Chapitre IX

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Sept ans plus tôt.


– De quoi penses-tu que tu auras l'air, balance Zayn, je dis simplement que tu pourrais y réfléchir encore Naya, il finit sur le ton d'une défaite.

Je reconsidère cette éventualité, j'adore Zayn, tout aussi bien que cette femme, même si je ne l'ai rencontré qu'hier, peut-être bien que ce n'est que de la fascination, une idole ou que sais-je d'autre comme connerie. Pourtant, je ne peux m'empêcher de nous imaginer, tous sur scène et Sélène, prenant des clichés de notre réussite subite à l'aide de la notoriété que l'on aurait gagnée grâce à cette dernière. Lorsque je repense à elle, ses cheveux frisés et son style vestimentaire un petit peu trop osé pour les Parisiens, une audace en ressort, cette influence me pousse à croire que je peux agir de la même manière, peu importe si ça plait ou non parce que c'est ce que les gens aiment : les célébrités hors normes, qui défit les codes de la société parce que ça fait des ragots.

Zayn n'a cependant pas tort sur toute la ligne, je devrais peut-être y réfléchir avant de m'emballer de la sorte. Certes, ils adorent pourquoi, se gorger d'histoires folles pour les recracher par la suite, mais si un surplus est présent, cela entrainera notre perte.

Voilà notre dilemme, gagner en notoriété ainsi qu'un nouveau membre pour rendre notre auditoire plus facilement influençable ou la perte complète du respect que nous tenons en poussant la chose à souhait. Le choix est vite fait, perdre le groupe me serait fatal, mais une part de moi, une infime partie, me chante à l'oreille que sa personne a plus de potentiel que nous le croyons, malgré sa personne.

Je triture le carton dissimulé dans la poche de la veste en cuir rouge que je porte alors que Zayn tourne en rond dans sa chambre d'hôtel de l'autre côté du lit.

– Et si on se la jouait coup fatal ?, je veux dire, nous avons assez d'argent maintenant pour ne plus jouer en groupe alors...

– Tu veux dire, nous deux, chacun de notre côté ? C'est ça que tu n'oses pas me dire Naya ?

Déboussolée, je ne sais que répondre. Il faut me rendre à l'évidence, bien sûr que j'ai déjà envisagé cette possibilité... Sans trop la concrétiser. Jouer sur scène avec cette femme serait peut-être pour moi l'occasion d'en finir avec le fit que je ne suis pas celle mise en avant même si je suis celle qui use de ses cordes vocales. Ces dernières sont fatiguées de ne créer que des mélodies exclusivement avec un homme.

– Je, oui... Enfin, non..., je fronce les sourcils.

Mes doigts bougent plus vite autour du carton, tout en moi se confond.

– Je... On en reparle demain, veux-tu ?

Une pression se fait ressentir sur mon index, il glisse et je le ressors de ma poche, du sang en coule alors qu'une entaille s'est créé.

Zayn accourt presque vers moi, je crois d'abord qu'il va cherche la trousse de secours, mais ces mots sont tranchants alors qu'il s'inquiète :

– Comment tu vas pouvoir jouer si tu as un doigt en moins Naya ?, il s'affole.

Je fais mine de rien, mais cela me choque profondément. Sa réaction n'a rien d'un ami, pas du mien en tout cas.

Je retire absentèrent mon doigt de sa paume alors qu'il est sur le point de me le penser avec le premier tissu qu'il a su trouver. Surement sale, il le laisse retomber alors que je quitte la pièce furie bond et sans aucune explications.

Je regarde mon doigt, je respire puis je regarde à nouveau en face de moi afin de rejoindre ma chambre d'hôtel personnel, le couloir me paraît si long que j'en ai la nausée. Je dois guérir ma blessure moi-même est la seule pensée qui perdure dans mon esprit alors que j'avance machinalement en passant les lampes tamisées du couloir bordeaux sombre.

Une fois que je me retrouve dans ma chambre, le grand lit surplombe l'espace, j'entends l'eau de la douche couler. Selene prend sa douche et le kit de premiers soins est dans la même pièce, je m'assied donc sur le fauteuil dans le coin sombre de la chambre seulement illuminée par quelques faisceaux de lumières venant des lampes de chevet.

– Pourquoi voudrais-tu m'aider, nous n'avons que fait prendre un verre ensemble, mon sourcil se fronce. Je suis sceptique.

– Ne sois pas si débile, viens là.

Elle tapote le matelas de sa frêle main, je la rejoins tout de même. Épuisée, je me laisse presque tomber dans les draps.

Elle ne me regarde pas, mais je prête attention à elle : ses cheveux sont emmêlés après être sortis de la douche et de toutes petites taches de rousseurs — que son léger maquillage cache d'habitude — sont présentes sur ses joues et son nez, bien que très peu voyante.

Elle apporte mon doigt sur sa cuisse et commence à le traiter alors que je continue silencieusement ma contemplation.

Elle n'a jamais été aussi belle que dorénavant, là, dans le calme alors qu'elle triture mon doigt afin de le soigner. Elle réside, solide et concentrée, comme une sculpture damnée. J'aperçois comme une cicatrice âgée dans ses iris, quelque chose qui a encore de l'effet sur elle et qui ne tarde pas à laisser paraître une forme de tristesse sur son visage.

Bien que cela m'intéresse, je ne compte pas la questionner. Sa tête se relève, je baisse la mienne.

— La contemplation est un art d'observation. Tu n'as pas à t'inquiéter de me regarder, tout le monde le fait, après tout.

Rien n'a changé en elle, c'est troublant de la voir aussi sereine alors qu'elle souffrait intérieurement d'une telle manière il y a à peine quelques secondes.

Une pause.

— Tu n'es pas obligée de parler pour partager, je lui réponds finalement en chuchotant.

— Toi de même, elle soulève mon doigt à hauteur de son visage, tu n'as pas besoin de monologuer ce qu'il s'est passé.

— Oh ! Une petite griffure, ce n'est pas grand-chose...

J'agite mes mains, stressée qu'elle découvre la vérité. Un sourire débile se forme sur mes lèvres alors que son sourcil se relève légèrement. Elle m'attrape la main et la serre contre sa paume chaude.

— Le mensonge n'est pas bon allié lorsque tous ceux qui t'entourent sont brisés par cette société.

Déconcertée, j'ai soudainement peur qu'elle me lâche à son tour et que je ne me retrouve seule à nouveau. Je ne peux pas me résoudre à lâcher sa main, mes yeux commencent à être humides.

Selene approche son visage, je ferme les yeux, nos fronts se croisent et alors seulement, elle prend la parole :

— Ne te rabaisse pas aux niveaux de ceux qui t'ont lâché juste parce que tu veux effacer les souvenirs de ce que ça t'a coûté.

Une larme coule le long de ma joue. Ses mots réels, me percent. Jamais personne n'a su me dire quelque chose d'aussi vrai, d'aussi profond et doux à la fois. Se sentir compris n'était pas une chose que nous voulions directement, mais plutôt un sentiment abrupt qui nous libérait lorsque ça nous arrivait enfin après tant de mal.

Je rigole tout en laissant les larmes couler, je ne veux jamais sortir de cet apaisement que les paroles de Selene m'apportent avec autant de vérité. Subitement, je me sens moins seule. Avec elle, je me sens incomprise.

Sa paume vient se loger contre ma joue humide, entremêlé entre mes cheveux, je renifle difficilement alors que les coins de mes lèvres se relèvent. Je ne sais pas si ce geste est purement amical, mais je me ravise en me disant que oui, c'est purement amical. Alors, je place à mon tour mes doigts sur son visage chaud.

Blow That Out ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant