★ SUIVRE L'EXEMPLE

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NDA ; bonne lecture!

CHAPITRE 09
Suivre l'exemple.

La boucle temporelle ne se brise pas le lendemain.

Cheng Xiaoshi ouvre les yeux sur l'éternel jeudi 24 octobre, comme il le constate en consultant dès le réveil son téléphone portable pour vérifier la date du jour. Lu Guang et lui ont passé un agréable moment ensemble, comme la fois précédente d'ailleurs : ils ont simplement laissé le temps s'écouler en discutant de tout et de rien, pour apprendre encore davantage à se connaître.

Cheng Xiaoshi n'a pas l'audace de penser qu'il connaît désormais bien Lu Guang, parce qu'il a conscience qu'il n'est au courant que d'un pan dérisoire de la vie de son âme sœur. Même lui, pourtant loin d'être perspicace comme aime le lui répéter Qiao Ling, peut remarquer que le jeune homme aux cheveux blancs reste réservé, bien souvent volontairement évasif et lui dissimule certains pans entiers de sa vie. Cela désoriente tout de même un peu le garçon aux cheveux noirs, quand bien même il sait que ce n'est que l'ordre naturel des choses. Ils vivent dans une société qui ne croit plus aux âmes sœurs depuis belle lurette, qui ne pense plus que la boucle temporelle signifie quelque chose d'autre qu'un signe du destin qu'ils choisissent d'ignorer. Et il ne peut donc pas blâmer Lu Guang pour se montrer aussi désintéressé que les autres à ce sujet, et pour se refuser à donner des informations trop personnelles à un jeune homme qu'il vient à peine de rencontrer et dont il ignore encore s'il pouvait s'y fier.

Cheng Xiaoshi, lui, montre moins de réserves quant à cela. Il lui a parlé de sa petite sœur qui se prétend plus grande que lui, Qiao Ling, et de plusieurs de ses amis. Il a même légèrement abordé le sujet de ses parents, mentionnant toutefois seulement qu'ils sont décédés, sans oser se lancer dans de plus grandes explications qui seraient sans doute malvenues après deux jours à peine. Il lui parle cependant beaucoup plus volontiers de son travail, de son mépris de plus en plus grandissant pour Liu Min et Qian Jin, et de ses réflexions quant à la meilleure manière de briser cette boucle qui les empêche de reprendre le cours normal de leurs vies. Pour l'instant, le bilan de ses tentatives n'est pas fructueux : la simple conversation n'a pas fonctionné, pas plus que le café après le travail.

D'une certaine façon, c'est peut-être pour le mieux. Ainsi, il pourra expliquer à Lu Guang pourquoi il est encore autant attaché aux âmes sœurs, en dépit de ce que tout le monde peut lui dire quant à l'invraisemblance d'une telle croyance.

La matinée se déroule comme à son habitude : il arrive en retard et essuie une remarque ennuyée de Qian Jun, et le voleur frappe comme toujours et s'enfuit avec le collier que Cheng Xiaoshi n'a toujours pas envie de rattraper ― il est trop occupé à convenir d'un nouveau rendez-vous avec son âme sœur, qu'il croise comme toujours dès qu'il sort du centre commercial.

Cette fois-ci, ils conviennent de se retrouver au même endroit, lorsqu'ils auront tous les deux fini leur journée, pour ensuite partir directement à l'endroit que Cheng Xiaoshi veut lui montrer. Il sent bien que le jeune homme aux cheveux blancs est toujours aussi récalcitrant à l'idée de l'écouter et de leur donner une réelle chance ; Cheng Xiaoshi a compris qu'il ne croit pas aux âmes sœurs, mais il compte bien le faire changer d'avis, ne serait-ce que pour obtenir un rendez-vous où le jeune homme aux cheveux blancs acceptera de sincèrement considérer l'option d'une relation entre eux, et ce peu importe ce qu'il pense des âmes sœurs.

Et pour cela, il a besoin d'un endroit bien spécifique.

Qui n'est autre qu'une petite ruelle délabrée où il ne fait pas bon passer, même si le soleil est encore levé pour quelques dizaines de minutes encore. Lu Guang paraît d'ailleurs partager cette pensée qui relève plus du bon sens qu'autre chose :

« Qu'est-ce qu'on fait ici ?

― Je te montre pourquoi je crois encore aux âmes sœurs. » lui répond innocemment le jeune homme aux cheveux noirs en l'invitant à le suivre en dépit de ses réticences.

Son âme sœur paraît hésiter ― le jeune homme trimballe toujours avec lui ce bouquet de coquelicots qu'il n'a pas eu l'occasion d'aller déposer chez lui, et lui donne une apparence un peu décalée, que le jeune homme aux cheveux noirs trouve de plus en plus irrésistible d'ailleurs ― mais finit par accepter de s'engouffrer à sa suite, en s'enfermant de nouveau dans ces étranges silences qui le caractérisent parfois. Ils marchent quelques minutes sans qu'aucun mot ne franchisse la barrière de leurs lèvres, avant que le jeune homme aux cheveux noirs ne s'arrête devant une palissade.

« Regarde. » Cheng Xiaoshi lui désigne de la main un petit message écrit en minuscule sur le bois, tellement effacé qu'on a eu du mal à le discerner si on ne sait pas qu'il se trouve là. « Il y a écrit Cheng Zixuan et Huang Min. » Lu Guang hausse un sourcil, visiblement incertain de ce que l'autre veut lui démontrer avec cela. Cheng Xiaoshi décide donc de continuer. « Ce sont les noms de mes parents. C'est mon père qui a griffonné ça, un jour, sous l'emprise de l'alcool après avoir bu dans le bar qui existait dans cette rue quand il était étudiant. Il n'avait pas encore rencontré ma mère à ce moment-là. Il ne connaissait personne du nom de Huang Min. Et pourtant il a écrit inexplicablement ce nom, et il a compris des années plus tard pourquoi en rencontrant la dénommée Huang Min. »

Le jeune homme raconte rarement cette histoire, mais il l'adore. Ses parents la lui ont tant narrée quand il était plus jeune. Comment son père a écrit le nom de cette femme qu'il ne connaissait pas, et comment il s'est retrouvé plus tard forcé de s'humilier plusieurs jours de suite lui aussi en revivant leur rencontre qui n'avait rien eu d'idéal. Comment ils ont choisi de ne pas se revoir après la boucle temporelle, parce que Huang Min avait des sentiments pour un autre. Comment ils se sont retrouvés ensuite, des années plus tard, parce que Cheng Zixuan est resté accroché à ce nom que l'alcool lui avait soufflé.

Leur amour était sincère.

Et c'est uniquement parce qu'ils étaient âmes sœurs que Cheng Zixuan s'est autant acharné à l'époque.

C'est pour cela que Cheng Xiaoshi croit dur comme fer aux âmes sœurs.

Ses parents lui ont montré l'exemple.

Et il veut poursuivre sur cette lignée. 

JUSQU'À CE QUE FANENT LES COQUELICOTS - 𝗹𝗶𝗻𝗸 𝗰𝗹𝗶𝗰𝗸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant