★ UN DESSIN SUR LE MUR

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NDA ; bonne lecture!

CHAPITRE 16
Un dessin sur le mur.

LU GUANG ne s'attend pas à ce que sa déclaration fasse naître un tel sourire sur le visage de Cheng Xiaoshi. Depuis qu'ils se sont rencontrés, il a constaté à plusieurs reprises que le jeune homme aux cheveux noirs est du genre solaire, avec un sourire incroyablement brillant qu'il peut éclipser même l'astre qui les éclaire, mais c'est la première fois qu'il voit un sourire aussi brillant.

Tellement étincelant qu'il sent son cœur rater un battement, sans doute sous la surprise.

Et tellement fascinant qu'il se retrouve, quelques heures plus tard, chez ledit jeune homme qui lui a fait cet impressionnant sourire.

Il n'y a aucun sous-entendu dans cette démarche, bien sûr. Les deux jeunes hommes ont réfléchi à ce qu'ils pouvaient faire pour continuer d'apprendre à se connaître tout en tentant, encore et toujours, de briser la boucle temporelle dont ils ne peuvent pas encore s'échapper, avant d'en conclure qu'il y a à la fois trop et pas assez de possibilités. En désespoir de cause, et parce qu'ils risquent de finir frigorifiés s'ils restent juste debout dans le froid, Cheng Xiaoshi a fini par l'inviter à son domicile pour se réchauffer, ce qui arrange Lu Guang, puisqu'il habite beaucoup plus loin et n'apprécie pas spécialement le froid.

C'était ainsi qu'il finit sa matinée dans le couloir d'un appartement qui lui est inconnu, mal rangé et poussiéreux par endroits, mais en même temps étonnamment chaleureux. Sur le mur de l'entrée se trouve un dessin représentant un certain nombre de bonhommes bâtons : quatre grands bonhommes, deux hommes et deux femmes, et quatre plus petits, dont les genres sont plus incertains. Le dessin est brouillon, sans doute réalisé par un enfant de moins de six ans au vu de l'écriture qui est à peine compréhensible, et pourtant, il est encadré ici, signe qu'il est important. Le jeune homme aux cheveux blancs doit le fixer un peu trop longtemps avec curiosité, car son interlocuteur suit son regard et explicite :

« C'est moi qui l'ai fait quand j'étais petit, pour représenter ma famille. Je l'ai offert aux parents de Qiao Ling, qui me l'ont rendu encadré quand j'ai quitté leur domicile pour me prendre un appart'.

― Qiao Ling ?

― Oh, ma petite sœur. La fille qui t'a dit de m'attendre dehors.

― Tu travailles avec ta sœur ? » Cheng Xiaoshi a un petit rire.

« On n'est pas liés par le sang. Ses parents ont juste pris soin de moi quand les miens sont partis en voyage quand j'étais petit, alors on a grandi ensemble et on se considère comme frère et sœur. C'est elle qui m'a aidé à dégoter ce boulot, oui, mais je fais tout pour le mériter. » Il a l'air de croire que Lu Guang lui fait un reproche, aussi le jeune homme se sent-il obligé de préciser :

« Je trouvais juste ça étonnant que vous vous supportiez à ce point. » Cheng Xiaoshi rit de nouveau.

« On ne se supporte pas. C'est ce qui est drôle. »

Lu Guang ne voit pas vraiment en quoi ça l'est, mais il garde le silence et regarde simplement une fois de plus le dessin. A partir de ces informations, il devine que les quatre adultes sont leurs parents respectifs ainsi que Qiao Ling et lui, mais ignore toujours qui sont les deux silhouettes supplémentaires. Des amis ? Ou déjà les prémices des âmes sœurs que le jeune homme s'était amusé à imaginer ? 

Avant qu'il n'ait le temps de trancher, Cheng Xiaoshi le fait avancer jusqu'à son petit salon, une pièce étonnamment grande pour la surface apparente de son appartement, et dont certains meubles disparaissent sous une montagne d'affaires.

« Désolé, j'ai pas trop eu le temps de ranger. » s'excuse le jeune homme en poussant rapidement sur un côté toute une pile d'objets entassés. Il regarde ensuite nerveusement tout autour de lui, avant de demander, sur un ton plus nerveux qu'à l'accoutumée : « Tu veux boire quelque chose ? Du thé, du café ?

― Du thé, ça ira. » lui répond le jeune homme aux cheveux blancs, se demandant pourquoi le jeune homme aux cheveux noirs semble aussi déstabilisé.

N'était-il pas celui qui voulait qu'ils se rapprochent à l'origine ?

Il observe en silence l'appartement dans lequel vit Cheng Xiaoshi, absorbé dans ses pensées, tandis que l'autre leur prépare deux tasses de thé. Lorsqu'il revient, le jeune homme aux cheveux noirs lui demande :

« Tu es sûr que ça ne va pas poser de problème ?

― Quoi donc ? » Lu Guang n'est pas certain de comprendre ce que l'autre veut dire par là, et il hausse un sourcil interrogateur tout en prenant la tasse de thé brûlante qui vient de lui être servie.

« Que tu n'ailles pas travailler. Genre, si le temps recommence à avancer d'ici demain, tu auras une absence non justifiée à ton travail. » Lu Guang hausse un sourcil, légèrement amusé à l'entente de ce terme absence non justifié, comme s'ils étaient encore deux étudiants.

« Toi aussi, tu sèches ton travail sans raison.

― Mais moi, je ne suis pas un travailleur modèle dans tous les cas. » lui sourit avec défi le jeune homme aux cheveux noirs. Le bibliothécaire ne sait pas vraiment sur quoi il se base pour dire qu'il est un « travailleur modèle », mais il décide de ne pas insister. À la place, il se contente de répondre, en toute honnêteté :

« Je préfère espérer que le temps ne reprenne pas son cours. » Cheng Xiaoshi a l'air surpris.

« Pourquoi ? Tu as envie de célébrer ton anniversaire pour le restant de tes jours ? »

Lu Guang reste silencieux quelques secondes, sans trop savoir quoi lui répondre. Pendant longtemps, il a eu envie de s'en échapper, de cette boucle temporelle, et de simplement pouvoir passer à autre chose sans plus longtemps penser à son âme sœur et au destin qui les lie prétendument.

Désormais, cependant, il ne sait plus réellement que penser.

Cette bulle temporelle lui permet au moins de ne plus avoir à se soucier du lendemain et de l'éventuelle finalité de leur relation.

Alors, en fin de compte, il décide de lui faire un sourire, sans rien ajouter.

Sourire qui a l'étonnant effet de faire rougir le jeune homme aux cheveux noirs jusqu'aux oreilles.

JUSQU'À CE QUE FANENT LES COQUELICOTS - 𝗹𝗶𝗻𝗸 𝗰𝗹𝗶𝗰𝗸Où les histoires vivent. Découvrez maintenant