Jaehae Peak ( 재해 Peak )

In the soup!

Il était midi mais il semblait faire nuit. La pluie tambourinait sur les vitres du jardin d’hiver du refuge, Namjoon et Yoongi, dans les sabots mis à la disposition des randonneurs, dégoulinaient. Ils écoutaient M. Paek, le gardien, leur annoncer posément «qu’à priori, c’était plein mais qu’un groupe n’avait pas confirmé leur venue». Ils devaient patienter jusqu’à dix-huit heures, heure ordinaire où les derniers randonneurs arrivaient dans les refuges. En attendant, ils avaient accès aux douches, et pouvaient faire sécher leurs affaires.

Yoongi regarda par-dessus son épaule les cabines extérieures, du moins leurs silhouettes noyées sous les trombes d’eau, presque masquées par les pins qui ployaient sous l’averse. Un frisson lui parcourut l’échine à l’idée de traverser encore le déluge, et il se dit qu’il préférait encore sentir le fennec.

Namjoon remercia chaleureusement l’homme entre deux âges qui vaquait déjà à ses occupations tout en leur criant qu’ils pouvaient se joindre à lui, d’ici une heure, pour déjeuner, à condition de mettre la main à la pâte.

— Je rêve d’une bonne douche chaude, supplia presque Namjoon, devinant la réticence de Yoongi.

— En général, dans les refuges, t’as au mieux de l’eau tempérée, le corrigea Yoongi tout en retirant son bonnet qu’il comptait bien essorer avant d’entrer dans la maison.

— Vous pouvez utiliser celle de ma chambre ! hurla M. Paek depuis la cuisine.

Namjoon écarquilla les yeux, haussa les sourcils, et murmura : 

— Il a une sacrée ouïe ! Ça ne doit pas être drôle pour lui toutes les nuits… 

Un sourire de contentement barrait déjà le visage de Yoongi. Dans ces conditions, il n’avait absolument rien contre une bonne douche.

— Les gars, traînez pas sous la douche, hein ! L’eau chaude est limitée ici ! les apostropha-t-il de nouveau. A l’étage, porte de droite ! A gauche, c’est ma chambre et le grenier !

Moins de deux heures auparavant, ils avaient marché, hébétés, jusqu’à la table de pique-nique abritée dont Yoongi avait parlé plus tôt. Yoongi grelottait malgré lui, de froid, et peut-être d’un reliquat de peur. Namjoon avait frictionné le dos et les épaules de Yoongi mais l’humidité de la veste avait traversé les couches de vêtements, et le geste d’empathie qui devait donner un peu de chaleur avait eu, vous le devinez, tout l’effet inverse. Yoongi avait eu plus froid encore. Namjoon n’avait pas été en reste mais avait tenté de faire bonne figure retenant, tant bien que mal, les plaintes et les récriminations. Ses lèvres bleuies, son cou rentré dans les épaules, l’avaient trahi. Yoongi avait nerveusement tourné son téléphone entre ses mains. Ils n’y avaient toujours aucun réseau et le ciel ne semblait pas vouloir se dégager de sitôt.

— Tu te sens de marcher une bonne heure sous cette averse ? avait-il demandé sans préambule à Namjoon.

C’est ainsi qu’ils s’étaient de nouveau retrouvés à caracoler sur les sentiers rendus glissants par endroit pour rejoindre un refuge, quelques centaines de mètres plus haut, qui n’était pas sur leur itinéraire.

Il aurait fallu prévenir le gardien et réserver sa place. Toutefois, dans l’urgence, Yoongi avait conclu que c’était ce qu’il y avait de plus raisonnable pour eux deux. Namjoon était un bon marcheur, fier et volontaire. Malgré la difficulté, il n’avait pas ralenti la marche.

Ils s’étaient présentés peu avant midi, penauds et grelottants. L’accueil avait été chaleureux bien qu’un peu expéditif. Yoongi avait été reconnaissant que M. Paek ne fasse aucune allusion à sa précédente visite et se contente de leur ouvrir sa porte avec bonhomie.