, il n'a que sa beauté et ses talents de Druide pour lui. Sa personnalité s'avère exécrable, sa compagnie détestable et...

Et c'est un chat qui a le vertige. Je me demandais aussi pourquoi il avait choisi de venir vivre à Grenzadia au lieu d'aller s'enterrer chez les siens, mais c'est parce qu'il a le vertige ! Pas possible d'habiter dans les maiséchelles des Chats-garous, et pas possible non plus de franchir les Montagnes pour rejoindre les autres crurrottes dégénérées. C'est drôle, quand on y pense, et...

— Dame Lune te parle ? demande subitement Ulanéa. Parce que je t'ai posé une question, mais tu es... dans la Lune. Et j'ai beau tirer sur ton bras, ta seule réaction c'est de glousser tout seul. Elle te dit quoi ?

Sa manière de me scruter ne fait aucun doute : elle demandera jusqu'à avoir une réponse.

— Commençons par avancer, dis-je pour gagner un peu de temps.

Des soupirs de soulagement s'élèvent dans notre dos, et je reprends la marche le plus lentement possible, pour parcourir la distance qui me sépare du dormoir le moins rapidement possible.

La Forteresse des Héros nous surplombe, immense et altière. Écrasante. Tant par ses épaisses fortifications que par sa signification. Imprenable de l'extérieur, infranchissable de l'intérieur. Contre son flanc gauche, ce que mes sœurs et moi avons toujours appelé « la dépendance », mais que les TerreMondiens nomment : « le Dormoir ». Un petit bâtiment dont l'architecture est un mélange du palais et des fermes fortifiées que l'on trouve dans tout Grenzadiel. Des toits pentus aux tuiles bleues. Des colombages ouvragés sur des murs blancs solides et protecteurs. Quelques modestes balcons. Un préau agréable agrémenté d'un banc et la même muraille basse qui entoure le terrain d'entraînement des gardes. Il y a même un herbotager, si j'en crois les pousses semblables à des feuilles de crurrottes et les énormes feuilles de mentheriane qui s'épanouissent au milieu de la pelouse.