Chapitre VII

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Sept ans plus tôt.


Le décolleté plongeant noir habillé d'une jupe de plume est comme un linge collé à ma peau. Doux et fluide, cette tenue me permet tous mouvements.

— Tu sors souvent ?, je demande à notre invitée lorsqu'elle commande deux verres au bar pour la seconde fois, déjà, de la soirée.

Les fuseaux lumineux font ressortir la sueur qui luit sur les épaules dénudées de cette dernière. Intriguée par l'énorme sourire qui scille son visage silencieux, je m'avance pour prendre mon verre entre les doigts que le barman vient de déposer sur l'énorme comptoir. Je n'ai pas l'habitude de venir dans de tels endroits, raffinés et bien attribut de l'argent. Un gigantesque piano noir trône sur une plateforme surélevé, une femme aux cheveux frisés, cette dernière fait glisser ses doigts sur ses touches alors qu'une harmonie éblouissante en ressort. Le public, tout autant séduit que moi, s'est tue dès lors qu'elle a docilement raclé sa gorge dans le micro et qu'elle a ajouté sa voix mélodieuse à la rythmique de sa mélodie, mélancolique : il se fond parfaitement avec sa voix cristalline.

Les auditeurs sont concentrés à l'unisson sur cette femme. Je suis moi-même happé par sa performance qui me trouble autant qu'elle me fait ressentir. La lumière n'illumine personne d'autre qu'elle, elle semble chanter comme si elle se retrouvait seule face au monde : aucun homme ne la rejoins, aucune femme non plus.

Je me retourne vers Sélène qui, les yeux pétillants, à l'air de n'avoir jamais entendu une chose pareille se produire.

– Peut-on rencontrer l'artiste après son passage sur scène ?, je lui demande en murmurant pour ne pas déconcentrer les autres dans leur écoute.

***

Nous avons continué de siroter nos boissons respectives tout en écoutant admirativement la performance de cette chanteuse et compositrice.

Alors qu'elle salut la salle avec reconnaissance et qu'elle s'extirpe ensuite par l'arrière en écartant les rideaux, je me faufile jusqu'au fond du bar avec Sélène sur mes pas. J'ai besoin de la rencontrer, je suis littéralement fasciné par l'engouement qu'elle a su montrer.

J'aperçois une masse de cheveux frisés, habillé d'un teint noisette qui lui va à ravir dans cet ensemble blanc qu'elle porte. En pleine conversation avec un homme qui doit faire partie du personnel du bar, elle dépose son micro dans ses paumes et lui sourit.

Sélène regarde les alentours, découvrant l'envers du décor d'une chanteuse alors que je m'avance doucement vers l'artiste, connaissant tous les outils qui se trouvent ici en loge.

– Bonsoir, je déclare.

Elle se retourne afin de me faire face, son grand sourire me fait retomber mes épaules, je suis détendu. Je sais qu'elle fait partie de la même famille que moi, j'ai l'impression de connaitre cette chanteuse même si je viens de la rencontrer.

– Bonsoir !, se présente-t-elle aimablement.

Je n'hésite pas une seconde avant de lui poser la question pour laquelle je suis initialement venue à sa rencontre.

– Comment faites-vous pour ainsi séduire autant vos auditeurs sur vos compositions ?

Elle nourrit un certain envoutement en moi, je ne me suis jamais sentie autant à ma place. Une femme qui chante seule, non seulement n'est-elle pas assouvie d'un homme, mais elle attire aussi autant les regards qu'un homme séduisant le ferait. Comme si sous ses belles courbes et sa belle voix se cachait un homme aux idéologies féminines. Mais elle n'est pas de la gent masculine, non, elle est une femme noire reconnue par un public grâce à sa voix et les touches qu'elle touche. Elle ensorcelle son audience, les fait ressentir ce qu'elle veut.

Elle sourit de toutes ses dents avant de répondre très sincèrement :

– Les œuvres musicales, quels quelles soit, ont une structure expressive suffisamment puissante pour imposer des états émotionnels communs à un grand nombre d'auditeurs. La musique peut mettre à l'unisson émotionnel une foule entière. Ce pouvoir lui confère une force de cohésion sociale essentielle dans la plupart des cultures du monde.

Ses paroles me firent échos, je crois que j'avais besoin qu'on me dise que les auditeurs étaient notre si nous les convainquions assez que nous étions celles qu'ils devraient écouter. Ce n'était pas simple de croire en votre potentiel lorsque vous étiez seule à le nourrir malgré les tourments que les autres vous injuriez par faiblesse.

Je souriais et baissais la tête, quelque peu gênée, même si elle ne le savait pas, cette chanteuse venait de faire naitre une certaine confiance en moi. Un bout d'une nouvelle chose, qui, je sentais, aller grandir au fils du temps, des années peut-être, mais peu m'importais...

La brune remonte des lunettes à verres carrés orangés sur son nez puis me rend mon sourire, elle me gratifia d'un regard que je crois, je n'oublierai jamais la flamme vivace qui y logeait.

Celle de chanter comme si la scène était notre échappatoire. Je connaissais ce sentiment. L'exécutoire des vibrations me donnait l'impression d'un vestige sur mes cordes vocales. La chanteuse glisse une carte dans ma poche, je regarde devant moi pour éviter de ne faire trop apparaitre mon excitation fasse à sa curiosité envers moi alors qu'elle se dirige vers la sortie arrière.

Sélène, qui était restée à mes côtés jusqu'à maintenant, me propose de rentrer à l'hôtel, ce que j'accepte tout de suite. L'alcool qu'elle a ingurgité doit lui monter au cerveau, et je ne veux pas avoir à lui tenir ses cheveux au-dessus d'une cuvette de toilette alors qu'elle rejetterait la moitié de la somme dépensée durant notre sortie. En plus, nous nous ferions surement réprimander puisque nous aurions osé salir les toilettes fortunées de quelqu'un d'ici, ce que je n'avais pas spécialement envie de faire. Sélène ne pouvait se mettre cette faute que sur son dos à elle si jamais ça venait à lui arriver.

Nous prîmes un taxi pour rentrer lorsque nous sortîmes du bar qui devenait étouffant.

Blow That Out ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant