★ LU GUANG ET LES COQUELICOTS

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NDA ; j'ai fait mon sapin aujourd'hui ✨️

(oui j'avais besoin d'en faire une note d'auteure)
(et sinon merci beaucoup à tous ceux qui ont lu le premier chapitre!! 🤍🤍)

CHAPITRE 02
Lu Guang et les coquelicots

LU GUANG aime beaucoup les coquelicots.

Le capitaine de police Xiao, un de ses visiteurs les plus réguliers au travail, lui a une fois dit que c'est étrange qu'il apprécie autant une fleur réputée pour ses belles couleurs quand lui-même est toujours vêtu de blanc et de gris uniquement. Il est vrai que, s'il trouve leur nuance de toute beauté, le jeune homme aux cheveux assortis à sa teinte principale de vêtements ne la porterait sans doute jamais lui-même. Il n'y a pas réellement de raison à cela, d'ailleurs. Il ne s'est jamais senti assez à l'aise avec cette teinte d'un rouge puissant, comme avec toutes les autres teintes particulièrement colorées d'ailleurs, pour l'apposer sur ses vêtements.

En revanche, s'il n'aime pas le porter sur lui-même, il a appris à arborer le carmin des coquelicots en bouquet serré contre son torse une fois par an, le jour de son anniversaire. Depuis qu'il a commencé à travailler à la bibliothèque municipale, tout d'abord à temps partiel pendant ses études puis à temps plein depuis quelques années, son collègue, Chen Bin lui offre un grand bouquet de coquelicots chaque 24 octobre. Il a beau répéter au jeune homme que ce n'est pas la peine et qu'il ferait mieux de faire de tels cadeaux à son épouse, l'homme n'en démord jamais : Lu Guang mérite ce bouquet, qui l'égayerait comme il égayerait son chez-lui.

Au bout de quatre ans, le jeune homme aux cheveux blancs a cessé de vouloir le contredire à tout prix. Ce n'est pas comme s'il était réellement déplaisant de recevoir un tel cadeau, d'ailleurs ― si ce n'est un inconvénient principal : lorsqu'il traverse la ville ce midi-là pour se rendre au dojo, il ne passe pas inaperçu avec son (trop) grand bouquet. C'est un petit peu son rituel de chaque semaine : sur sa pause déjeuner, le jeudi, il va rendre visite à Liu Siwen, son aîné et instructeur d'arts martiaux pendant quelques années. S'il n'a pas poursuivi très longuement sur cette voie qui ne lui plaisait pas, trop exigeante physiquement à son goût pour lui qui préfère le calme et les voies pacifiques, il n'en garde pas moins un immense respect pour le vieil homme qui a toujours pris son temps pour lui enseigner cette discipline dans laquelle le jeune homme n'a aucun talent. Liu Siwen lui a toujours soufflé avec beaucoup de bonté des conseils qui lui ont permis de trouver sa voie et d'avoir le courage de simplement arrêter tout ce qu'il faisait et qui lui déplaisait ― typiquement ces arts martiaux ― pour se lancer dans la poursuite de ce qu'il avait envie de faire, en tant que jeune actif ayant à peine dépassé la vingtaine d'années.

Il cherche toujours, à vrai dire.

Il a été à l'université pour faire plaisir à sa mère surtout, qui s'est démenée en tant que mère célibataire pour lui financer le plus possible ses études et l'encourager à exercer une belle profession, réputée et bien payée, comme médecin ou avocat. Lu Guang n'a toutefois jamais eu ni la fibre médicale, ni celle juridique, pourtant plus que nécessaires pour exercer l'un ou l'autre de ces métiers. Pour ne pas être un total échec à ses yeux, et pour qu'elle n'ait pas l'impression de n'avoir servi à rien dans son éducation qu'elle voulait néanmoins prometteuse, il a tenté de rejoindre les forces de police ― d'où les cours de self-défense qu'il a été amené à prendre, mais n'a jamais montré le moindre talent ni la plus petite vocation pour, et a fini par arrêter sous les conseils de son instructeur lui-même.

Et puis, lorsque son responsable à la bibliothèque dans laquelle il travaillait pour payer ses études lui a proposé de rejoindre l'équipe à temps complet, il a réalisé que ce n'était pas une si mauvaise idée et a accepté de changer son contrat. Tout compte fait, c'est là, qu'il se sent le mieux pour l'instant. Au milieu de livres et de gens qui viennent rarement quérir sa présence pour un renseignement.

Aujourd'hui, Lu Guang a commencé sa pause déjeuner en avance, justement pour avaler rapidement son repas et aller voir son ancien instructeur. Techniquement, il n'est pas obligé de lui montrer le bouquet de fleurs qu'il a reçu pour ses vingt-deux ans et pourrait se présenter avec, comme toujours, seulement un dessert, mais Liu Siwen insiste chaque année pour qu'il vienne lui montrer le bouquet qui célèbre son anniversaire, et Lu Guang ne peut pas faire grand-chose d'autre que se plier à cette demande. Alors, il accepte de traverser trois quartiers avec son immense bouquet pour aller le voir et le lui montrer, le tout en moins d'une heure pour ne pas empiéter sur son temps de travail règlementaire.

Un simple objectif qui est déjà compromis ce jour-là, à cause d'un drôle de phénomène qu'il a aperçu dans la rue un peu plus tôt.

Le trajet de Lu Guang de la bibliothèque jusqu'au dojo de Liu Siwen le fait passer dans des rues très empruntées, où se trouve notamment un grand centre commercial. Le jeune homme aux cheveux blancs fait ce trajet toutes les semaines, alors il n'y prête plus réellement attention, mais aujourd'hui, un grand vacarme a attiré son attention tandis qu'il avançait en vérifiant ses messages sur son téléphone.

Et en se retournant, il a vu un type en uniforme d'agent de sécurité s'effondrer, sans raison.

Le jeune homme en question s'est affalé de tout son long sur le macadam, au beau milieu d'une foule de passants qui a fait ce que toute foule sait faire : rire et filmer l'incident comme si tout était normal. L'inconnu, qui devait avoir à peu près le même âge que Lu Guang, s'est relevé comme si de rien n'était et a repris sa route, en courant, sous les regards médusés de toutes les personnes qui s'étaient interrompues dans leur action pour le regarder.

À cause de cela, le trajet parfaitement millimétré du jeune bibliothécaire s'est trouvé altéré, menaçant de le faire revenir de sa pause en retard s'il passe trop de temps à discuter avec le directeur du dojo.

Il lui explique ceci en quelques mots lorsqu'il y arrive quelques instants plus tard, et se trouve surpris, voire pris de court, par la réponse que le vieil homme lui formule :

« Ce jeune garçon a l'air de t'avoir laissé une forte impression. » C'est si incongru, comme réflexion, que Lu Guang manque d'en lâcher le bouquet qu'il tient toujours dans ses mains pour que son mentor puisse le regarder.

« C'est juste un idiot maladroit, répond-il simplement sans trop comprendre ce que Li Siwen veut dire avec sa remarque. Je ne le reverrai plus jamais de ma vie.

― Je suppose que tu as raison. Mais tu ne remarques jamais rien autour de toi, habituellement. Le monde pourrait s'effondrer que tu ne le verrais pas, absorbé comme tu peux l'être dans tes pensées. Alors je suis étonné que tu aies remarqué ce jeune homme qui a eu le malheur de trébucher en pleine rue. »

Lu Guang hausse les épaules. Il reconnaît qu'il lui est déjà arrivé de passer devant un certain nombre de personnes de sa connaissance sans s'en apercevoir, trop concentré sur ce qui se passe dans sa tête, mais de là à partir du principe que ce jeune homme a quelque chose de spécial pour qu'il le remarque... Il estime que c'est aller un peu vite en besogne. Après tout, il lui arrive de remarquer des événements autour de lui, parfois. Et puis, la chute du jeune homme a été assez bruyante et il était difficile de ne pas la remarquer, même pour lui. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il se souviendra plus de lui que de toutes les autres personnes qu'il a déjà croisées dans la rue.

D'ailleurs, le soir venu, une fois le reste de sa journée terminée sans encombre et avec moins de cinq minutes de retard sur sa pause déjeuner, il n'y pense déjà plus.

Plus du tout.

(Ceci dit, en repartant, le jeune homme boitait un peu. Lu Guang se demande s'il va bien.)

JUSQU'À CE QUE FANENT LES COQUELICOTS - 𝗹𝗶𝗻𝗸 𝗰𝗹𝗶𝗰𝗸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant