09. Sacrifices

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Arwan

Je ne peux pas voir ses yeux, toujours protégés par ses lunettes de soleil. Elles semblent soudées à sa peau. Quoiqu'il arrive, elles ne bougent pas. Ces dernières me gardent à distance mais malgré cette barrière, la tension entre nous monte si fort, qu'elle menace d'exploser. Ses joues pâles rosissent jusqu'à devenir écarlates.

Je la lâche, elle ne dit pas un mot en se redressant sur la chaise. Je réajuste mon haut avant de me rassoir.

- Que l'une de vous m'explique comment on en est arrivé là, dis-je.

Je les dévisage tour à tour, ma sœur sourit de toutes ses dents avant de s'écrier :

- Tu ne me croiras jamais !

Ses yeux bleus pétillent d'excitation alors qu'elle me raconte tous les détails de la nuit dernière.

- Si ça, ce n'est pas un heureux hasard, elle clôture d'une voix essoufflée.

- Elle appartenait à un loup et tu l'as dérobée sous son nez pour ensuite lui imposer ta marque, que vous avez fait passer pour la mienne pour nous sauver tous d'un seul coup d'un futur désastreux. C'est bien ça ? demandé-je, l'air de rien.

Elle hoche vivement la tête.

C'est Nei, plus rien ne devrait me surprendre et pourtant...

- Ne me remercie pas, surtout, se vante-t-elle.

- On n'est pas dans une de tes histoires, Nei. Ça ne marchera pas, soufflé-je.

Elle me jette un regard réprobateur avant de déclarer :

- Ça a déjà marché, Arwan. Tes prétendantes de pacotilles sont toutes parties et les loups sont hors-jeu.

Ce n'est pas si simple. Ça ne l'est jamais. On court vers la catastrophe. Il ne faut pas être très malin pour s'en rendre compte. Je me frotte le front, une vieille habitude qui resurgit lorsque je suis tendu.

- Ils vont s'attendre à ce qu'on officialise au plus vite notre pseudo relation. La marque ne suffira pas. Ils voudront des preuves de notre union comme par exemple... dis-je d'une voix lourdes de sous-entendu, espérant qu'une des deux comprennent.

Le silence se prolonge, Mayce grignote les dernières miettes de beignets sans nous prêter attention et Neiya ne comprend pas où je veux en venir.

L'air de rien, j'énonce en séparant chaque syllabe :

- un. en. fant.

À ces paroles, Mayce s'étrangle. Elle attrape la bouteille d'eau en toussant si fort, que des larmes dévalent sur ses joues lorsqu'elle la porte à sa bouche.

- Arrête de lui faire peur comme ça ! intervient ma sœur.

Leur lien est indéniable. En quelques heures seulement, elles ont réussi à tisser quelque chose de solide entre elles.
Je n'en crois pas mes yeux lorsque je la vois lui frotter le dos, tout en lui disant :

- Ne t'inquiètes pas, il faut des dizaines d'années pour réussir à procréer entre créatures surnaturelles. Personne ne s'attendra à te voir enceinte immédiatement et puis, notre accord est temporaire, lui assure-t-elle.

J'admire la tentative de Neiya pour nous sauver mais elle est vouée à l'échec. Cette fille n'aura jamais le cran de faire face à tous ce qui l'attends en s'alliant à nous. Il suffit de parler d'enfant pour qu'elle perde ses moyens, alors le reste...

- Je peux jouer la fausse petite amie temporairement, assure-t-elle comme si elle voulait se rassurer elle-même.

Il vaut mieux que tout s'arrête là. Les blagues les plus courtes sont les plus drôles.
Je contourne la table pour venir me poser dans son dos, mes mains s'agrippent au dossier pendant que je me penche, frôlant son oreille de mon souffle lorsque les mots franchissent mes lèvres :

- Ils ne se laisseront pas mener en bateau, ils vont scruter le moindre de nos faits et gestes. Qu'es-tu prête à sacrifier pour tous nous sauver ?

Elle ne répond rien. Figée.

- Es-tu prête à subir leurs questions invasives ? À répondre avec aplomb que nous nous envoyons en l'air si souvent et si rudement que tous les meubles de la maison en pâtissent car c'est ce qu'ils veulent entendre ? Es-tu prête à te coller à moi avant que le conseil ne débarque pour que mon odeur soit imprégnée partout sur ton corps, dans les moindres recoins ?

Sa respiration est saccadée.

- C'est bien ce que je pensais, dis-je en me reculant.

Elle agrippe ma manche avant que je ne me détourne. Elle est debout, face à moi lorsqu'elle déclare :

- Je dormirai même avec un de tes caleçons puant, c'est un assez grand sacrifice pour toi ?

- Tu crois que c'est suffisant pour les bluffer ?

Sa main se resserre sur le tissus, la chaleur se propage dans mon corps. Inutile de tenter de refouler le désir qui m'envahit, il fait écho au sien.

Elle passe sa langue sur ses lèvres avant de répliquer :

- Si c'est nécessaire, je te toucherai et personne ne verra le haut le cœur que ça me procurera, d'être si proche de toi. Tu noteras que c'est un sacrifice énorme.

- Ce n'est pas ce que ton corps me dit à l'instant, repliqué-je en soulevant un sourcil.

Elle est si proche, qu'elle me frôle à chacune de ses respirations. Elle semble s'en rendre compte seulement maintenant. Elle recule comme si je l'avais brûlée, furieuse.

Neiya a quitté la pièce discrètement depuis un moment. Semblant penser que nous avions besoin d'intimité.

- Fixons des règles, suggère-t-elle.

- Un contrat, je rectifie.

- Aucun enfant, ajoute-t-elle.

- Pas de chambre à part, je surenchéris.

- Tu dormiras à terre, décide-t-elle.

- Les animaux n'ont pas le droit de monter sur le lit. J'irai t'acheter un panier en même temps que quelques friandises, retorqué-je. Tu préfères celles pour chiens ou celles pour chats ?

Je sens sa colère déferler sur moi, en vagues de plus en plus grandes.
J'adore ça.

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Hey !
Écrire ce chapitre m'a beaucoup amusée. J'espère vous avoir tiré au moins un sourire lors de votre lecture :)
On se retrouve au chapitre suivant 💖

Love contrat Où les histoires vivent. Découvrez maintenant