Chapitre X

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Présent.


Selene est à mon bras. Je ne me souviens pas avoir accepté une telle invitation, mais je ne m'y oppose pas complétement non plus. Après tant de rejet, nous manquons toutes les deux horriblement d'affection et de contact humain. Cela s'est confirmé dès lors de notre première entrevue chez elle.

Cette approche physique me réconforte, bien que sur mes gardes, je me laisse emporter par la satisfaction que c'est de laisser tomber tous ces souvenirs, comme si nous n'étions rien de plus que de simples inconnues.

Nous marchons le long d'une petite rue étroite afin de rejoindre le premier bar qui nous tombe dessus. Je la laisse passer avant moi sans un mot tout en lâchant finalement son bras :

– T'es-tu radoucie, Naya ?, me provoque Selene.

Sa voix est suave, séductrice, cependant sa phrase sonne étrangement fausse, sous cette remarque se tapit un subtil compliment.

Je ne réponds pas. J'entre naturellement dans le bar, dissimulé dans une petite ruelle en pavé sombre, des lumières tamisées nous surplombent dès l'entrée.

Je suis difficilement Selene qui se familiarise déjà avec les lieux, se dirigeant vers le comptoir où elle doit probablement déjà commander une tequila.

– Et une deuxième pour ma dame, s'il vous plaît.

Je l'entends dire au barman alors qu'il s'affaire maintenant.

– Qu'as-tu décidé de me faire prendre ce soir ?

Elle tourne la tête afin de croiser mes iris.

– Si ce n'est moi..., blague-t-elle d'une voix sensuelle.

Je hausse les sourcils.

– Une téquila, reprend-elle sérieusement, presque vexée.

– Je ne suis pas ta pute, Selene.

Pleinement satisfaite, un sourire vicieux s'affiche sur ses commissures.

L'air de réfléchir, sa réponse est toute montée lorsqu'elle me demande :

– Combien penses-tu que tu vaux, Naya ?

– Je vaux ce que tu ne peux te permettre d'être.

– Qu'est-ce donc ?, elle apporte son verre à sa bouche et en boit une gorgée.

– Quelqu'un de libre.

Elle repousse son bras, réfléchis une seconde, puis, se ravise et boit sa liqueur d'une traite tandis que je la contemple.

Elle se tourne vers moi, une émotion brille inévitablement dans ses iris, voilà la Selene que je connais. Elle rassemble son lourd manteau et se dirige vers la sortie en laissant un billet giser sur le comptoir, pour nos deux boissons.

Je la suis à la volée. Lorsque nous passons la porte, sa voix est plus forte, plus puissante. Je pense même que celle-ci est emplie d'une haine qu'elle me réserve, mais qu'elle n'ose s'avouer tant elle tient à moi.

Toi et moi, nous avons beaucoup de réputation.

Soudainement hilare. Je ne peux contenir le dégoût qui me gagne face à la situation dans laquelle elle me met.

– Me comptes-tu simplement dans l'affaire parce que tu te consoles en te disant que je te suis redevable pour m'avoir sauté ?, est-ce à quoi tu penses Selene ? Dis-moi, est-ce que tu pensais toutes ces choses à propos de moi lorsque j'étais dans cette chambre d'hôtel avec toi ou est-ce que je ne suis qu'une simple salope pour toi ?

Elle lâche sa veste, la laissant tomber au sol et se dirige vers moi, furieuse. L'impact est direct, mon dos se plaque contre le mur derrière moi, ses paumes sont sur mes joues, mais ce n'est qu'aversion. Si forte qu'elle se dégoûte elle-même d'apprécier ma personne, ce qui est dérisoire, ça devrait être moi qui devrais me trouver monstrueuse de la laisser me condamner ainsi.

– Je ne te permets pas.

– Si tu ne me permets pas, qui permettras-tu, Selene.

Une pause.

– Dis-moi qui tu permettras, je chuchote entre ses lèvres, que je puisse voir son sang tacher mes paumes pour avoir touché à toi d'une manière que seul moi te fais ressentir.

– Tu ne tueras personne.

– Mais toi, si.

– Tu ne fais qu'amplifier ma rage. Tu vagabondes près de moi comme si j'étais quelque chose que tu devais posséder, comme si tu attendais de voir si j'allais céder sous la tentation.

– Tu as aimé me voir craquer, pourtant, pourquoi n'aurais-je pas ce même droit sur toi, à mon tour ?

– Ce n'était pas du plaisir, se défend-elle.

– Ah oui ? En es-tu certaine ? Néanmoins, ça en avait tout l'air et je suis certaine que Zayn aurait été d'accord si on avait pu le lui demander. N'est-ce pas ?

– Ce n'était pas du plaisir, répète-t-elle.

– Qu'était-ce donc ?

– Arrête..., chuchote-t-elle, sa voix parait si lointaine que je n'aurai pas discerné ses paroles si nous n'étions pas seules dans cette ruelle à une heure aussi tardive.

Sa voix se brise, ses yeux sont humides au point que je suis surprise par la culpabilité qui l'a gagné en si peu de temps. Il y a des choses qui n'ont jamais été dites et qu'ils ne le seront jamais, c'est mieux ainsi. Mais parfois, je me demande s'il y aura un jour où Selene me rendra visite, elle me parlera de Zayn et me permettra ainsi d'enfin faire mon deuil.

Les remords sont lourds, je les vois se mouver en elle tandis qu'elle essaye tant bien que mal de nager dans la pataugeoire qu'est sa vie actuelle. J'ai bien conscience qu'elle est brisée, mais elle m'a également touchée par la même occasion. Et je ne peux guérir Selene si je ne suis pas moi-même stable et prête à m'en remettre.

– Je veux t'appartenir, m'avoue-t-elle, son visage déchu me fait face.

Il se fait tard, je ne compte pas m'aventurer dans les rues de New-York toute seule à une heure pareille.

– Ce n'est qu'aversion, je laisse planer pour toutes réponses.

La lumière de ses pupilles change, elle en ressort que trop blessée, mais je ne peux accepter son invitation.

Je pourrais la regarder et lui dire que tout ira mieux, que lorsque nos corps se payent notre tête avec passion nous n'aurons plus ce sentiment d'être deux femmes déchues avec l'envie de nous arracher avec vivacité. Mais cette condition ne sera jamais plus comme jadis.

Au lieu de quoi, je m'approche d'elle, ramasse sa veste encore au sol, la dépoussière d'un coup de main puis me mets sur la pointe des pieds et l'embrasse avec compassion sur le front avant de m'en aller, la laissant seule dans cette ruelle, derrière moi.

Là, dans la nuit, je souris, je souris, car elle était ce qu'il me fallait, il y a un temps peut-être, mais aujourd'hui, elle n'est que débris dans mes souvenirs. Bien que présente et accueillante, je ne peux désormais plus me cacher sous les remords.

Je ne peux plus me voiler la face sur l'affection nuisible que nous nous réservons toutes deux. Si bon et corrupteur à la fois, il se débat en moi comme une rédemption et une condamnation profonde avant que je me souvienne que les abysses de la rédemption, ont déjà été habités par nos esprits respectifs avant de ne s'abâtardir mutuellement.

Blow That Out ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant