21. Les liens du cœur

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Mayce

Après un trajet en voiture plus que silencieux, on est enfin arrivé à destination. Le manoir se dresse devant nous, solitaire et froid. L'automne est bien avancé, il ne reste aucune feuille sur les arbres. J'attrape mon écharpe à mes pieds, le froid est devenu mordant. Je regrette de devoir quitter la chaleur étouffante de l'habitacle.

Arwan m'arrête, en me retenant par la main alors que j'allais sortir. Je pivote vers lui, il semble hésiter. Toute son assurance s'est volatilisée. Je suis témoin de la guerre qui l'habite par la fenêtre de ses yeux. La lutte qu'il entreprend avec lui-même est fascinante.

Les minutes s'étirent dans cette voiture inconnue. Ce modèle est très différent de celui qui m'a sauvé la mise, ce fameux soir. Neiya m'a révélé qu'elle ne possédait aucune voiture car je cite : " Pourquoi en acheter une alors qu'Arwan les collectionne ?"
Depuis quelque chose me chiffonne, il temps de vérifier une théorie.

D'un claquement sec, la boîte à gants s'ouvre sur un désordre sans nom.
Je plonge les mains dedans, c'est sans fin. Il y a tout et n'importe quoi là-dedans.

- Que fais-tu ? demande-t-il tendu.

- Je voudrais voir quelque chose, dis-je tout en fouinant.

Des élastiques à cheveux, des mouchoirs, une mini bouteille d'eau, des bonbons à la menthe, une cuillère, un attrape-rêves, une paire de ciseaux, une boîte de préservatifs... Mes yeux bloquent sur cet objet insolite, encore sous blister. Tu m'étonnes ! Les connards sont passés de mode.

Il y a un siècle d'ici, le syndrome du sauveur avait envahi la grande majoritée des humaines. Elles ont passé leur vie à enchaîner les pauvres types en étant persuadées de pouvoir les changer. À cette époque, les bad boys et les causes perdues étaient les plus populaires.
Arwan aurait fait fureur.
Ah ! Mais peut-être qu'il a fait fureur ?

- Tu as quel âge ? lui demandé-je, en continuant de fouiner.

- À peu près le même que toi. C'est bon ? demande-t-il, mal à l'aise de me voir toucher à ses affaires.

- Un harmonica, vraiment ? rié-je en agitant l'objet sous son nez. C'est un objet de grand-père ! Quel âge tu as ? insisté-je.

- Je suis à peine plus âgé que toi, réplique-t-il vexé. Il n'y a pas d'âge pour aimer jouer d'un instrument.

- Bien-sûr...

- Tu as trouvé ce que tu cherchais ? redemande-t-il en s'agitant nerveusement dans son siège.

Il est temps d'arrêter de l'ennuyer, je n'ai pas trouvé de bombes dans cette voiture. Ce qui veut dire qu'elles n'en possèdent pas toutes. J'ai eu un coup de chance avec Neiya.

- Non, il n'y a rien de rond.

Ses sourcils se froncent, son air perdu est presque adorable.

- Non rien, oublie. Dis-moi plutôt ce que tu voulais me dire, proposé-je en refermant la boîte à gant et me tournant vers lui, le coude sur l'accoudoir et le menton dans ma main.

- Non rien, oublie, m'imite-t-il en quittant son siège.

Il a perdu sa lutte intérieure, dommage. J'aurais aimé qu'il s'excuse à genoux. Ça sera pour un autre jour, pensé-je positivement avant de sortir à mon tour. Les graviers crissent sous mes bottes, je trottine jusqu'au coffre pour prendre les sacs avec lui. Il évite soigneusement de parler, comme à son habitude. Je détaille son profil pendant qu'il se penche, les lèvres pincées. Il doit être en colère.
Lui, obligé de faire équipe avec ce qu'il déteste, pour fuir ce qu'il déteste sans doute encore plus : l'engagement.
Il referme le coffre, je cours jusqu'à la porte d'entrée, les clefs entre les mains. Le froid ne colle pas avec ma tenue légère, mes jambes sont gelées.

J'ouvre la porte pour m'engouffrer dans la chaleur de l'entrée. J'enlève mon manteau et je retire mes chaussures en les lançant dans les airs, trop excitée à l'idée de donner à Nei ce que j'ai choisi spécialement pour elle.

Je traverse toutes les pièces en la cherchant, le sac rempli de livres pèse une tonne et cogne contre ma jambe. J'espère que ça suffira à me faire pardonner pour celui que j'ai accidentellement détruit...

Le bas est vide, elle doit être dans sa chambre. J'escalade les marches deux par deux, mes cuisses brûlent quand je pose les pieds sur le palier mais je cours quand même dans les couloirs de l'étage. J'arrive hors d'haleine devant sa porte où je toque trois petits coups avant d'entrer. La chambre est plongée dans le noir, c'est étrange. Nei laisse toujours une petite lampe aux chats même lorsqu'elle dort. J'appuie sur l'interrupteur, le claquement résonne dans la pièce vide et entièrement retournée.

Un cri m'échappe. Je ne sais pas comment mais je me retrouve de l'autre côté de la pièce, les mains contre la tête. Je tourne sur moi-même face à l'horreur de la scène. Dites-moi que c'est faux, que c'est un cauchemar.

Arwan arrive dans mon dos, il m'attrape par les épaules et me tourne vers lui mais je n'entends rien de ce qu'il me dit. Mes pensées tourbillonnent de plus en plus vite. Non ça ne peut pas arriver, pas à Neiya. Non, non, non !

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Le 26/12/2023

Hey !
C'est le moment charnière pour la relation Maywan 😍✨
Vous n'êtes pas prêt :]

Love contrat Où les histoires vivent. Découvrez maintenant