34. Rien ne demeure caché, surtout pas la vérité

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Mayce

Le vent glacial me cingle le visage alors que j'escalade la paroi rocheuse. Je pourrais marcher normalement si le gèle n'avait pas rendu ces pierres aussi glissantes. Avec précaution et à quatre pattes, je peine à progresser vers le sommet.

Essoufflée, je me permets de jeter un œil en contre bas, détaillant l'étendue d'une blancheur immaculée qui m'entoure. Aucune trace d'Arwan. Bien-sûr !
Il m'a sûrement plantée là. C'est pas grave, je peux me débrouiller toute seule. Je n'ai pas besoin de lui.

L'univers, dans l'unique but de me contredire, balance des tonnes de flocons sur ma tête.

- Vas ennuyer quelqu'un d'autre, pesté-je tout en me débarrassant de la neige qui s'accroche et s'infiltre dans mes vêtements.

Levant la tête, je reprends l'ascension en gardant les yeux fixés sur mon but : une caverne. Je me visualise au sec, faisant naître des flammes pour me réchauffer. Il doit me rester une dizaine de mètres avant de l'atteindre.

- Allez Mayce, marmoné-je.

L'horrible hurlement reprend, si proche qu'il me fait vibrer de l'intérieur. Je me cramponne au plus près des rochers pour ne pas risquer de tomber. Mes doigts gelés protestent, refusant d'y mettre du leur pour nous sauver la peau. Un poids glacial me percute et passe au-dessus de mon corps, ma peau picote affreusement. Un grognement excédé m'échappe.

Je grimpe les derniers mètres à la vitesse de l'éclair, les douches froides n'étant pas mes préférées... Au dernier pas, je m'éffondre à genoux avant de m'allonger de tout mon long. Trop épuisée pour aller plus loin, je me roule en boule sur ce sol qui me paraît chaud et agréable sans toute cette neige.
Ne luttant plus, mes yeux se ferment d'un coup.

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- Mayce ! hurle Arwan.

Je me réveille en sursaut, Arwan continue d'hurler mon nom d'une voix remplie d'effroi. Ses appels emplissent ma tête comme un écho avant que tout ne redevienne calme et silencieux. Mon cœur, lui, refuse de se calmer.
C'est cet endroit, il pue le danger.

Je ne sais pas où nous avons atterri ni pourquoi. C'était bien la dernière de mes préoccupations lorsque j'avais les lèvres d'Arwan contre les miennes. Maintenant, seule et perdue au milieu d'un désert de neige inhabité, je regrette mon sens des priorités.
Maudit soit-il avec son air fier, à tous les coups il en joue. Il suffit de voir le nombre de pauvres filles qui ont campé devant chez lui espérant qu'il leur jette des miettes.

J'examine mes habits, secs après seulement quelques heures passé dans cette caverne. La chance que mon instinct ait dégotté cet endroit. Mon ventre émet un gargouillis sonore, je meurs de faim ! Il faut absolument que je trouve un moyen de rentrer et le seul que je connais commence par un A.

Me remettant sur les pieds, je décide d'arpenter la caverne. Il n'y a rien dehors, avec un peu de chance lui aussi a voulu se mettre au chaud. Le chemin est large, j'en longe le mur de droite, mes doigts rencontrant les aspérités de la paroi. Au détour d'une gallerie, les cris reviennent me hanter. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? D'un coup de tête, je chasse cette idée. Il est fort, c'est pour ma vie que je devrais craindre.

La chaleur devient rapidement étouffante. Un léger bruit me donne espoir, Arwan est peut-être bel et bien là, assis devant un bon feu. Accélérant le pas, je bute contre quelque chose et m'écroule dans un affreux cliquetis de fer. Malgré l'obscurité qui règne, je sais que ce sont des chaînes au sol. Les maillons sont aussi épais que les livres de Neiya. Je dirais une épaisseur de 1 000 pages.

Je n'ai absolument pas envie de rencontrer ce qui y est attaché. Retenant mon souffle, je ne fais plus aucun geste mais c'est trop tard. J'entends la créature s'avancer, son souffle brûlant bute contre mon visage.

Relevant la tête, je vois des naseaux fumant et des yeux reptiliens. Je ne bouge plus alors que la créature se rapproche de ses pattes immenses, traînant ses chaînes à sa suite. La chaleur qu'elle émet est telle que des gouttes dévalent mes tempes.

Cet espace immense peine à lui laisser assez de place, son dos râpe les murs et des petits débris tombent sur elle. Son museau descends lentement jusqu'à mon visage. Mon cœur s'emballe, mes mains moites glissent sur le fer. Je ferme les yeux, attendant les flammes ou les crocs qui ne tarderont pas à déchiqueter ma chair.

Les secondes s'étirent et rien ne se passe. Ouvrant un œil, je constate que la créature semble plus désespérée qu'enragée. Son regard est rempli d'un tel désespoir que ça m'arrache les tripes.

Soulevant la main pour soulager la pression des chaînes, elle sursaute et se tasse sur elle-même. Stupéfaite, je la regarde trembler. Je m'assieds sur les fesses pour l'observer.

Une flamme des plus minuscules apparaît dans ma paume, cachée entre mes doigts fermés. Je garde mon attention sur la bête, faisant grossir progressivement le feu jusqu'à obtenir assez de lumière pour y voir quelque chose dans cet endroit. La créature ne bouge pas, toujours craintive, repliée sur elle-même.

- Chut, je ne te ferai pas de mal, murmuré-je.

Elle ne peut pas comprendre ce que je dis mais j'espère qu'elle y sent toute la douceur que j'y mets.

Je m'approche centimètre par centimètre, jusqu'à ce que je puisse voir en détail ses écailles couvertes de plaies. Certaines, anciennes n'ont laissé qu'une vilaine cicatrice, d'autres plus récentes sont encore sanguinolentes.

Plus je parcours son corps, plus je comprends que quelqu'un a réussi à l'entraver pour se servir de son sang. Nous ne sommes pas aussi seuls que je le pensais...

Ces créatures sont introuvables depuis près de deux siècles, je me souviens de ma mère qui se désolait de plus en croiser. Les dragons, immortels, rendrait quiconque boit leur sang aussi immortel qu'eux. À condition de ne pas tuer celui dont on boit le sang.

C'est très certainement des sorcières qui ont réussi à l'entraver et l'affaiblir de la sorte. Si c'est bien elles, la bonne nouvelle c'est que je pourrai la libérer. Je me redresse en prenant garde à ne pas terroriser mon nouvel ami.
Neiya ne me croira jamais !

J'éclaire les murs, cherchant des runes. Utiliser un sortilège laisse des traces.
Je ne dois pas traîner, elles pourraient revenir chercher une dose de leur précieux breuvage.

Après avoir chercher sur chaque centimètre carré de chaque pierre, je dois me rendre à l'évidence. Aucune rune n'est gravée sur ces murs. Les yeux reptiliens ont suivi avec curiosité chacun de mes mouvements, alors quand je m'assois de nouveau, abbatue, ça ne m'étonne pas de sentir sa tête de glisser contre mes cuisses.

Les doigts tremblants, j'approche de sa tête, attendant un signe pour la poser. Le dragon se roule comme un chat, me montrant le côté de sa tête. Je glisse mes doigts sur ses écailles et d'un coup, la texture m'en rappelle une autre.

Ma flamme s'agite, la lumière mauve fait reculer les ombres, tel un néon. Je vois le dragon entièrement pour la première fois, d'un blanc comme la neige, souillé par cet endroit. Mon cœur brûle lorsque je comprends qu'Arwan me ment depuis le début. Il n'est pas un hybride, non. Sa vraie nature à quelque chose à voir avec les dragons.

Ce ne serait quand même pas lui qui utiliserait le sang ?

L'énorme tête vient se poser sur mes genoux, je continue de la caresser en proie aux pires doutes.
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02/03/2024

Hey !
Depuis le temps que je patiente pour vous faire rencontrer les dragons 🤭
J'espère que vous aimez cette rencontre inattendue ❤️

Love contrat Où les histoires vivent. Découvrez maintenant