★ JEUDI 24 OCTOBRE

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NDA ; le plot commence vraiment dans ce chapitre et j'espère que ça va vous plaire 👁

CHAPITRE 03
Jeudi 24 octobre

LA VIE de Cheng Xiaoshi repose sur une règle élémentaire : le jeudi est la pire journée de sa semaine.

Chaque jeudi, les astres s'alignent contre lui et font en sorte qu'il passe la pire journée possible : les retards s'accumulent, les clients sont insupportables, les aléas du quotidien font dérailler tout ce qui fonctionne habituellement très bien, et tout le monde semble se liguer contre lui. Il lui est impossible d'y couper, et ce depuis aussi loin qu'il puisse se souvenir.

Il a d'ailleurs fini par se faire une raison et accepter que jamais il ne sera en mesure de vivre un jeudi appréciable.

Mais ce n'est que le jeudi.

Dès le vendredi, tout comme durant les autres jours de la semaine, son quotidien redevient plus appréciable. Il n'ira pas jusqu'à dire formidable, parce qu'il est tout de même obligé de se rendre à son travail et de subir une journée souvent très ennuyeuse, à l'exception de quelques rares incidents qui le forcent à endosser le rôle de méchant de l'histoire, mais les journées sont tout de même plus faciles à vivre et plus sympathiques que le jeudi.

Alors, lorsque ce matin-là, Cheng Xiaoshi rate son bus une fois de plus, pour la première fois un vendredi, il éprouve instinctivement une très forte envie de crier.

Au moins assez fort pour que le conducteur de bus l'entende et fasse demi-tour.

Toutefois, il s'abstient et se contente d'attendre le suivant pour se rendre sur son lieu de travail, précisément à la même heure que la veille, une fois n'est pas coutume. Lui, qui avait espoir en se levant de se reposer un peu pour cette dernière journée de la semaine et oublier ainsi l'angoisse qu'a représenté sa mission de la veille, sent finalement que cette journée-ci va également être particulièrement longue et interminable.

Ceci dit, le jeune homme peut tout de même difficilement imaginer qu'elle puisse être plus terrible que la précédente, qu'il a passée à s'humilier : entre son retard initial, le voleur à la sauvette qui a perturbé sa matinée et l'échec cuisant pour le rattraper que le jeune homme aux cheveux noirs a expérimenté, la journée connaissait déjà des débuts difficiles, et elle n'a fait qu'empirer. Une fois qu'il a retrouvé son poste, après avoir échoué à ramener le garçon et le collier, il a passé la journée à écouter les plaintes répétées de Liu Min, le responsable de la bijouterie ayant subi le préjudice, qui s'acharnait à lui signaler qu'il serait tenu de rembourser l'objet qui avait été dérobé en raison de sa négligence.

Ce jeudi est entré, de loin, dans le classement des pires journées qu'il a pu vivre en l'espace de vingt-deux ans.

Alors, oui, la journée actuelle ne peut pas être pire, n'est-ce pas ?

« Un de ces jours, Qian Jin va finir par te coller un blâme, commente Qiao Ling une fois de plus en le rejoignant durant sa pause, pour une fois pile à la même heure que la veille.

Comme je te le disais hier, j'ai toujours espoir qu'il finisse par comprendre que c'est une malchance pathologique et que je n'y peux rien. »

Ceci étant dit, il est étonné par l'attitude que son supérieur a eu lorsqu'il est arrivé un peu plus tôt : Cheng Xiaoshi s'attendait à ce que l'homme aux cheveux noirs lui fasse une remarque encore plus agacée que d'habitude, surtout après ce double retard coup sur coup et son aventure de la veille, mais l'homme s'est contenté d'adopter la même attitude que le jour précédent et de simplement le regarder les yeux plissés dans une attitude de désapprobation.

C'est toujours cela de pris, il suppose.

« L'espoir fait vivre. » répond finalement Qiao Ling après un instant. Cheng Xiaoshi se demande pendant une seconde si elle fait exprès de reproduire leur conversation de la veille pour lui faire comprendre qu'il doit vraiment faire attention à ce que ses habitudes du jeudi ne déteignent pas sur les autres jours de la semaine ― et musique, connaissant son amie d'enfance, c'est sûrement le cas, il rajoute :

« De toute manière, je compte bien faire en sorte que ça ne reste qu'occasionnel. Rater mon bus, c'est le jeudi, pas les autres jours. » Qiao Ling hausse un sourcil, visiblement perplexe.

« Qu'est-ce que tu racontes ? On est jeudi. » C'est au tour de Cheng Xiaoshi de hausser un sourcil : il ne comprend pas un mot de ce que son amie d'enfance lui raconte.

« Hein ? On est vendredi aujourd'hui. » Sa petite sœur le dévisage comme s'il parlait une autre langue.

« Cheng Xiaoshi, tu es encore endormi ou quoi ? »

Le jeune homme susnommé est sur le point de lui rétorquer que c'est elle qui n'est pas réveillée, parce qu'il est impossible qu'il ait confondu les jours et que la malchance qu'il a expérimentée hier ne peut qu'être le résultat d'un jeudi où sa malchance est à son maximum, lorsqu'un cri lui coupe la parole :

« Arrêtez-le ! Il a volé un collier ! »

Dans un état second, Cheng Xiaoshi tourne la tête dans la direction d'où provient la voix, et aperçoit une scène identique en tous points à celle qu'il a vécue la veille, avec un garçon courant dans la direction de la porte à côté de lui, et une employée de la bijouterie qui lui crie de l'intercepter.

Faisant fi de ce qu'il est normalement supposé faire, le jeune homme aux cheveux noirs tire de sa poche son téléphone pour en consulter la date, une chose qu'il fait trop peu souvent. L'information a beau être écrite sur son écran de verrouillage, ses yeux passent dessus sans la lire ou la retenir. Cette fois-ci, toutefois, il concentre son attention dessus, et son cœur rate un battement.

Jeudi 24 octobre.

Les mots sont inscrits noir sur blanc sur son fond d'écran.

Ils sont jeudi, Cheng Xiaoshi a encore raté son bus, et il doit à nouveau courir après un voleur trop jeune pour s'adonner à ce genre de pratiques.

Mais surtout, cela n'a aucun sens.

Cheng Xiaoshi sait qu'il n'avait pas imaginé la journée d'hier. La douleur dans ses jambes et son nez, issus de l'effort physique inhabituel qu'il a fourni et de sa chute, en atteste. Il ne comprend donc absolument pas comment il est possible que la journée d'aujourd'hui soit encore un jeudi. Les jeudis ne se suivent pas. Il y a six jours entre chaque, pour lui laisser un peu de répit.

« Cheng Xiaoshi, qu'est-ce que tu attends ? »

La voix de Qiao Ling le tire de ses pensées, et il réalise qu'il n'a pas vraiment le loisir de se tourmenter à ce sujet plus longtemps. Ni une, ni deux, il s'élance à la suite du voleur, qui est déjà sensiblement plus loin de lui que la veille, puisque Cheng Xiaoshi a perdu encore plus de temps à contempler la situation incompréhensible dans laquelle il se trouve.

Ils sont encore jeudi.

Et les événements se répètent à l'identique.

Comme la veille, il déboule sur un trottoir empli de passants qui le dévisagent avec surprise.

Comme la veille également, il aperçoit le grand jeune homme aux cheveux blancs qui porte un bouquet de coquelicots dans ses bras en consultant son téléphone.

Cette fois-ci, cependant, leurs regards se croisent.

Et lorsque Cheng Xiaoshi trébuche à nouveau sur le vide, lorsque son nez déjà douloureux entre à nouveau en contact avec le bitume, il comprend.

La boucle temporelle des âmes sœurs. 

JUSQU'À CE QUE FANENT LES COQUELICOTS - 𝗹𝗶𝗻𝗸 𝗰𝗹𝗶𝗰𝗸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant