Chapitre 1.2

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— Merci, soufflé-je malgré tout sous le regard perplexe d'une garde au brassard d'un rouge rutilant.

Manquait plus que ça.

Elle n'est pas méchante et même plutôt sympathique en dehors de ses heures de travail, mais là, c'est la Capitaine en charge de la sécurité du Quartier. Une Capitaine qui connaît ma propension à subtiliser tout ce qui est petit et brillant et qui n'hésite pas à tout rapporter aux gardes du palais. Sa main se crispe sur la garde de son sabre, elle étudie un instant le centaure à mes côtés avant de secouer la tête. 

Elle n'est pas dupe de la situation, mais n'interviendra pas. Pour le moment en tout cas : elle n'a pas le droit de pénétrer dans les établissements privés si personne ne le lui demande. Je lui grimace un sourire innocent avant de pousser la porte richement décorée de l'Auberge. J'ai tout juste le temps de la voir se pincer le nez et tourner les talons avant que le battant ne se referme.

L'ambiance feutrée et intimiste des lieux m'enveloppe. Ici, les bruits de la rue ne sont plus qu'un souvenir. Personne ne crie, tout le monde chuchote et au contraire des tavernes des quartiers populaires, personne ne titube à cause de l'alcool ni ne se querelle.

Les clients sont attablés dans des alcôves qui dissimulent leur identité. Quelques-uns se contentent de rester au comptoir. Des personnes de passages qui ne logent pas ici, j'imagine.

Le centaure esquisse un geste de la main à l'intention du tavernier qui se dépêche d'envoyer un de ses serveurs auprès de nous. Quelques clients se retournent... et je me fige, le cœur soudain battant.

Si la Capitaine ne peut rien contre moi, ce n'est pas le cas des trois individus qui me dévisagent d'un air curieux. Le médaillon qui pend à leur cou me retourne les tripes. Orange pour deux d'entre eux. Orange et bleu pour la troisième.

Des Héros. À Grenzadia. Un groupe de Héros totalement inconnus au bataillon.

Il n'y a que deux troupes de Héros qui crapahutent sur notre planète (plutôt sur le continent voisin d'ailleurs, celui d'où les Centaures, les Vampires et les faes sont natifs... pas étonnant que les Vampires aient fui les deux autres), et ceux-là ne font partie d'aucune d'elles.

En plus, ils viennent jamais à Grenzadiel, sauf pour des cérémonies. La prochaine est dans trois semaines, alors c'est qui ceux-là ?

Deux d'entre eux sont Grenzadiens. La troisième vient d'ailleurs. Ses habits. Sa manière de me regarder avec un émerveillement curieux. Son accent quand elle parle.

Elle vient de là-bas. Terremonde. Fait-elle partie des deux Héros arrivés par la Forteresse, il y a trois mois ? Leur venue a fait grand bruit dans les couloirs du palais, mais je crois qu'ils sont immédiatement partis de la ville. Je ne sais plus : ça ne m'intéressait pas.

Si la visite de la Forteresse avait été autorisée, j'aurais accordé de l'intérêt à l'évènement, mais seuls les Héros ont le droit de pénétrer là-bas. J'ai entendu dire que ce que l'on y trouve est si différent de notre monde, que les rares témoins en sont devenus fous.

Une fois par an, les enfants de neuf à onze ans peuvent se rendre dans les Domairies de leur Capitale pour passer les examens d'entrée à l'Académie. Les rares élus à être reçus obtiennent le droit d'entamer leur formation à la Forteresse. En théorie. En pratique, presque plus personne ne passe ces examens depuis que le continent est en paix. La dernière fois que des Héros sont venus chercher un Apprenti, c'était il y a presque quinze ans. Un descendant d'Orc, si je me souviens bien, il y avait même eu une petite cérémonie pour son départ. 

Mère a tout fait pour que je suive cet exemple, mais non merci. La vie Héroïque n'est pas faire pour moi. 

Il existe un décret royal autorisant le Directeur de l'Académie (dont j'ai oublié le nom) à faire sa moisson en cas d'urgence, mais ce décret n'a été appliqué de mon vivant.

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant