★ AS-TU PEUR DES ÂMES SŒURS ?

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NDA ; bonne lecture!


CHAPITRE 10
As-tu peur des âmes sœurs ?

Lu Guang ne sait pas vraiment comment se comporter avec les gens qu'il ne comprend pas ― et, dans la pratique, qu'il ne comprend pas désigne en général ceux qui fonctionnent différemment de lui.

En effet, le jeune homme aux cheveux blancs a ses propres habitudes qu'il est en mesure d'expliquer. Il ne croit pas aux âmes sœurs, sans doute parce que, comme beaucoup d'autres dans leur société aujourd'hui, il a été témoin de l'échec que sont les bulles temporelles et l'injonction omniprésente qui les somme d'épouser leur « âme sœur » en voyant le mariage de ses parents échouer. Il sait qu'il a besoin de souvent se retrouver seul pour réfléchir et se ressourcer, et a conscience qu'il avait une personnalité quelque peu maniaque qui le conduit assez fréquemment à se retrouver fixé par d'autres personnes, qui ne comprennent sans doute pas pourquoi ce jeune homme les ennuie avec des choses qui leur semblent futiles.

Mais, quand il se retrouve face à des personnes qui ne lui ressemblent en rien, il a tendance à se sentir facilement dépassé par leurs réactions, qu'il ne comprend pas toujours.

Et le jeune homme avec qui le destin a choisi de l'associer appartient définitivement à cette catégorie de personne. Déjà, parce qu'il croit encore aux âmes sœurs dans une société qui les a pourtant rejetées. Ensuite, parce qu'il ne paraît pas capable de se décourager. Enfin, parce qu'il a cette espèce d'innocence naïve que Lu Guang n'est pas en mesure de complètement appréhender et comprendre.

Oui, vraiment, Cheng Xiaoshi est une énigme, un drôle de numéro.

Et le jeune homme aux cheveux blancs a beau le fixer, y penser de toutes ses forces, il ne sait pas quoi répondre à la démonstration que le jeune homme vient de lui faire quant aux raisons pour lesquelles il croit encore aux âmes sœurs. Doit-il reconnaître que l'histoire de ses parents est touchante, en laissant le garçon aux cheveux noirs penser qu'il y avait ainsi peut-être une chance que leur propre relation se développe de la sorte ? Doit-il au contraire jouer les rabats-joie avec l'histoire de ses propres parents, qui s'oppose en tous points à celle qu'il vient de lui raconter ? Lu Guang ne répugne en général pas à le faire, mais l'innocence enfantine de son interlocuteur a quelque chose de précieux qu'il ne se sent pas le courage de blesser, étonnamment.

Il opte donc pour une approche un peu plus « douce ».

« Toutes les histoires ne finissent pas comme celle de tes parents. Je peux comprendre que tu croies aux âmes sœurs en l'honneur de leur exemple, mais la plupart des boucles temporelles finissent moins bien aujourd'hui. » Son interlocuteur hausse les épaules.

« C'est le cas pour tout, non ? Il y a une pluralité de possibilités. Moi je pense que tenter le coup en vaut toujours la peine. »

Lu Guang continue de le dévisager quelques secondes. La façon de se comporter de ce jeune homme le laisse vraiment complètement perplexe. Il ne comprend absolument pas comment Cheng Xiaoshi peut lui tenir un tel discours, quand bien même toutes les preuves tendent à prouver qu'il a tort.

Et le pire, c'est que le jeune homme aux cheveux noirs commence à le convaincre, d'une certaine manière.

Il lui donne presque envie de laisser une chance au destin de lui montrer ce qu'il peut faire, en termes d'âmes sœurs.

Mais il sait aussi que c'était une piètre idée, a fortiori quand il peut voir à quel point Cheng Xiaoshi et lui sont différents.

Comment peuvent-ils un jour espérer se comprendre, si même leur conception du monde est différente ?

« Mes parents étaient des âmes sœurs, comme les tiens, souffle-t-il finalement en continuant de le fixer. Ils se sont rencontrés, et ont décidé de se marier après plusieurs années de relation parfaite, comme les âmes sœurs qu'ils étaient. Mais, après ma naissance, les choses ont changé. Ils se sont rendu compte qu'ils ne s'entendaient pas vraiment, prétendaient se comprendre et ils ont fini par divorcer quelques années plus tard. Être âmes sœurs ne veut rien dire. Ce n'est rien d'autre qu'une injonction du destin, qui nous force à tomber amoureux les uns des autres. »

Cheng Xiaoshi le dévisage un moment également, sans rien dire, à tel point que son interlocuteur aux cheveux blancs se demande à quoi il peut bien penser en son for intérieur. Le silence se prolonge, sans qu'aucun d'eux n'ose le briser, même si Lu Guang se demande intérieurement, avec insistance, s'il a trouvé les bons mots pour exprimer ce qu'il pense.

« OOOOK, finit par dire le jeune homme aux cheveux noirs de façon totalement inattendue qui laissa son interlocuteur pantois. C'est bien que tu m'aies dit ça. Je comprends mieux. Et c'est peut-être l'information qu'il me manquait pour que notre rencontre soit enfin aussi parfaite que le veut le destin. »

La facilité et la décontraction avec laquelle il prend l'information laisse Lu Guang encore une fois sans voix. Vraiment, il est incapable de comprendre comment fonctionne son interlocuteur.

Et il le comprend encore moins lorsque l'autre ajoute :

« Ceci dit, je me pose quand même une question. Est-ce que tu ne crois sincèrement pas aux âmes sœurs... Ou est-ce que c'est seulement que tu as peur de l'idée qu'on t'arrange une relation avec quelqu'un que tu ne connais pas et que tu ne seras pas capable d'aimer ? »

La question prend Lu Guang de court, et il reste un peu plus longuement sans voix ― cela devient un peu trop récurrent à son goût, d'ailleurs. Devant ce nouveau mutisme, Cheng Xiaoshi ajoute, un peu plus gaiement :

« Enfin, tu n'es pas obligé de me répondre quoi que ce soit. Surtout pas maintenant. Tu peux y réfléchir. Ou m'ignorer. Comme tu préfères. »

Il fait une pause avant de conclure :

« Je pense juste que ça vaut la peine que tu y réfléchisses. » 

JUSQU'À CE QUE FANENT LES COQUELICOTS - 𝗹𝗶𝗻𝗸 𝗰𝗹𝗶𝗰𝗸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant