Chapitre 17 : Euphémia

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Aux dernières lueurs du soleil, deux jours avant la Phéotique du solstice d'hiver, Euphémia, grande juge Hag invoquait ses sœurs dans son petit salon.

La première, une grande brune à la peau d'ébène et aux larges épaules apparut confortablement installée dans le fauteuil de velours vert d'eau, emportant avec elle un doux parfum de cannelle.

La deuxième ondula dans le grand miroir aux contours boisés, accroché au mur face au bureau. Sa grande tresse dorée se déposa sur le rebord, faisant onduler la réflexion comme la surface d'un lac.

La troisième sortit de l'ombre de la porte, ses yeux soulignés de noir à demi-clos, des filaments argentés se mêlaient à sa tignasse noire aux boucles serrées et une forte odeur d'épice la suivit.

-Mes sœurs ! clama Euphemia en s'installant derrière son bureau et présidant ainsi la réunion improvisée. Si je vous ai sommé, ce soir, c'est pour vous annoncer une grande nouvelle.

Elle marqua une pause tout en gardant un sourire souligné de rouge à lèvre écarlate.

La Hag à la peau d'ébène fut la première à rompre le silence.

-Qu'as-tu tant besoin de nous dire pour nous invoquer à deux jours de la Phéotique ? nous avons aussi des préparatifs de notre côté.

-Ma fille a à peine finit ma tenue pour son passage, se plaignit celle aux yeux bridés.

-Sa tenue tu veux dire, la reprit la blonde du miroir.

-Non, la mienne. Je suis juge. Sa robe ne fera pas d'elle le centre de l'attention, elle n'en aura pas besoin. Elle captera tous les regards grâce à sa prestigieuse présentation.

-Tu devrais surtout la laisser réviser tranquille, repris la blonde.

-Nous ne sommes pas là pour papoter mode, très chères, les interrompit leur hôte, levant la main devant la bouche ouverte prête à répliquer de sa consœur.

-Nous papotons enfants, mon amie, sourit la quatrième en s'enfonçant dans le fauteuil. Où en est ta fille d'ailleurs ? Shae c'est ça ? aux dernières nouvelles, elle prenait du retard en classes.

-Un sacré retard, renchérirent les deux autres.

Le regard vert sapin -identique à celui de sa fille- s'enflamma. Un halo de sang l'entoura pendant un instant. Juste assez pour que l'odeur âcre emplisse la pièce.

Elle inspira profondément et se leva pour ouvrir la fenêtre, entre le miroir et le fauteuil. Ses sœurs Hag ne dirent rien. C'était comme une tradition de se lancer des pics chez les détenteurs de magie. Mais le sujet de la dernière de la classe était sensible aux oreilles de la plus puissante Hag d'Europe.

Celle-ci balaya l'air d'une main en affichant un regard neutre sur ses invités.

-On ne peut plus respirer avec tous ces mélanges d'aura.

Sa remarque déclencha de petits rires et détendit l'atmosphère. Elle s'installa à demi-assise sur son bureau, décalant le portrait de sa fille.

-Maintenant, laissez-moi vous présenter le sacrifice de cette fructueuse année.

-Gloire à Emer ! clamèrent-elles en chœur.

-J'ai dégotté le parfait témoignage de renouveau et de richesse que ce monde puisse apporter.

Elle présenta sa main, paume face au plafond et l'ouvrit sur une flamme dansante.

Les trois Hag se penchèrent pour mieux voir ce que l'illusion représentait. A l'intérieur, flottait le corps inanimé d'un jeune homme, âgé peut-être d'une vingtaine d'année, ses cheveux courts très clairs tombaient sur ses yeux éteints, son corps musclés comme suspendu par des fils invisibles.

-Je vous présente l'élémental métal.

Les yeux des Hags s'illuminèrent d'envie tandis que le cristal d'élément apparaissait nettement à travers sa poitrine.

∞∞∞ ∞∞

A l'aube du vingtième jour du dernier mois de l'année, Arduinna relevait la tête de son clavier pour la dixième fois depuis le début de cette aventure. Elle se massa la joue en cherchant l'origine du bruit qui l'avait réveillé. Ash entra alors dans son bureau avec un sourire inhabituel qui s'estompa vite en voyant les lettres imprimées sur la joue de la brune.

-Je te réveille ? je ne voulais pas, excuse-moi. Je peux repasser plus tard.

Il fit demi-tour.

-Non. Reste.

Elle se recoiffa et se dirigea vers la machine à café.

-Qu'est-ce qui te prend tant d'énergie ? ce doit être la troisième fois que tu dors ici. A moins que tu n'aies plus de logement, dans ce cas je peux te dépanner, tu sais.

-Non, ce n'est pas ça. Je travaille sur un projet parallèle avec Shadow.

Ash releva un sourcil.

-Tu ne peux pas t'empêcher de faire plusieurs choses en même temps toi, la taquina-t-il.

-C'est une affaire plutôt importante, se justifia-t-elle.

-Et tu vas me mettre dans la confidence ou je dois changer de sujet ?

Arduinna hésita, ils auraient besoin de toute l'aide qu'ils pourraient trouver, Shadow et elle. Et ce dernier répétait assez qu'il était très occupé avec son travail.

-Soit.

Elle alluma son ordinateur et lui présenta les photos du mail de son complice.

-Ces trois personnes ont disparues sans laisser de trace. Et cinq autres au cours des six derniers mois. Bien sûr, on a du mal à démêler les disparitions humaines des non-humaines. Mais la liste s'allonge à mesure qu'on remonte dans le temps

-C'est étonnant que Loptr ne nous ait pas mis sur cette affaire.

-En effet. Et non je ne lui en ai pas parlé, ajouta-t-elle en devinant sa prochaine question. Je voulais d'abord en savoir plus sur le sujet. Puis Shadow s'en est mêlé et c'est devenu « secret » (elle fit le geste des guillemets).

-Je vois, murmura le grand blond en fixant les images sur l'écran. Je peux faire un tour sur le terrain, si tu le souhaite.

-Je ne veux pas t'impliquer...

-Tu ne le fais pas, la coupa-t-il en affichant un visage amical. Je m'implique moi-même dans cette affaire. Et je pense qu'il faudrait enquêter sur place pour en apprendre davantage.

Arduinna leva une main en signe de reddition.

-Je t'imprime tout ça.

-Ho ! j'allais oublier. (Il posa une pochette plastifiée devant elle) La liste des nouvelles recrues lue et approuvée ! ils arrivent pour le début d'année. Comme Loptr l'a demandé, il y a des mutants, des loups-garous, vampires et même des élémentaux. On dirait qu'il sait où chercher. Moi-même, je n'avais jamais entendu parler d'eux.

-Des élémentaux, ... nous n'aurons jamais été aussi nombreux réunis.

-Notre groupe prend de l'ampleur, plus vite qu'on ne l'aurait cru.

Les élémentaux - Acte 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant