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LUCA


   Je me sens étrangement compressé. Encore plus étrange, je ne roule plus. Mes pieds ont beau être enfoncés contre la pédale, rien ne fonctionne. Lorsque j'ouvre enfin mes paupières, je réalise ce qui s'est passé. La voiture est passée par-dessus le pont et nous sommes désormais sous l'eau. Mes paupières faiblissent alors qu'elles se sont ouvertes il n'y a que quelques secondes.

    Ava. Je me tourne aussitôt vers elle ; je la trouve inconsciente, la ceinture sciant son buste. J'essaie de me pencher pour la détacher mais je suis tiré en dehors de la voiture. Non. Je tente de me débattre pour retrouver Ava mais des bras s'imposent face à mes vaines tentatives.

    Lorsque j'atteins la surface, m'étalant de tout mon soûl sur la berge, je prends de longues goulées. Puis je me tourne pour affronter le canal d'un regard paniqué. Je tente de me relever pour retourner la chercher mais je suis maintenu fermement par mon oncle, Alfonso, le père de Sam. Il est trempé de la tête aux pieds en me dardant d'un regard m'avertissant de ne pas y retourner.

– Je dois y aller, m'écrié-je autant que je peux avec cette voix enrouée.

– Oui. Tu dois aller auprès de ton père, tu as délaissé ton rôle et tes missions un peu trop alors basta maintenant.

– Non, je dois aller auprès d'elle ! Zio (oncle) Alfonso, ti prego (je t'en prie).

    Un instant, il me zieute comme si je suis devenu fou. Ses yeux tentent de cerner les miens, de comprendre mon but mais je ne peux pas en dire davantage. Ma vie n'est pas à la surface mais sous cette eau meurtrière.

– Luca, halète mon oncle.

    Il soupire en fermant les paupières. C'est le seul accord que j'ai besoin pour prendre ma respiration et plonger de nouveau. Je ne prends même pas le temps de lui demander s'il va bien ni de m'assurer que je vais bien, je saute tout simplement. Je pars à sa recherche, voyant ma voiture se faire avaler par le gouffre de l'eau. Je puise dans mes dernières forces et fonce droit sur ma voiture.

    La voiture est piégée. J'essaie d'accélérer car je me sens faiblir. Je ne peux pas la lâcher. Je ne peux pas vivre si elle n'est pas là. Je garde mon calme même si un feu fait rage à l'intérieur de moi. Au moment où j'atteins son côté et que je la vois à l'intérieur, je sais que c'est la dernière fois.

    Je force sur la portière, la portière de mon côté s'est refermée après mon extraction de la voiture. À plusieurs reprises, la portière s'oppose à ma force et elle ne s'ouvre pas. Je tente de ne pas lâcher prise et de garder mon sang-froid mais la peur s'immisce de plus en plus, s'infiltrant jusqu'à l'os.

    Pitié, faites qu'elle n'ait rien... Prenez-moi mais pas elle.

    Mes lèvres fermement scellées, je n'abandonne pas jusqu'à ce qu'elle s'ouvre enfin en se détachant complètement. Je parviens à détacher sa ceinture pour l'extirper de la voiture. J'essaie de palper son pouls mais je ne parviens à rien ressentir alors je la tiens fermement contre moi et ouvre ses lèvres pour ouvrir et poser les miennes.

    D'une main, j'affronte l'ennemi qu'est l'eau pour gagner la surface. À bout de force, je ne peux abandonner, pas quand j'ai sa vie entre mes mains, pas quand elle entre en jeu. Mes pieds battent et fouettent autant qu'ils peuvent. Je ferme les yeux et me laisse porter en gardant ma poigne autour d'elle.

    La remontée me paraît interminable et lorsque nous atteignons la surface, elle m'est retirée immédiatement par mon oncle qui la dépose délicatement sur le côté en position latérale de sécurité pour ne pas qu'elle s'étouffe. Je suis prise d'une quinte de toux abominable, je tente de ramper jusqu'à elle mais je suis éloigné d'une main de maître par Alfonso.

LIÉS PAR LE FUTUR {Liés : t1}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant