XIV : Mon ami.

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Deux jours... non, trois pour être plus exacte, sont passés. J'ai dormi toute la journée qui a suivi sa... et après, j'alternais entre des épisodes éveillés et des épisodes endormis. C'est comme si je faisais des micro nuits de sommeil en quelques heures, deux/trois, pour ensuite rester éveillée pendant... aller, quatre/cinq heures ? Peut-être moins parfois, mais ça restait assez déstabilisant mine de rien. J'ai l'impression que le temps passait beaucoup plus vite. En fait, j'ai carrément perdu cette notion. Comme tout le reste au final. J'ai perdu la notion de temps, l'appétit, l'envie d'écouter de la musique, de dessiner... Tout ce que je faisais il y a encore quelques jours ne me donne plus du tout envie. Je n'ai envie de rien.

J'ai perdu tous mes repères avec elle. C'est comme si j'étais morte avec elle ce jour-là.

Je ne cesse de revoir cette scène se produire encore et encore. Ça ne veut pas s'arrêter. C'est comme un film muet, en noir et blanc. Je revois son visage apeuré, ses yeux confus, alors que tout se bousculait entre les révélations et les paroles blessantes. Je revois son corps se fait traîner sur le sol, avant de se redresser pour ensuite monter sur le rebord de fenêtre sans m'adresser le moindre regard... Je revois le visage d'Ikari, son regard, son sourire, et ça me donne des frissons de peur mais pas que. Je sens quelque chose gonfler en moi, quelque chose prêt à éclater... mais ça ne veut pas se rompre. Dès que c'est sur le point de se faire, tout s'évanouit et je me sens morte de fatigue, alors je me laisse sombrer. C'est tellement plus facile de faire comme ça, de juste se laisser aller dans le noir, dans le vide, et tout oublier.

Enfin, c'est ce qu'une grande partie de moi se dit. Mais une plus petite persiste à exister malgré tout, à se faire entendre, à ne pas me laisser m'abandonner et me laisser aller complètement. Cette petite partie de moi me dit de ne pas abandonner. Qu'un héros ne se laisse jamais aller, qu'il se relève toujours quand on l'envoie au sol, qu'il va toujours de l'avant malgré qu'on l'envoie dans les cordes. Mais cette partie de moi a beau dire, je me sens incapable de faire quoique ce soit dans mon état. Je reste impuissante face à tout ça, et n'aies plus la force de faire la moindre petite action simple. J'en ai marre de me battre, je me sens fatiguée, épuisée, et j'ai mal. Je souffre comme jamais auparavant, et j'ai déjà tellement morflé que je n'ai même plus de larmes pour pleurer. J'ai tellement pleuré depuis que j'ai repris connaissance après le drame... je ne m'arrêtais plus. Gojo ne savait pas quoi faire, il était même débordé par les événements. Pourtant, il est resté auprès de moi à écouter ma peine et mon chagrin, mon désespoir et ma douleur s'exprimer en chœur. Ça devait être horrible...

Il n'est arrivé que depuis quelques jours, on a passé de bons moments mais... ça reste un inconnu malgré tout. Je ne le connais pas, je ne sais que ce qu'il veut bien me raconter de lui. Et même à ce stade, j'ai l'impression que je ne connais rien à son sujet. Je crois que je ne veux rien connaître. Si je commence... je vais m'attacher. J'ai déjà commencé malgré moi, mais parce que je me sentais si seule et si triste avec... elle à l'hôpital... Mais je ne veux plus. Je ne veux plus m'attacher, je ne veux plus confier mes sentiments à qui que ce soit, je ne veux plus affectionner quelqu'un, ça fait trop mal, c'est trop douloureux... Je ne veux pas retraverser ça.

Je passe une main sur mon visage, le frottant. Le bout de mes doigts passent sur le tracé des cernes et des marques laissées par l'oreiller. Puis je redresse la tête et regarde par la fenêtre de ma chambre, un vent doux et frais s'infiltrant. J'inspire profondément avant d'expirer lentement, mes yeux observant le décor extérieur, la ville qui vit normalement, ignorant ce qu'il s'est passé, ou vivant avec sans que ça ne l'affecte. Je ne sais pas.

Ce qu'il s'est passé a forcément dut se répandre à travers les informations, les nouvelles, les réseaux... Tout le monde sait. Je ne m'attends pas à ce que le Japon tout entier fasse une veillée pour elle. C'est normal qu'ils vivent tous comme ils ont toujours vécu. Mais tout le monde sait qui je suis et c'est d'ailleurs pour ça qu'on me blâme, qu'on me reproche mon existence, ma présence ici... alors j'espère qu'au moins, tout ça s'arrêtera... Parce que si tout cela continue, en plus de ce que je traverse, du deuil que je dois faire, que je suis forcée de faire car c'est la seule chose que je peux faire, je ne pense pas que je le supporterai. Je ne suis pas du genre à mendier la pitié d'autrui, mais là, je la désire ardemment parce que ça m'apportera la paix. Je veux le calme, la paix, je veux être tranquille pour faire mon deuil et je veux qu'on reconnaisse, que tout le monde reconnaisse, que je suis la victime de tout ça, que je souffre plus que quiconque de ce qu'il se passe, et que ça fait 8 ans que j'endure ce calvaire qu'aucun enfant, adolescent, adulte ou vieillard, ne devrait vivre. C'est monstrueux. Je veux qu'on reconnaisse qu'on m'a jugé à tort et que ce que je vis, ce n'est pas ce que j'ai demandé. Je veux qu'on reconnaisse que ce qui est arrivé... ce n'est pas de mon fait. Je n'ai rien fais, je n'ai rien demandé... je n'ai fais que subir et malgré tous mes efforts, ça n'a servi à rien, ça s'est quand même produit.

Le Bien issu du Mal. {En cours}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant