JUSQU'À CE QUE FANENT LES COQUELICOTS - 𝗹𝗶𝗻𝗸 𝗰𝗹𝗶𝗰𝗸

★ ET LE TEMPS EN EST ALTÉRÉ

NDA ; j'adore ce chapitre tbh <333

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CHAPITRE 14
Et le temps en est altéré.

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Quelque chose cloche dans le déroulement de la journée.

D'ordinaire, Lu Guang est assez peu sensible à ce genre d'intuitions ― certaines personnes sont capables de sentir si quelque chose n'est pas normal dans leur journée, s'il y a un risque que celle-ci se passe mal, mais cela n'a jamais été le cas du jeune homme aux cheveux blancs, qui est plutôt, au contraire, facile à berner à ce sujet.

Là, cependant, il est impossible, même pour lui, de ne pas remarquer ce qui cloche : après tout, c'est la septième fois qu'il revit la même journée, et il peut donc en réciter le déroulement entier, tel qu'il a lieu sans que Cheng Xiaoshi et lui n'essayent d'influer dessus. Tout d'abord, il se lève de bonne heure pour prendre le temps de se préparer avant d'aller au travail. En arrivant au travail, il est accueilli par son collègue Chen Bin, qui lui offre un bouquet de coquelicots pour son anniversaire. Puis, il prend sa pause déjeuner après plusieurs heures de travail pour aller voir son maître, et rencontre à cette occasion Cheng Xiaoshi, lui aussi sorti pour son travail. Enfin, il retourne travailler plus ou moins comme si de rien n'était, et passe la fin de la journée à trimballer son bouquet de coquelicots, qu'il dispose ensuite dans un vase une fois chez lui.

Et le lendemain matin, le vase a toujours disparu.

Aujourd'hui cependant, quelque chose cloche dans ce déroulement écrit et bien connu désormais.

Le vase a bien disparu. Il s'est levé de bonne heure. Il s'est préparé sans encombre pour aller travailler.

Mais Chen Bin ne lui a pas offert de bouquet.

Il s'est contenté de lui souhaiter chaleureusement un Joyeux anniversaire, en s'excusant de ne pas avoir eu le temps de lui acheter le sempiternel bouquet de coquelicots qu'il lui offre toujours.

Et Lu Guang ne comprend plus rien à ce qu'il se passe.

Il est impensable qu'ils aient modifié la trajectoire du temps sans avoir brisé la boucle temporelle. Il est évident que son âme sœur et lui y sont toujours coincés : la date des calendriers ne ment pas, et le fait que Chen Bin lui souhaite son anniversaire prouve qu'ils sont encore en effet le 24 octobre. Et pourtant, le jeune homme a modifié son comportement, et Lu Guang ne peut pas se l'expliquer.

Le reste de la journée n'arrange rien à sa sensation que rien ne se déroule comme prévu dans cet éternellement recommencement. Cheng Xiaoshi n'apparait pas soudainement dans la rue comme à son habitude ― ce qui n'étonne toutefois qu'à moitié le jeune homme aux cheveux blancs, au vu de leur dernière conversation ― et Chen Bin a une urgence avec sa fille qui le contraint à partir plus tôt du travail, laissant à Lu Guang la charge de faire la fermeture de la bibliothèque, seul, après le départ de tous ses collègues.

Alors il en est certain, tout cloche dans cette énième répétition de la journée de son anniversaire.

Et il n'en comprend la raison qu'une fois les portes de la bibliothèque refermées, alors qu'il est prêt à rentrer chez lui pour la première fois les mains vides, et qu'il tombe nez à nez avec un Cheng Xiaoshi, le nez et les joues rougies par le froid précoce et mordant de cette soirée d'octobre...

Et un immense bouquet de coquelicots dans les mains.

« Pourquoi ? est tout ce que le jeune homme aux cheveux blancs parvient à articuler en l'apercevant ainsi.

― J'ai corrompu ton collègue pour qu'il ne te les offre pas, mais le destin doit reprendre ses droits à un moment, non ? » Cheng Xiaoshi prononce ces mots en lui tendant le bouquet, que Lu Guang ne prend pas tout de suite.

« Je ne parlais pas que de ça, rétorque-t-il.

― Tu n'as pas voulu me donner ton numéro, alors j'ai dû trouver une autre manière de te parler dans un contexte différent de celui que le destin nous impose.

― En cherchant mes collègues pour leur envoyer des messages ? » Cheng Xiaoshi a la décence de sembler un peu embarrassé.

« C'est un parfait hasard ! Je ne pensais pas tomber sur le compte de ton collègue en cherchant des photos de coquelicots en pleine insomnie. » C'est sans doute l'enchaînement de mots le plus bizarre que Lu Guang a entendu depuis un bon moment. Il continue de dévisager son interlocuteur sans esquisser de gestes pour prendre le bouquet, et celui-ci finit par poursuivre : « Je sais ce que tu penses, que ça ne sert à rien qu'on essaye et tout. Et je suis pas venu t'implorer de changer d'avis. Même si j'aimerais bien que tu le fasses. Je voulais juste te dire que j'aimerais vraiment apprendre à te connaître. En dehors de cette boucle temporelle. Et pas uniquement parce qu'on est censés être âmes sœurs et tout. Juste parce que t'as l'air d'une chouette personne, et que j'aime bien discuter avec toi. » Il lui tend le bouquet avec plus d'insistance, cette fois, et Lu Guang finit par le saisir. Il est encore plus imposant que celui qu'il a reçu de la part de Chen Bin les jours précédents.

« Et pourquoi les coquelicots ? finit-il par demander. Tu pouvais venir me dire ça sans exiger de Chen Bin qu'il ne m'en offre pas.

― Tu aimes bien ça, non ? Et ç'a plein de significations, j'ai vu ça sur internet. » Lu Guang se demande s'il a conscience que l'une d'elle est un amour passionné, et s'il l'a fait exprès. « Je voulais juste une excuse pour t'offrir un truc, pour être honnête. Après tout, ça fait sept fois qu'on fête ton anniversaire et je ne t'offre jamais rien. »

Cheng Xiaoshi se fend d'un de ses étranges sourires enfantins et naïfs, avant de remettre les mains dans ses poches pour les réchauffer. Il reste un instant debout, dans un silence sûrement inconfortable que Lu Guang ne veut pas briser, et finit par hocher la tête, sans se départir de son sourire.

« Maintenant que j'ai dit ce que j'avais à dire, je te laisse. À demain ? Peut-être ? »

Et pour la seconde fois depuis qu'il se retrouve coincé dans cette boucle temporelle, Lu Guang se surprend à souhaiter qu'elle ne se brise pas, et lui retourne son À demain.