Double Jeu

Chapitre 25

[Angélique]

       La jeune duchesse se réveilla doucement après une bonne nuit revigorante. Elle s'apprêta, avala tranquillement son petit-déjeuner et retourna dans sa chambre pour achever l'une des lectures qu'on lui avait prêté. Ce n'était pas son activité favorite, et de loin, mais elle se sentait l'envie d'achever ce livre qui traînait sur ses étagères depuis longtemps. Cependant quelque chose vint mettre un terme à sa bonne humeur.

       Lorsqu'elle sortit chercher un objet oublié dans le salon, elle vit que ses parents s'y trouvaient aussi, et ils l'intimèrent de venir s'asseoir avec eux. C'était quelques fois leur rituel ; ils s'asseyaient ensemble, et lisaient une lettre ou un ouvrage chacun de leur côté tout en sirotant un thé ou autre boisson exotique.

       Mais cette fois-ci une conversation s'engagea bien vite.

« Eh bien ma fille, comment avez-vous trouvé cette soirée d'appartement à laquelle vous sembliez si pressée de vous rendre ?

— Délicieuse père, j'y ai passé du bon temps.

— Je suis content de l'apprendre. Cependant, des amis à nous nous on rapporté une nouvelle que je qualifierai de fâcheuse. »

       Son ton ne laissait présager rien de bon, et la jeune fille se redressa, inquiète de ce qui allait suivre.

« Ils auraient vus votre cavalier danser avec plusieurs dames tout au long de la soirée, et cela ne s'est pas produit qu'une seule fois. Cela les a donc étonné, sachant qu'il s'agissait de votre partenaire. Pourriez-vous expliquer ceci ? »

      Oui, il avait définitivement l'air énervé, même s'il essayait de ne point le faire transparaître. Mais Angélique le connaissait assez pour savoir qu'elle marchait actuellement sur des oeufs, et que la réponse qu'elle allait lui donner ferait mieux de lui plaire. Ce n'était pas homme à s'émouvoir de peu, et il ne l'avait jamais réellement punie, mais elle redoutait au vu des récents changements ce qu'il pourrait se résoudre à mettre en place.

« Eh bien... Je pourrais vous dire, commença-t-elle lentement, que nous avons été séparés lors d'un mouvement de foule, et que nous n'avons pu nous retrouver après. 

— Allons bon. Je ne sais ce que vous avez fabriqué encore, mais à repousser tous vos prétendants de la sorte, ce n'est point comme cela que vous rendrez un mariage agréable. »

      Le regard désemparé de la jeune fille ne fit que lui confirmer ses impressions, ce sur quoi il renchérit :

« Vous ne vous comportez assurément pas comme il le faut, et si le besoin s'en fait trop ressentir, nous prendrons des mesures plus drastiques. Nous vous laissons le choix, ne gâchez pas votre chance. C'est pour votre bien que nous faisons tout cela » conclut-il, semblant réellement concerné par la situation.

       Elle prit quelques secondes pour chercher des mots appropriés afin d'apaiser la situation.

« Je suis consciente de cette opportunité que vous me donnez, et je vous en remercie de tout mon coeur. Cependant, si je ne suis pas restée beaucoup avec Monsieur d'Ableiges, c'est pour rencontrer les autres hommes que vous me proposez afin de voir lequel me conviendrait le mieux. C'est un individu qui s'attache très rapidement et je ne désire point lui causer de peine.

— Et c'est tout à votre honneur, assura son père visiblement détendu, ce qui rassura Angélique. Nous avons décidé que vous vous rendrez aux prochaines festivités organisées au côté d'un cavalier que nous voudrions beaucoup que vous rencontriez, et qui vous plaira j'en suis sûr.

— Bien, accepta-t-elle, assez contente de s'en tirer à bon compte.

— Nous en restons là alors. »

       Elle se leva et commença à marcher vers la porte lorsque sa voix retentit à nouveau.

« Et, Angélique ?

— Oui ?

— J'aimerai vraiment que vous trouviez l'homme qui vous conviendra. »

      Elle acquiesça et quitta la pièce pour de bon. Elle savait qu'ils agissaient pour son bien et ne souhaitaient que son bonheur, mais malheureusement leur conception n'en était pas tout à fait la même. Et il ne servirait à rien de leur expliquer, ils ne comprendraient pas.